B - LES AVATARS D'UNE MEMOIRE

 

 La Résistance fournit aux deux Républiques de l'après-guerre leurs références et une partie de leur personnel. Elle ne quitte ja­mais totalement le devant de la scène. Son histoire, toujours “ chaude ”, ne peut donc se terminer en 1945. Partie prenante des combats de l'époque, légendaire fondateur, lieu de mémoire disputé et fréquenté, on peut traquer sa trace dans de nombreux domaines. Pour la suivre dans le Var, sans nous égarer sur les chemins connexes, nous prendrons principalement comme fil conducteur l'histoire de ses commémorations et de l'une des plus importantes associations d'anciens résistants, l'ANACR1 .

Outre les raisons d'opportunités qui nous ont permis d'avoir ac­cès à ses archives, cette association présente l'intérêt d'exacerber certains des traits propres à la mémoire résistante. Héritiers des FTP et de la Résistance communiste, ses membres participent acti­vement à la vie politique de l'après-guerre. Ayant été en première ligne pour la victoire de 1944-1945, ils ont le sentiment d'avoir été floués, après la Libération. De ce point de vue, davantage que d'autres résistants, ils se sentent, dans une certaine mesure, des vaincus politiques. Cultivant longtemps de façon privilégiée une certaine vision héroïque d'une résistance martyre, ils ont été et sont très sensibles à tout ce qui représente un danger de renaissance de ce qu'ils ont combattu (fascisme et Allemagne), et pas seulement pour des raisons de tactique politique. Groupe particulier au sein de la minorité résistante, ils ont conscience d'avoir été parmi les “ meilleurs ” et de n'avoir pas été reconnus, d'autant que l'historiographie “ officielle ”, pendant longtemps, ne leur a pas rendu justice.

 

1 - Mémoire triomphale (1944-1947)

Peu de temps après la Libération, les associations prolifèrent, et, parmi elles, celles qui veulent rassembler les anciens résistants. Elles se veulent toutes attachées à l'unité de la Résistance, mais sont soucieuses d'affirmer leur originalité et la pureté de leurs origines, se considérant mutuellement avec suspicion. Il est vrai que la large ouverture que pratiquent les mouvements de Résistance, FN et MLN, les inquiète, bien qu'elles soient des branches des mêmes arbres. Elles sont aussi le moyen de “ séparer le bon grain de l'ivraie ” et de participer au combat toujours ouvert.

Tandis que les nombreuses amicales FFI servent de support à l'association des CFL du Var, créée en octobre 1944, sous l'impulsion du socialiste Orsini (MLN), naissent, au même moment, l'Amicale des Vétérans de la Résistance - qui deviendra, un an après, l'Association des Amis des anciens FTP - et Les Pionniers de la Résistance2. Les deux premières ont une vocation de masse. La troi­sième se veut élitiste, sélectionnant ses membres, groupant des ré­sistants relativement marginaux, comme Fourtoul ou Mentha. Elle se veut offensive et n'hésite pas à dénoncer dans son journal les “ faux ” résistants ou les timidités de l'épuration3. Mais, jusque-là, le devant de la scène est occupé par les partis et les mouvements issus de la Résistance, ainsi que par les unités FFI.

C'est une phase d'activité commémorative intense. Moteur de la vie politique, le Parti communiste fait un large usage de cet instru­ment de mobilisation et de politisation des masses. Cela va des morts de Châteaubriand (22 octobre 1944) à la Révolution d'octobre, en passant par Péri, Dimitrov, la mort de Lénine, l'Armée rouge, sans oublier le sabordage de la flotte pour lequel se déplacent André Marty en 1944 et le Marseillais Cristofol en 1945. D'octobre 1944 à août 1945, l'ampleur des cérémonies est exceptionnelle.

Le culte des morts doit servir à fonder l'unité fragile tant des résistants entre eux que de la Résistance et de la population. Les cé­rémonies funéraires locales rassemblent des foules. Les défilés du 1er novembre 1944, en hommage aux morts du maquis, réunissent des milliers de personnes, soit la presque totalité des populations, y compris dans des communes importantes comme Hyères, La Seyne, La Garde, Ollioules, etc. pour ne rien dire des villages. Ceux du 11, destinés à honorer tous les morts, ont un succès comparable. Ce 11 novembre-là, les jeunes combattants prennent une sorte de revanche sur leurs aînés de 14-18, passés relativement au second plan. Malgré les recommandations gouvernementales, il y a même quelques réjouissances. Pour certains, la guerre est déjà terminée. Cette participation massive porte à s'interroger. Elle a certes un ca­ractère rituel, mais quelques incidents mineurs et des remarques acerbes dans certains articles montrent que même ceux qui ne de­vraient pas y être aux yeux des résistants s'y sont joints4. La pré­sence à la cérémonie a aussi un caractère compensatoire.
L'annonce de la capitulation allemande est marquée par une explosion d'enthousiasme, bien que, le 6 mai, le CDL ait déjà convié la population à venir fêter les victoires alliées en Italie et la chute de Berlin (8 000 personnes à Toulon). La population n'était donc pas si indifférente à ce qui se passait sur le front. Mais les incidents qui se produisent à Draguignan, le 9 mai, lors du défilé de la Victoire, illustrent déjà la difficulté de cette commémoration : les “ déportés ” au STO, catégorie mal aimée, en ont été exclus et le préfet s'indigne de la participation trop ostensible des républicains espagnols. L'atmosphère de xénophobie ambiante tend à exclure les étrangers de la fête5. La mémoire des vainqueurs s'organise déjà sur une série d'oublis6.
Sur la lancée des succès communistes aux municipales et dans le cadre de la mobilisation pour les états-Généraux, le 14 juillet 1945 devient la grande fête de la Nation résistante et comme “ une deuxième célébration de la victoire ”7. Malgré le reflux qui s'amorce, les néo-jacobins affirment avec éclat leur filiation révolutionnaire et rédigent des appels enflammés “ pour abattre toutes les Bastilles ”8. C'est l'apogée de la Révolution mimée. Les nouveaux sans-culotte, les FFI, sont les héros de la fête. à travers eux, on célèbre le ma­riage de l'armée et de la Nation au moment où ses jours sont comp­tés9. Mais, en l'espace d'un an, les principaux thèmes du mythe triomphaliste, version de gauche, se sont fixés.
L'anniversaire de la Libération et du débarquement connaît une grande ampleur : 50 000 personnes au Dramont, lieu de la cérémonie principale, le 15 août. Mais la commémoration est l'occasion d'une grande déception - on attendait de Gaulle et il n'est pas venu - et aussi de nouveaux accrocs entre le pouvoir central et ce qui reste des institutions de la Résistance10. Le CDL se sent exclu de la préparation des festivités, aussi bien de celles du 15, sur les plages du débarquement, que de celles du 24 à Toulon, en présence du gé­néral de Lattre.

Une lutte feutrée s'est engagée, sur le terrain commémoratif, entre les communistes, chefs de file d'une politique différente, jusque-là principaux organisateurs des manifestations, et le préfet qui entend leur disputer le contrôle de l'opinion.

Pour les communistes, encore gênés par leur position à la fois extérieure et intérieure vis-à-vis du pouvoir, la commémoration est l'occasion de redire :

“ Il y a de nombreux motifs de déception ... Tout reste à faire... la lutte n'est pas terminée. Hier, nous avons libéré notre territoire avec des fusils et des mitraillettes ; aujourd'hui, il faut que nous libérions notre pays du blocus économique que nous imposent les trusts, en nous mobilisant dans le travail pour gagner la bataille de la production. ”11

Quant au préfet, toujours Henri Sarie, qui n'a pas de problème de positionnement, il préconise, à l'approche du 15 août, un “ bon usage ” des cérémonies pour “ que “ l'opinion ” ne soit pas orientée à sens unique ”. Il souligne

“ que la population de ce département, qui est sans nul doute parmi celles qui souffrent le plus, demeure par­faitement capable d'enthousiasme ”,
 et il y voit

“ les preuves d'un res­sort moral et les éléments d'une confiance qu'il est indispensable d'entretenir, plus particulièrement dans les circonstances actuelles... L'approche de la date commémorative des grands évènements his­toriques du 15 août 1944 permettra à cette foule de se livrer à de beaux mouvements d'exaltation patriotique et il serait fort dom­mage pour le prestige du pouvoir central, que ces fêtes ne puissent atteindre leur maximum d'intensité... Or, dans cette période d'agitation, le pays ne sait plus trop où est sa véritable voie. Il en­tend crier très fort. Beaucoup de harangues dissimulent des me­naces sous le vocable de l'union ; il faut que le Gouvernement, autour duquel le pays, en réalité, ne demande qu'à se souder, soit le direc­teur des consciences et le protecteur naturel des populations. Toutes les manifestations à caractère patriotique constituent un excellent levain pour galvaniser l'opinion et donner à la Nation son âme vé­ritable. ”12

Ce langage, le plus traditionnel qui soit dans la bouche d'un homme d'ordre13,  permet de mesurer le chemin parcouru en un an.

L'ordre revient, en effet, dans le monde commémoratif. Les 11 novembre suivants retournent dans le giron des “ vrais ” anciens combattants.

Jusqu'en 1946, l'unanimité de façade se maintient, malgré les tensions internes. Mais il y a, localement, des situations annoncia­trices. Il arrive que le front unitaire cède prématurément, ainsi à La Seyne, où les divisions sont trop fortes pour que l'on commémore ensemble, et à Brignoles, où commencent déjà les polémiques ou­vertes sur les attitudes de chacun pendant la Résistance. Le 8 mai 1946 est l'occasion pour la presse d'exprimer le désenchantement dominant dans le peu de place qu'elle lui consacre. Le thème re­viendra, avec encore plus de force, en 1947.

 Trois jours auparavant, le Var a réaffirmé sa spécificité poli­tique "rouge". Il a donné au référendum constitutionnel la plus forte majorité en faveur d'un texte que le pays repoussait14. Cette mé­moire politique est réactivée et entretenue par la Résistance, depuis la Libération. Il y a non seulement la référence constante à la Ré­volution Française, mais aussi la redécouverte de 1851, avec la réutilisation des monuments d'Aups et Barjols, les allocutions et plusieurs articles dans la presse (où revient la comparaison maquis-insurgés de 185115). La conscience d'appartenir à ce lignage est le fait des communistes comme des socialistes. C'est même dans Répu­blique, le quotidien socialiste, après la scission de la Liberté du Var, que Paul Maurel, écrivain et maire de Solliès-Ville, fait paraître en feuilleton un roman historique sur cet épisode16. C'est un autre signe de l'ambiguÏté du socialisme régional, enracinée dans un imaginaire révolutionnaire qui correspond si peu à l'attitude effective.

L'essor des principales associations de résistants se produit après l'été 1945, lorsque les engagés de la Libération sont démobili­sés et que, pour des raisons où la morale et la politique ont plus à voir que l'intérêt, les résistants se préoccupent de faire valoir leurs droits. Mais quels droits ? Et qu'est-ce qu'un résistant ? Chacun se méfie et les clivages passent non seulement entre résistants com­munistes et résistants non communistes, mais aussi parmi ces derniers, schématiquement entre ceux qui soutiennent le pouvoir et ceux qui, plus à droite, s'en sentent exclus, qui ont parfois fait un bout de chemin avec les communistes et qui s'apprêtent à suivre le général de Gaulle. Le CDL créé une commission pour garder à la Résistance “ son authenticité et sa pureté ” devant les agissements de

“ certains représentants du Gouvernement provisoire qui, depuis leur arrivée d'Alger, n'ont cessé de saper le prestige de la Résistance métropolitaine et attribuent des médailles par collusion et favori­tisme. ”17
 Cette commission, réellement unitaire (FTP-CFL-ORA), rencontre la rivalité de ceux qui s'estiment les “ vrais ”, les “ premiers ” et qui constituent leur propre organisme d'homologation, avant de s'entredéchirer en octobre 194618. Entre les deux commissions, la concurrence est alors aiguisée par la volonté de maîtrise sur l'habilitation de la future carte de Combattant volontaire de la Ré­sistance (CVR).

Bien que les amicales FFI n'aient eu qu'une existence éphé­mère, l'association des CFL revendique 5 000 adhérents, ce qui pa­raît très exagéré. Celle des anciens FTP en compte alors 600, plus 1 800 amis. Prolongeant la coupure principale de la Résistance, ces associations agissent parallèlement, la première dans les anciennes zones de l'AS, celles du MLN et de la SFIO, la seconde, forte du prestige des FTP, dans celles des succès du PCF, en particulier dans les régions des maquis. Elle bénéficie, en plus, de son engage­ment en faveur des régiments FFI.

L'Association des anciens FTP est une association militante. Elle dispose d'un secrétariat permanent, tenu par Louis Michel, l'un des responsables de la Résistance communiste varoise. Elle participe activement à la campagne en faveur de l'application du programme du CNR et de la mise sur pied de l'armée nouvelle. Elle vient en aide aux anciens maquisards et propose un “ modèle ” FTP en po­pularisant leur code d'honneur et leurs chants de maquis19. L'aspect funéraire est important : elle organise la célébration régulière du culte des martyrs FTP (Signes, Aups, le Bessillon surtout). Mais elle consacre aussi de gros efforts pour que les combattants de la Résistance, FTP en particulier, soient considérés comme des soldats et des officiers à part entière. Les premières revendications concernent l'attribution des récompenses et l'homologation des grades20. C'est évidemment une traduction de la politique du Parti vis-à-vis de la Résistance et des résistants, mais aussi l'expression de cette volonté de promotion (individuelle et collective) et d'intégration caractéristique des militants de cette époque et, peut-être, du Parti thorézien.

Pendant que les grandes associations se partagent le rôle d'intercesseurs officiels et se moulent donc sur le modèle hérité de la Grande Guerre, l'association des Pionniers de la Résistance décline (380 membres en 1946, 180 en 1987). Les fondateurs sont éliminés de sa direction qui passe aux mains de résistants socialistes. Mais la coupure entre gaullistes et socialistes lui est fatale. Les marginaux de l'après-Résistance trouvent alors dans le RPF une structure d'accueil et de revanche. Le nouveau parti recrute beaucoup dans les amicales de réseaux de la France Combattante qui se sont constituées peu auparavant.

Omniprésente, la mémoire résistante subit le contrecoup des déceptions et des divisions, avant même que la “ Guerre froide et les guerres coloniales ne fassent sentir leurs effets.

 

2 - Mémoire refoulée ...

 La mémoire que les anciens résistants défendent n'a rien d'une mémoire fossilisée. Elle est un enjeu que l'on se dispute avec un certain acharnement que ce soit sur le terrain des droits ou sur celui du mythe.

Mais cet éclatement de la mémoire résistante en fractions mi­litantes s'accompagne d'un certain refoulement, comme si, pour toute une partie de l'opinion, la page était tournée.

Mythification d'un côté, oubli de l'autre. On peut s'en rendre compte à travers les réponses à l' Enquête sur l'histoire de l'occupation et la Libération dans le département du Var, 1940\u20131945. Cette enquête, lancée par la Commission d'Histoire de l'Occupation et de la Libération de la France, est pourtant prudente. Elle s'adresse aux maires que l'on suppose donc garants du sérieux et de l'objectivité des résultats. Les renseignements, “ exclusivement destinés à des fins historiques ”, “ strictement confidentiels ”, seront adressés au préfet, conservés aux Archives départementales avec toutes les garanties légales. Or, premier indice, les réponses sont longues à parvenir. Il faut relancer. La Résistance ne suscite plus l'enthousiasme. Leur réception s'échelonne entre janvier 1949 et mai 1951. Il est vrai que le questionnaire est long : six pages et 47 questions qui portent aussi sur les divers aspects de la période (hors Vichy et la collaboration). Certaines communes ne semblent pas avoir répondu21. Ce sont surtout les plus grandes (Toulon, Bri­gnoles, Fréjus, Salernes, Solliès-Pont, Le Muy notamment) et cette abstention est peut-être politiquement révélatrice. Quant aux ré­ponses fournies - 136 au total - elles sont le plus souvent déce­vantes. Peu empressées, elles sont, en général, peu détaillées, ou­blieuses et souvent bâclées. Ces signes sont trop nombreux pour qu'il ne s'agisse pas d'un phénomène collectif révélateur.

à Carcès (municipalité socialiste, élue avec les voix de droite contre les membres d'une délégation municipale communiste dont l'attitude a été très contestée), on renvoie très volontairement le questionnaire sans rien noter, en prétextant que la mairie “ manque d'éléments suffisants ” pour répondre... à Puget-sur-Argens, le maire ne sait pas s'il y a eu de la Résistance (“ Non, à ma connais­sance ”). à Flassans, le maire (conseiller général socialiste, maintenu par Vichy, non résistant, critiqué à la Libération par ses camarades et par la délégation communiste, réélu contre elle en 1945) porte le jugement suivant sur la Résistance : “ très discutable. Elle s'est révé­lée à l'arrivée des Américains ”... à Besse, commune déchirée dès la Libération où la Résistance, assez tardive, a été le fait des commu­nistes, il n'y a pas eu de Résistance, d'après le maire (socialiste). Même cas de figure à Puget-Ville (Résistance “ non ”, groupe FFI “ non ”, sabotages “ non ”, ce qui est faux). Cette minimisation de la Résistance, volontaire parfois, mais souvent due à l'ignorance pure et simple, se rencontre dans 27 communes, en général là où les FTP ont été les plus actifs. à Saint-Maximin qui a retrouvé son an­crage à droite, ni l'aide au maquis, ni même l'action des Dominicains ne sont mentionnées. à Saint-Raphaël, l'oubli porte sur les FTP-MOI (ce qui est un cas général). à Moissac-Bellevue, il affecte le chantier forestier du Pelenq. à Cotignac, l'occultation du maquis FTP du Bessillon est révélatrice de l'ampleur du rejet. à Ollioules où la municipalité a changé, la relance de l'enquête au début 1951 excède : on a déjà répondu, il ne s'est rien passé pour la Libération effectuée par l'armée régulière,

“ quelques arrestations par les F.F.I, une exécution sommaire dont il est préférable de ne pas parler... Bien entendu, magasins des Allemands et même ceux de quelques honnêtes commerçants pillés. Inutile je pense d'approfondir. Très peu de démolition par bombardement. En fait, rien à signaler. ”

Dans toutes ces communes, les acteurs principaux de la Résistance ont perdu le pouvoir et le magistère moral.

Là où la réponse est faite avec un minimum de bonne volonté, le lecteur reste atterré par les erreurs de chronologie qu'il peut re­lever et l'imprécision générale des renseignements. On va jusqu'à se tromper sur les dates des occupations dans 16 communes. Il arrive qu'on les fasse remonter à 1940 ou 1941 (dans trois cas). Les organisa­tions de Résistance les plus souvent citées sont les FFI (84 fois) et, très loin derrière, les FTP (22) et l'AS (15). En revanche, Libération et l'ORA n'apparaissent que sept fois, Combat trois fois seulement, Franc-Tireur, le PCF et la SFIO qu'une seule fois. Les MUR et le MLN ne sont guère mieux lotis (neuf et cinq fois)22. Si l'on donne des précisions relatives sur les dégâts de l'Occupation et de la Libération, si l'on n'oublie pas les bombardements même minimes, voire les parachu­tages (y compris lorsqu'ils n'ont pas eu lieu), on se trompe sur le nombre de déportés, sur le nombre de STO (confondus avec les re­quis pour le travail côtier dans 60 communes !) et sur les actes de résistance. Les déportés raciaux sont rarement signalés. Les inter­nés communistes ne sont pas donnés. Tout ce qui concerne les “ étrangers ” à la commune ne suscite aucune remarque particulière, sauf à Gassin où l'on signale leur rôle dans le démarrage de la Ré­sistance et dans le petit village agricole d'évenos, proche de Toulon, où le commentaire sur la Libération en dit long sur la façon dont les FFI extérieurs ont été perçus :

“ On a vu le lendemain du combat et les jours suivants quelques hommes armés, étrangers à la commune, dont la manche était ornée d'un brassard, parcourir la commune sous prétexte de rechercher les ennemis qui pourraient s'y cacher, mais qui se sont bornés à quelques perquisitions, sans mandat, et à la réquisition de quelques denrées soi-disant pillées. ”

Certains maires, surtout dans les petites communes, témoignent de façon très honnête de la réalité résistante : à Trigance, dans le Haut-Var,

“ la commune n'ayant jamais été occupée en permanence par les Allemands, la Résistance a été plutôt passive et s'est bornée à envoyer le moins de jeunes gens possible au S.T.O. ”

On insiste souvent sur la résistance passive qui est effectivement la réalité première, mais cette vision réaliste cache parfois l'existence de groupes de résistance effectifs.

Dans les communes où les autorités ont fait un effort pour rendre compte des événements, on peut noter que le légendaire est en formation, sous ses divers et contradictoires aspects. Les traits sont fixés très tôt, ce que confirme, par ailleurs, l'examen des témoi­gnages donnés par les résistants à des dates différentes. Les lignes de force du souvenir sont déjà organisées. Il y a souvent enflure du spectaculaire (les combats de la Libération, les FFI), voire du merveilleux (les parachutages). Par contre, l'action de la Résistance inté­rieure avant l'été 1944 pâtit, dans la mémoire collective, des condi­tions mêmes qui ont assuré sa survie et son efficacité. Est occultée surtout la résistance “ civile ” et politique, non conforme au mythe du résistant guerrier. Comme dans les attestations que l'on commence à remplir et comme dans les souvenirs, le temps de la Libération occupe presque toute la place. Il s'est dilaté au point de porter om­brage aux mois précédents. L'attitude de la population ressort una­nime de ces questionnaires. Aucune mention n'est faite de ce qui a divisé. Il n'y a donc rien, en général, sur Vichy et sur la collabora­tion (sauf dans trois cas). La population apparaît comme résistante dans son ensemble : à Ampus, village près de Draguignan, le maire (communiste) affirme qu' “ aucune personne... n'avait adhéré aux mouvements et organismes de collaboration ” (ce qui est faire bon marché de la Légion) et que “ seule demeurait la Résistance acceptée unanimement par la population ”. Là où on reste ardemment atta­ché à la Résistance, c'est un tout peuple combattant qui surgit. Là où le maire n'a pas été lui-même très engagé, la résistance aurait été tout aussi unanime, mais passive. Paul Maurel, à Solliès-Ville, com­pense le peu de matière précise qu'il peut apporter par un long dé­veloppement sur la persistance de l'amour de la France et de la Ré­publique, l'écoute des radios, les journaux clandestins, la fidélité au drapeau tricolore et au buste de Marianne. à Saint-Raphaël, on sou­ligne qu'

 “ une grosse majorité de la population a résisté à l'oppression, soit directement, soit indirectement, désertion au tra­vail, lenteur et incompréhension volontaires. ”

à Barjols, on résistait “ journellement, par tous les moyens ”. à Fox-Amphoux, calme village du Haut-Var, la résistance aurait été faite “ par tous les moyens au pouvoir de la population communale toute entière ”, sans autre précision. Dans ces communes fidèles, certains faits prennent une di­mension épique. Certaines érigent la résistance passive en héroïsme quotidien (Saint-Cyr, par exemple, commune du président du Conseil départemental de Vichy, où les sabotages étaient “ journellement ” effectués et où “ la population très digne a fait face à l'oppression chaque fois que des actes de servilité lui étaient de­mandés ”). Les communes à qui l'on a attribué une citation la reco­pient. Les petits villages du Plan de Canjuers (Aiguines, Brovès) in­sistent sur la présence, que l'on sous-entend longue, du maquis. à Mazaugues, les maquisards seraient restés cinq ou six mois, soit le double du temps de séjour réel. à Cabasse, la Résistance locale est carrément rattachée aux “ F.F.C., état-major De Gaulle ”. Quelques communes fournissent des récits détaillés, après avoir fait appel à des responsables de la Résistance (Fayence, Hyères, Les Arcs, Aups, Pourcieux en particulier).

Mais la tendance générale n'est pas à la survalorisation. Bien au contraire. Cinq ans après la Libération, le regard est plutôt distan­cié... Les communistes maintiennent une vision héroïque de la Ré­sistance. La droite locale, y compris gaulliste, a tendance à l'évacuer et, signe de son positionnement difficile et de l'hétérogénéité de ses composantes, la mémoire socialiste est partagée entre les deux at­titudes en fonction du comportement de ses élus pendant la guerre.

 

3 - ... et mémoire déchirée (1947-1958)

La cassure décisive est 1947, on le sait. Mais ce n'est pas telle­ment l'éviction des communistes du gouvernement qui en est la cause. Entre les frères désunis de la gauche, l'affrontement n'était pas nouveau, mais contenu volontairement à l'intérieur d'un cadre qui parvenait à sauvegarder certaines apparences. Par contre, le ci­ment de l'unité éclate avec le RPF. Le général de Gaulle descendant dans l'arène, le jeu est brouillé. Alors que les marginaux de la Ré­sistance constituent un rassemblement hétéroclite, rapidement en proie à des dissensions, où la fidélité gaulliste se combine avec bien des aigreurs et des ambitions23, les anciens FTP participent aux comités de vigilance créés pour dénoncer le “ néo-fascisme ”. Les frères Duclos tiennent meeting à Toulon, le 12 avril 1947, sur le thème de la République menacée et de la défense des droits. Pourtant la commémoration du 18 juin reste unitaire avec aussi bien les FTP que les FFI ou les gaullistes des FFL24. Malgré la venue de Rama­dier et du général de Lattre, on sent bien, par la place réduite que la presse lui accorde, que la commémoration de la Libération n'a plus la même importance. Alors que la Résistance s'efface relativement, la célébration du rôle de l'armée dans la Libération prend un relief nouveau. L'évolution politique et les événements d'Outre-Mer conduisent à remplacer, sur certains points, l'unité de la Résistance par l'union sacrée. C'est sur ce thème que se font les discours le 8 mai 1947. Le couplage - qui est aussi résurgence - de la fête de Jeanne d'Arc et de cette date n'a rien d'une coïncidence.
Les cérémonies commémoratives éclatent après l'automne 194725, c'est-à-dire après les élections municipales qui ont enregistré une poussée du RPF. Comme à Marseille, il est parvenu à s'emparer de la mairie de Toulon. Cette victoire sur le Parti com­muniste26, les affrontements de décembre et la guerre verbale, mais sans retenue, que se livrent anciens résistants RPF, communistes et socialistes, font franchir une étape décisive au déchirement. C'est le temps du “ déballage ” et des accusations sur l'attitude des uns et des autres pendant la Résistance27. Même si le RPF se distingue par quelques gestes séparés, par exemple le 18 juin, la coupure princi­pale passe désormais entre les cérémonies officielles et celles que le Parti communiste organise avec sa nébuleuse d'associations. La divi­sion qui affecte surtout Toulon et La Seyne est très profonde en 1948, alors que les communistes ont pu rassembler de nombreux résistants dans Les Combattants de la Liberté. Ceux-ci se donnent pour but de “ recréer le climat moral de la Résistance ” et mettent en avant, en plus de la dénonciation de la menace allemande et des guerres coloniales, les thèmes classiques sur l'armée, l'épuration, la République28. à l'initiative du Front national réactivé, ils manifestent le 6 juin contre le Plan Schuman, tandis que les FFL (dirigées par Mentha), les Anciens de la 2e DB, “ Rhin et Danube ”, Les Pionniers de la Résistance et l'UFAC organisent une contre-manifestation. La coupure est à son apogée en 1949-1950. Aucune date n'y échappe, même pas le 11 novembre. Sur fond de déclin général de la partici­pation populaire entre 1947 et 1953, le 8 mai pâtit sans doute plus que les autres cérémonies de cette cassure. Il n'est plus qu'une sorte de 11 novembre bis. Une relative unité est sauvegardée hors de l'agglomération toulonnaise. Mais chaque commémoration prend selon la municipalité ou l'association qui l'organise une certaine tonalité partisane. Il arrive que le désaccord éclate à la vue de tous, comme à Aups, le 22 juillet 1953, lorsque les élus socialistes quit­tent la cérémonie au cours de l'allocution du représentant des FTP.
Du côté des associations de Résistance, l'heure est aussi aux conflits ouverts. Les règles imposées aux résistants pour faire valoir leurs droits se révèlent inadaptées à la réalité de la Résistance. Mais elles sont aussi de redoutables instruments de division. Les travaux de la commission départementale d'homologation sont bloqués par l'hostilité que la majorité CFL-ORA et les FTP se portent. Fina­lement remaniée en 1950, la commission reste paralysée jusqu'en octobre par le refus des représentants CFL-ORA de siéger sous la présidence d'un FTP29. à nouveau modifiée, elle se heurte aux protestations des anciens FTP qui s'estiment injustement repré­sentés. Les délais étant écoulés, aucune unité combattante FFI (groupes sédentaires ou maquis) ne sera reconnue dans le Var30. Cette situation, qui est aussi celle des départements voisins, com­plique la procédure d'obtention des titres. La délivrance des attes­tations indispensables se fait dans une atmosphère de concurrence qui nuit au sérieux du travail. Comment, de part et d'autre, peut-on contrôler la véracité des faits avancés par les postulants ? Chacun sait qu'aucun responsable ne peut attester de grand chose, hors de son expérience directe. Déjà, la chronologie la plus élémentaire est brouillée. Ces péripéties découragent et renforcent le sentiment chez beaucoup de résistants que leur victoire ne cesse de leur être contestée. Sentiment classique chez les anciens combattants que celui d'avoir en face de soi une Nation ingrate qui leur conteste même la reconnaissance morale.
Chez les anciens FTP, le reflux se traduit par des difficultés fi­nancières. L'association ne peut plus garder son secrétaire perma­nent. Elle doit s'en séparer en 1948. Elle est alors dirigée par une équipe de sept membres, sous la responsabilité de Jean Castel, prési­dent, ancien chef FTP de Toulon, ancien responsable de la commis­sion militaire du CDL, et d'Edmond Bertrand, secrétaire général, ancien maquisard à Aups. Cadres bénévoles, ce sont des communistes très actifs pour qui ce travail constitue une tâche militante essentielle, mais non unique. La plupart militent au Parti et à la CGT. Ils doivent faire face à un travail administratif important pour lequel ils ne sont guère préparés. Au total, jusqu'en 1956, seront instruits environ 2 000 certificats d'appartenance FFI, 1 600 demandes de solde et 2 500 cartes CVR. Mais, dans cette période de volontarisme exacerbé, le travail des militants n'est jamais suffisant. Il est sans cesse critiqué par le Parti, malgré les conditions difficiles dans lesquelles il s'effectue. Les objectifs, toujours ambitieux, ne sont pas atteints. On voudrait que l'association devienne un mouvement de masse et l'on met l'insuffisance du recrutement sur le sectarisme des comités locaux où l'on préfère rester entre “ purs ”. Il est vrai que la géogra­phie de l'association reste calquée sur celle de l'implantation des FTP. Ses points forts ne dépassent pas leur aire d'influence : Est-Varois et région dracénoise, celle de Barjols, canton de Besse et Cotignac, Saint-Tropez et Saint-Raphaël, Toulon. Encore faut-il trou­ver des éléments pour assurer la présence et la vie de l'association. Comme dans la Résistance, tout repose sur une poignée de bonnes volontés. En 1949, l'association revendique 1 326 membres et 392 amis, mais elle ne parvient à vendre que 530 France d'Abord. Sur les 35 comités locaux, 25 fonctionnent moyennement et 11 peu ou pas du tout. Les chiffres officiels sont “ gonflés ” (2 885 adhérents) pour faire bonne figure face à la Fédération départementale FFI (toujours diri­gée par Orsini) qui en annonce 4 80031 que l'on affronte dans l'UFAC (rassemblement de l'ensemble des associations d'anciens combattants) et dans l'Office qui se met en place pour gérer cette population.
Bien entendu, la participation à l'activité politique est une prio­rité au même titre que la défense des droits. Si l'on essaye d'attirer des adhérents sur une base utilitariste et revendicative (obtenir la prime FFI, la médaille commémorative, le diplôme, demander la carte CVR et celle du Combattant), on ne cache pas la volonté de
Plus précisément, l'association participe à toutes les campagnes menées par le Parti communiste et les “ compagnons de route ”. Alors que les socialistes se compromettent dans le “ système ”, les communistes n'apparaissent-ils pas comme les plus fidèles héritiers, à gauche, de la Résistance ? Leurs mots d'ordre sont ceux de la tradi­tion républicaine : la Paix, la République et l'indépendance natio­nale33. D'où un certain succès au-delà des couches qu'ils influencent directement. Les anciens FTP font partie des fondateurs des Com­battants de la Liberté. Ils sont à la pointe de la lutte contre la guerre d'Indochine, contre le Pacte atlantique et contre le réarme­ment allemand, en participant aux meetings et aux pétitions organi­sées à ce moment-là34.
Les positions se durcissent en 1950. Leurs dirigeants payent de leur personne et sont condamnés à diverses reprises35. L'association est expulsée du local qui lui est concédé par la mairie, le 28 août 1951. Elle s'est mobilisé pour défendre avec l'UJRF le second-maître Henri Martin, ancien FTP, arrêté à Toulon le 13 mars 1950, inculpé de complicité de sabotage et condamné à cinq ans de réclusion le 19 octobre par le tribunal maritime36. En 1952, Toulon est au centre de l'affaire du “ complot ”. Après des incidents violents à la Bourse du Travail, le 31 mai, plusieurs dirigeants et militants com­munistes, 24 au total, sont arrêtés et, parmi eux, certains respon­sables des anciens FTP, à commencer par le secrétaire Bertrand37 (qui bénéficiera d'un non-lieu). Quelques mois après, la même ac­cusation de complot sert de prétexte à des perquisitions chez les an­ciens FTP de Saint-Raphaël38. Dans ce contexte, se révèle la phobie que les FTP continuent d'inspirer à leurs adversaires politiques et aux autorités, à la police en particulier. Ils sont toujours perçus, dix ans après la Libération, comme des guérilleros en puissance, les troupes de choc du Parti prêts à reprendre les armes à tout moment. La police dresse même la carte des zones de maquis possibles ! En négatif ou en positif, on voit que le recul de la mémoire résis­tante ne touche pas toutes les catégories de la population...

D'autres affaires permettent de s'en rendre compte, ce sont les poursuites intentées à des résistants pour des actes remontant à la clandestinité ou à la Libération et qui connaissent un regain certain (en particulier entre 1954 et 1956). Dans le Var, c'est, par exemple, le moment où le meurtre du député Carmagnolle revient sur le ta­pis. La conjoncture est favorable au règlement des comptes de l'épuration, comme l'illustre le vote des lois d'amnistie en 1951 et1953. La Résistance (tout entière) se sent remise en cause et ré­clame l'amnistie aussi pour les siens.

Cette remise en question n'épargne pas le Parti communiste lui-même et l'affaire Marty-Tillon (septembre 1952) est significative. Les anciens FTP suivent la direction du Parti, mais ont conscience qu'à travers les deux hommes, c'est à un peu d'eux-mêmes que l'on touche. La Fédération communiste du Var est alors l'objet de cri­tiques sévères de la part du Comité Central. Le sectarisme est mis sur le compte des séquelles de l'esprit de la Résistance chez certains dirigeants. Cette affaire contribue à la mise en sommeil de l'activité proprement politique de l'association.

Elle traverse une période de difficultés et pas seulement sur le plan politique ou, éventuellement, judiciaire. En 1954, le nombre de cartes qu'elle peut placer tombe à 875 et la chute se poursuit jusqu'en 1957 (475 cartes). La police la considère comme une as­sociation fantôme. C'est probablement moins la conséquence de la crise du Parti communiste qui a perdu plus de 3 000 adhérents de­puis 1947 que des forclusions intervenues en matière de délivrance de la carte CVR. Cet aspect de son travail, la défense des droits et de la mémoire des résistants, est désormais le principal.

Malgré la persistance des clivages internes au monde résistant, la tendance pousse au rapprochement. La défense des résistants poursuivis et le réarmement allemand dans le cadre de la CED – les deux sont liés pour les anciens résistants – ont conduit les frères en­nemis de la gauche à réagir en commun. Alors que le socialiste Le Bellegou est devenu maire de Toulon (1953), la SFIO et le PCF sont en passe de rétablir des relations plus sereines. En 1954, l'unité commémorative est rétablie à l'occasion de la toute neuve Journée nationale de la Déportation, ce qui en fait un jalon localement plus important que le 8 mai 1953, redevenu jour férié. L'union est maintenue pour le 14 juillet, ce qui accélère la crise municipale entre les socialistes et leurs alliés de droite de l'ARS (ex-RPF)39. Socialistes et communistes renouent avec une politique de ras­semblement à gauche40. La levée de l'hypothèque indochinoise faci­lite bien les choses. L'atmosphère est à l'unité et la commémoration du dixième anniversaire de la Libération s'en ressent. Très symboli­quement, le “ clou ” de la cérémonie est le simulacre de débarque­ment sur la plage de Fréjus41 : alors que les soldats descendent d'un landing-craft, ex-maquisards CFL et FTP de la Brigade des Maures viennent à leur rencontre.
“ La Résistance unie a accueilli ses frères d'armes. ”42

Ce climat d'entente n'est pas remis en cause par l'affaire hon­groise, malgré l'éclatement de l'alliance SFIO-PCF à Toulon. La peur de l'Allemagne reste un puissant facteur unitaire. Les comités d'entente dénoncent les “ revanchards ” de Bonn, puis s'indignent de la nomination du général Speidel à l'état-major de l'OTAN, en mars1957. Les communistes et l'ANACR (les anciens FTP) dirigent le mouvement. L'inquiétude née de la guerre d'Algérie et de la décomposition de la IVe République entraîne un regain de partici­pation aux cérémonies commémoratives. Il est sensible en 1957-1958. Le retour au pouvoir du général de Gaulle ouvre une nouvelle période dans l'histoire des rapports de la France et de la Résistance. Jusqu'ici assez terne, la célébration du 18 juin prend un relief ex­ceptionnel à Toulon, en 1958, sous la présidence du général Juin, en réunissant plusieurs milliers de personnes.

 

4 - Entre le mythe et l'histoire (de 1958 aux années 80)

Avec le général de Gaulle au pouvoir, retourne en force une certaine mémoire résistante. C'est aussi le moment du ralliement au gaul­lisme d'une partie de la gauche résistante non communiste43. Pour­tant, tout ne va pas pour le mieux entre le nouveau pouvoir et les associations de résistants, surtout dans un département où l'antigaullisme a de solides racines. Même si les tensions s'apaisent, la Résistance reste intimement liée à l'engagement politique. Le bas­culement du département à droite en 1958 et surtout celui de Toulon en 1959 avivent un divorce qui repose sur le refus du “ pouvoir personnel ” et la “ tradition républicaine ”. Il est aggravé par l'affaire du 8 mai, banalisé à nouveau. Malgré les rivalités qui ne peuvent s'effacer, une sorte de front commun des associations se constitue. Elles boycottent les cérémonies officielles du 8 mai et ré­clament désormais pour cette journée le même statut que le 11 no­vembre.

Au premier rang des opposantes, l'ANACR arrive au bout du processus de transformation en association classique d'anciens com­battants. Ses dirigeants, anciens cadres communistes désormais, ne se renouvellent plus guère, sinon par le flux naturel des décès et, phénomène nouveau, de l'arrivée de retraités originaires d'autres régions de France. Se conduisant de moins en moins en militants politiques et de plus en plus en témoins obstinés d'une Résistance toujours sur la défensive, ils élargissent leur recrutement et redon­nent vie à l'association. Ils maintiennent sans défaillances le culte de leurs martyrs par les cérémonies funéraires devenues de petites, mais solides, institutions, au cours desquelles ils développent les thèmes qui leur sont chers. Ces thèmes quittent peu à peu la conjoncture politique pour prendre de la hauteur et se placer sur le terrain des principes.

Les années 60 voient les dernières campagnes politiques mar­quantes. L'affaire Speidel se termine en 1961. La Guerre d'Algérie s'accompagne de prises de position en faveur de la paix et d'une vigou­reuse dénonciation de l'OAS et des néo-fascistes italiens44. Enfin la guerre du Vietnam suscite, bien évidemment, l'hostilité. Mais les articles et les allocutions tournent désormais autour de quelques axes permanents : la fidélité aux morts et à l'idéal de la Résistance, la dénon­ciation des nostalgiques de Vichy (avec la crainte répétée d'un transfert des cendres du maréchal Pétain à Verdun) et celle des néo-nazis allemands et français, la revendication de la levée des forclusions et du respect des droits des résistants, enfin la défense de la Paix, thèmes qui, on le voit, se situent dans le droit fil de la tradition “ ancien combattant ”. L'ancien résistant devient avant toute chose un exorciste contre les démons du fascisme et de la guerre.
Après la guerre d'Algérie, est atteint une sorte de palier. Le brassage de population et l'emprise des nouveaux moyens d'information atténuent la spécificité des comportements régionaux et toutes les attitudes locales ont tendance à se ressembler. Une sorte de stabilisation et d'unification de la mémoire résistante est en cours, bien que l'on reste politiquement divisé. Chacun est convaincu de la nécessité de sauvegarder un héritage qui ne paraît plus guère menacé que par l'oubli. La promotion de la figure de Jean Moulin dans les années 60 permet de donner de la Résistance une image unitaire et de la rassembler toute sous l'aile gaullienne. Le vingtième anniversaire de la Libération donne l'occasion d'avancer dans cette direction. Le général de Gaulle vient lui-même présider aux cérémonies commémoratives du 15 août 1964 et inaugurer le Mémorial national du Débarquement, au Mont Faron, à Toulon. Le choix du site, hors de la zone de débarquement, est lui-même consensuel et tout politique à l'égard d'une cité (et d'une marine) peu gaulliste45. La construction du Mémorial a été l'occasion de ré­unir les associations. La Résistance locale y possède sa salle où cha­cun a pu apporter son lot d'objets souvenirs. Parallèlement, les res­ponsables survivants de la Résistance varoise entreprennent de ras­sembler des témoignages. Vingt ans après l'époque unitaire de la Libé­ration, c'est un peu le retour aux sources d'une génération qui com­mence à se désengager de la vie professionnelle et politique et à se soucier de son devenir historique. Il est significatif que le corres­pondant départemental du Comité d'Histoire de la 2e Guerre Mon­diale, Victor Masson46 soit associé à ce travail, tandis que le Conseil général, toujours présidé par Edouard Soldani, fait publier la Carte de l'action qu'il a établie.
La préoccupation historique relance la vague des inaugura­tions. L'effet Jean Moulin fait boule de neige. Le 30e anniver­saire de la Libération ne voit aucune innovation cérémonielle47, mais le dynamisme de l'association “ Rhin et Danube ” qui regroupe les anciens de l'armée de Lattre se manifeste par de très nombreuses appositions de plaques sur les mairies des localités qu'elle a libérées. Du côté de la Résistance, l'événement marquant est la commémora­tion de la création du CDL, considéré comme le premier de France. Dans ces manifestations comme dans les témoignages recueillis et qui donnent matière à nombreux articles, il y a le souci constant de modeler la mémoire de la Résistance, de gommer ce qu'elle a pu avoir de conflictuel et d'âpre, de ne retenir que son côté unanimiste et de forger la statue d'un commandeur que les générations d'après-guerre, sensibles elles-mêmes à d'autres mythes, voient avec un œil critique. Ces générations montantes inquiètent les résistants. Les fils jugent sévèrement les pères à l'aune des révolutions tiers-mondistes.
Les années 1970 voient s'accroître cette inquiétude consubstan­tielle au monde résistant. L'action des associations d'anciens de l'armée, “ Rhin et Danube ” par exemple, l'émergence d'une autre géné­ration de combattants (ceux d'Algérie avec la FNACA) viennent bousculer l'ordonnancement du monde ancien combattant. Mais, surtout, l'évolution nationale et internationale nourrit les craintes. Les rapports entre les “ deux grands ” se tendent à nouveau et re­mettent au premier plan des préoccupations la lutte pour la paix. Plus encore, la présidence Pompidou place à nouveau les anciens de la Résistance sur la défensive. Bien que devenus un groupe de pres­sion reconnu, solidement établi dans la société et, plus qu'ils ne le croient, dans l'imaginaire collectif, ils redoutent la résurgence néo-pétainiste et néo-nazie. Ils s'inquiètent de la “ remise en cause d'une vision œcuménique de la France occupée ”48, l'assimilant, non sans abus, aux frémissements qui viennent de l'extrême droite. Cette crainte et le souci de la paix fournissent désormais matière aux mo­tions de congrès. Les quelques profanations de stèles (rares, mais le phénomène est neuf), comme par exemple au Thoronet en avril 1978, sont l'occasion d'un sursaut d'indignation unanime. Dans ce contexte, la remise en cause du 8 mai est ressentie comme une confirmation des craintes et une provocation. Elle aboutit d'ailleurs à redonner vie ici à une cérémonie déclinante. Plus qu'avant, le 8 mai redevient le symbole de la victoire sur le nazisme et un hom­mage à la Résistance. Devenu jour férié, le 8 mai a tendance à nou­veau à se banaliser.
En partie en cause de la réaction d'inquiétude qui accompagne les remises en cause des années 70, l'ANACR voit alors ses effec­tifs remonter. Stabilisés depuis 1958, ils atteignent les 600 adhé­rents au début des années 60, dépassent les 800 en 1976 qui constitue une sorte d'apogée. Ils redescendent légèrement par la suite (autour de 780). Le discours non sectaire tenu depuis plu­sieurs années et la volonté de défendre les droits des résistants ont permis d'attirer à l'association de jeunes résistants arrivés à l'âge de la retraite (alors que les forclusions sont momentanément levées en 1975) et des néo-résidents. Les équipes se sont partiellement re­nouvelées. L'implantation de base reste la même, toujours appuyée sur les réseaux des anciens FTP, devenus réseaux d'amitiés et de fidélité plus que réseaux militants (régions toulonnaise, dracénoise et tropézienne, localités à tradition communiste de l'intérieur), mais quelques comités ont pu redémarrer (Fréjus-Saint-Raphaël) ou se constituer (Sanary en 1983). La vie des comités, en dehors des bu­reaux qui fournissent un travail régulier, est ponctuelle et rituelle, centrée sur les cérémonies commémoratives, en particulier les cé­rémonies funéraires prises en charge par l'association49, et sur l'annuelle assemblée générale de remise des cartes, suivie en géné­ral d'un banquet. Le congrès, tous les deux ans, est le temps fort de cette activité. Mais cette sociabilité reste fragile, ne reposant que sur un petit nombre de militants. La disparition récente des piliers de l'association, ses créateurs et ses dirigeants durant une période remarquablement longue, crée un vide difficile à combler50.
Moins engagées, préoccupées par l'avenir, les associations font preuve d'un souci pédagogique grandissant. Au sein de l'ANACR du Var, cette évolution est sensible surtout depuis le début des an­nées 60, avec une volonté qui n'a plus rien à voir avec la propa­gande partisane. Il s'agit de défendre des principes généraux, ceux du programme de la Résistance que tout le monde résistant recon­naît peu ou prou. L'action en direction des jeunes prend une réelle importance depuis les années 1970. C'est devenu l'un des axes majeurs de l'intervention de l'association, comme des associations voisines, tout particulièrement la FNDIRP51. Cet effort se traduit par l'organisation d'expositions et de conférences, et de fréquents contacts avec la communauté scolaire. L'attention portée à l'enseignement est aussi source de rivalités et de concurrence entre mémoires rivales (bien que les différences se soient atténuées). Malgré des demandes répétées, il faut attendre 1982 pour l'ANACR du Var puisse participer au jury de ce qui est devenu un élément important de la stratégie pédagogique, le Concours de la Résistance, jusque-là tenu par les associations rivales. Depuis, les relations se sont tout à fait normalisées52.
Le souci pédagogique s'exprime aussi par une attention scru­puleuse portée aux moyens d'information, et en tout premier lieu à la télévision qui fascine, inquiète et déçoit toujours. Le mouvement “ ancien résistant ” n'a plus guère de différences avec celui des an­ciens combattants de 1914-18. Il cultive les mêmes sentiments, celui d'avoir sauvé la Nation et de détenir une vérité qu'il faut faire par­tager. Ce n'est pas récent, mais le discours devient avant tout mora­lisateur. Pour lui, comme pour son mouvement aîné, “ sans doute... la prédication civique est-elle plus fondamentale que l'information ”53. Plus que les journaux où les associations peuvent se faire entendre, le cinéma et la télévision sont les lieux privilégiés de la trahison, dans la mesure où la mythologie qu'ils fabriquent échappe au contrôle des gardiens reconnus de la mémoire et met en scène leur histoire d'une façon qui est rarement conforme à l'image qu'ils dé­fendent.

Comment sortir la commémoration d'une pratique routinière ? La question se pose particulièrement pour les commémorations les plus importantes. Il faut pour cela devenir un spectacle. Le 40e anniversaire du débarquement en Provence et de la Libéra­tion, en 1984, a été le premier où la cérémonie a été conçue en fonction de la télévision. Mais, par ailleurs, sa préparation a associé, dans le cadre de la Commission départementale d'information histo­rique pour la paix, de nombreux partenaires afin d'assurer l'ouverture et le renouvellement de la partie la plus publique de la commémoration. L'initiative la plus neuve a été l'ouverture sur l'école (par le biais des projets d'action éducative). Mais les limites de ce type d'action sont rapidement atteintes. La commémoration, depuis longtemps, n'est plus un vecteur important de la mémoire historique. Elle passe par d'autres canaux et c'est précisément ce qui inquiète aussi les associations qui ne peuvent les maîtriser.  

Le problème est celui de la survie au moment où la génération de la Résistance passe la main et où, en particulier dans ce dépar­tement, la résurgence d'une droite extrême ravive l'anxiété. Depuis les années Pompidou, un certain nombre de tabous, instaurés à la Libération, sont transgressés et, étant scandaleux, donc spectacu­laires, sont largement couverts par l'information à la différence des gestes ordinaires et répétitifs des congrès et des défilés. Face à ce qui est ressenti comme autant d'agressions, les asso­ciations tentent de réagir. Ces dernières années ont vu des tenta­tives d'élargissement, difficile, essayant de s'ouvrir vers les “ amis de la Résistance ” et le corps enseignant. Certains comités entrepren­nent de laisser le maximum de traces en faisant apposer des plaques commémoratives. La plupart ont établi des liens étroits avec les municipalités, sans considération d'étiquette politique. Cha­cun y trouve son compte, mais la fréquente facilité des contacts dé­montre que la mémoire résistante perd de son caractère passionné. Il est alors significatif de voir la municipalité de Toulon (UDF) participer à l'achat du local de l'ANACR et inaugurer un square portant le nom du chef FTPF, Jean Castel (1986). Les associations de résis­tants, génération charnière, qui ont pris la place de celles de la 1e Guerre mondiale au sein de l'UFAC comptent elles aussi sur les associations plus jeunes pour prendre, dans une certaine mesure, leur relais. Enfin l'histoire devient l'un des éléments privilégiés de leur stratégie. Il arrive que les résistants se tournent vers l'historien54 ou fassent eux-mêmes œuvre d'historien par le récit, l'exposition, voire le discours. Les associations collectent ou aident à collecter les témoignages, les documents et les publient parfois55. L'histoire apparaît comme une sorte de garantie contre l'oubli et contre le retour des “ vieux démons ”.  On ne lui demande pas tant l'hagiographie que de dire le “ vrai ” et de rendre justice, face à l'oubli et face à une contre histoire lénifiante ou hargneuse. L'information devient aussi fondamentale que la prédication. Mais, sachant qu'ils

“ diront, les historiens, ce qu'ils pourront dire, étant les hommes de l'an 2 000, vivant dans le climat de l'an 2 000, impré­gnés de l'esprit, des besoins et des nécessités de l'an 2 000 ”56,

iné­luctablement,

“ après la légende et l'oubli, donc, voilà la Résistance... entrée à son tour dans l'épreuve difficile de l'historicisation. ”57

 

1. Nous redisons toute notre gratitude à ses dirigeants pour l'aide qu'ils nous ont apportée.  

2. L'Amicale des vétérans est créée le 6 octobre et Les Pionniers le 22 no­vembre 1944.

3. Ce qui vaudra à leur journal d'être saisi et de disparaître en mars 1945.

4. Comptes rendus dans La Liberté du Var. Remarques critiques par exemple au Beausset (16 novembre), mais aussi à Salernes et Lorgues.

5. ADV, 6 M 18 7-1, diverses pièces à ce sujet, notamment communiqué du préfet s'indignant que “ des organisations étrangères aient crû devoir rompre avec les principes de correction qui sont à la base même de leur statut ” : le Comité de la Junte de Libération espagnole, intégré au cortège, était porteur de pancartes anti-franquistes et drapeaux espagnols.

6. Ce que note G. NAMER, op. cit., p.42 (à propos du PCF) et p.161 (remarque générale) sur la force de l'organisation de l'oubli collectif.

7. G. NAMER, op. cit., p. 88.

8. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit. document 199, appel du CDL aux CLL pour “ organiser de grandes manifestations patriotiques et républicaines au cours desquelles les exploits de nos maquisards et de nos martyrs de la Résistance devront être invoqués en faisant un rapprochement avec nos glorieux sans-culottes de la grande Révolution ”.

9. G.NAMER, op. cit., p. 113, analyse justement ce 14 juillet comme “ un rite de pas­sage de la guerre à la paix ” et “ la dernière grande journée de commémora­tion ”.

10. Accrocs aussi dans l'équipe au pouvoir : sont présents à la cérémonie les mi­nistres de la Guerre (Diethelm), de la Marine et de l'Air, mais la présidence de la cérémonie est confiée au chef de cabinet du général de Gaulle, le contre-amiral Ortoli. Dépités, les ministres de la Marine (Jacquinot) et de l'Air (Tillon) se refusent à prendre la parole lors des nombreux arrêts pour laisser cette corvée au président... On remarquera que des incidents protocolaires du même ordre se produisent à Paris pour l'anniversaire de la Libération (G. NAMER, op. cit., p. 120-121) ce qui n'est pas le fait du hasard.

11. Arch. Amigas, discours d'un représentant du Parti communiste au CDL (non identifié, peut-être Roybon) à l'occasion de l'anniversaire de la Libéra­tion.

12. AD.BdR, M6 11 542, rapport mensuel 16 juillet 1945.

13. Ce que l'on rapprochera de la remarque de C. d'ARAGON, op. cit., p. 167 : “ Nous n'étions pas des hommes de vengeance. Nous ne savions pas encore à quel point nous étions des hommes d'ordre ”.

14. Le “ oui ” a recueilli 65 % des suffrages exprimés (106 034).

15. Par exemple, La Liberté du Var, 7 juin 1945, article de Victor Petit, “ Les ma­quisards du Haut-Var s'emparaient d'Aups ”.

16. Feuilleton intitulé “ Deux décembre ”, en novembre 1946.

17. Arch. Amigas, décision du 9 novembre 1945.

18. Cette commission où l'on retrouve F. Fortoul, J. Mentha et H.-E. Amigas connaît une scission alors, entre la fraction animée par F. Fortoul (qui est en train de porter de graves attaques contre Amigas) et celle de Mentha.

19. Opuscule édité par l'association varoise comprenant des chants de maquis et de réfractaires, composés dans la région (en particulier dans la 1e Cie FTPF de Provence), les statuts et les buts de l'association, le code d'honneur.

20. Les grades des officiers FFI ont été remis au niveau de ceux des officiers de réserve par l'instruction du 23 avril 1945 qui empêche également les sous-of­ficiers FFI de devenir lieutenants.

21. Réponses conservées en ADV, 1 W 94. Questionnaire national, imprimé, divisé en quatre parties (I : Guerre 1939-1940. Occupation de la commune en 1940, II : L'Occupation, III : Faits de guerre de 1940 à 1945, IV : La Résistance).

22. Autres organisations citées : FN : sept, SAP et BOA : huit, CFL : cinq, NAP : une, FUJP : une, Milices patriotiques : une fois, réseaux divers : 21 dont F2 : sept fois.

23. J. Hamel, ancien chef AS, est l'un des fondateurs de l'Union gaulliste (janvier 1947) qui va donner naissance au RPF (mai 1947) patronné par un Comité d'initiative où l'on trouve le colonel Gouzy, les époux Amigas, L. Baudoin, prési­dent de la Chambre de Commerce, le Dr Puy, etc. qui seront rejoints par de nombreux radicaux-socialistes. Camille Rayon, ex-chef régional SAP, est responsable régional des groupes de sécurité, puis délégué national pour la région Sud-Est. Voir ma contribution au colloque de la Fondation Charles de Gaulle et de l'Université de Bordeaux III (CARHC), De Gaulle et le RPF 1947-1955, Paris, Armand Colin, 1998, "De la Résistance au RPF, le gaullisme dans le Var (1946-1949)", p. 247-257.

24. Ainsi que les FFC et “ Rhin et Danube ”

25. Mais aussi des associations unitaires comme la Fédération des déportés et in­ternés patriotes qui, en 1946, avait pour présidents d'honneur le socialiste Charlot et le communiste Bartolini, tandis qu'au comité directeur se retrou­vaient les socialistes Sandro et Baron (qui, à peine revenu de déportation avait créé la Fédération des déportés de la Résistance, en juillet 1945), le radi­cal antisocialiste Fraysse, le communiste Pellicia (secrétaire), etc.

26. Le maire est d'abord le pharmacien général Baylon, ancien chef de file du Parti radical-socialiste, ancien allié du PCF dans le FN. Décédé en décembre 1947, il est remplacé par le docteur Puy, son 1er adjoint, ancien chef de réseau américain, communisant à la Libération, puis socialiste avant de passer au RPF.

27. Ce que l'on perçoit à travers la presse, par exemple à La Seyne, en juillet 1947, entre socialistes et l'adjoint Fraysse, ou encore l'article violent de J. Mentha, devenu RPF, contre F. Arnal, toujours socialiste, paru dans La France du 26 mars 1949 (“ Frank Arnal, abstenez-vous de vous auréoler de la Résistance ”) et la polémique qui s'ensuit dans République.

28. Les Combattants de la Liberté sont créés à Toulon le 25 mars 1948, à l'appel du Dr Risterrucci.

29. Il s'agit de J. Boudoube. La commission comprend aussi F. Barrat, membre du bureau des anciens FTP, J. Orsini (Amicale FFI, ex-chef AS, so­cialiste), J. Hamel (ex-chef AS, RPF) et P. Custaud (ancien membre du CDL, socialiste), ces trois derniers étant associés contre les FTP. Cette commission est remaniée en 1950, les FTP perdant l'un de leur représentant (Barrat), l'AS en gagnant un (A. Marquis), Hamel étant remplacé par J. Chabaud (ORA, mais ancien socialiste passé au PC).

30. Néanmoins le Bulletin officiel du Ministère de la guerre n°3283 sur les uni­tés combattantes de la Résistance (arrêtées au 1er mai 1958) donne même la liste des unités de la région, quoique... non reconnues.

31. En 1949. Du côté de cette Fédération, il y a volonté de multiplier les associa­tions pour faire masse contre les communistes. Orsini préside, en outre, la Fé­dération des maquisards et réfractaires, la Fédération nationale des volon­taires des deux guerres, TOE et Résistance. Il est assisté, entre autres, par V. Bellaguet, président de la Fédération des déportés et internés FFI et Henri, président de la Fédération des blessés FFI.

32. Arch. ANACR, lettre adressée aux résistants susceptibles d'adhérer, 1948.

33. C'est la devise de France d'Abord, “ l'hebdomadaire de la Résistance qui dé­fend la Paix, le Droit et l'indépendance nationale ”.

34. Le fameux “ Appel de Stockholm ”. Meetings à plusieurs reprises avec les Com­battants de la liberté et l'UFF avec Moreau, rédacteur en chef de France d'Abord (avril 1948 pour l'armée nationale, janvier 1950 contre l'Indochine) ou avec l'amiral Muselier (juillet 1949). Congrès interdépartemental avec les anciens FTP des Bouches-du-Rhône.

35. E. Bertrand, le secrétaire général, est condamné à un mois de prison avec sursis après avoir déchiré Le Figaro où figurait les mémoires du SS Skorzeny (mai 1950) ; auparavant, F. Barrat, ancien chef des FRS, officier CRS évincé en 1947, avait été arrêté (12 février 1950) et condamné à 15 jours d'arrêts fermes.

36. Le tribunal ne retient pas le délit de complicité de sabotage, mais le condamne pour des distributions de tracts contre la guerre, c'est-à-dire “ participation à entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objet de nuire à la Défense Nationale ”. L'arrêt est cassé le 19 mai 1951 et l'affaire est renvoyée devant le tribunal maritime de Brest qui, le 17 juillet 1951, main­tiendra la condamnation.

37. Mais aussi d'autres membres du secrétariat comme Paul Tomasi et Elie Taramino (délégué ouvrier aux chantiers navals de La Seyne), ainsi que des résistants notoires comme J. Bessone, E. Luciano, G. Jacomet (secrétaire UJRF). L'affaire intervient après une phase de montée de la tension, mar­quée par des manifestations anti-américaines et pour la libération de Jacques Duclos, arrêté le 28 à Paris. Les incidents les plus violents ont lieu à la sortie d'un meeting, le 31 au soir (54 inculpations). La perquisition au siège de la CGT, ayant entraîné la découverte de documents jugés compromettants est le point de départ d'une opération policière de grande envergure durant presque tout le mois de juin contre l'ensemble des responsables communistes varois. Curieusement, est impliqué aussi J. Mentha, membre du RPF. Le plus récent récit de cette affaire a été donné par T. WOLTON Le K.G.B. en France, Paris, 1986, p. 50-51, mais ce n'est qu'une version digne de la “ Guerre froide ”.

38. Huit perquisitions (vaines) le 13 novembre 1952 sous prétexte d'avoir “ préparé la guerre civile ” au début de l'année.

39. Le Dr Puy, ancien maire, passé du RPF à l'ARS, qui avait permis à Le Bellegou d'accéder à la mairie lui demande de ne pas accepter les com­munistes dans le cortège du 14 juillet. Devant le refus de Le Bellegou, les élus de l'ARS démissionnent.  

40. Qui se concrétisera par la victoire de la liste d'union lors de l'élection muni­cipale de mai 1955.

41. Ce choix curieux (puisque c'est la seule plage où le débarquement a échoué !) s'explique par l'impossibilité d'organiser la cérémonie à Pampelonne (Saint-Tropez) primitivement choisie.

42. Le Petit Varois, 16 août 1954.

43. à preuve l'évolution de F. Arnal, ancien secrétaire d'état en 1957, et de M. Juvénal, tous deux députés jusqu'en 1958 (et battus alors), vers le gaul­lisme de gauche (l'Union travailliste)

44. Avec notamment un rassemblement franco-italien à Imperia en mars 1962, organisé par l'ANACR du Sud-Est et l'ANPI, rassemblement intéressant parce qu'il est l'un des signes qui attestent de l'enterrement de la xénophobie anti-italienne dans la région.

45. Où l'on découvrira ultérieurement que les desperados de l'OAS ont préparé un attentat à l'explosif.

46. V. Masson, correspondant depuis 1947, à la demande d'Henri Michel avec qui il a participé à la Résistance en tant que chef FFI du village de Vidauban où il était instituteur.

47. La commémoration du 15 août est présidée par le Premier ministre, Jacques Chirac, et suit le parcours habituel le long des plages du débarquement.

48H. ROUSSO, Le syndrome de Vichy 1944-198..., Paris, 1987, p. 215.

49. Cérémonies de Signes le 2 janvier, d'Aups le 22 juillet, du Bessillon et envi­rons le 27 juillet, et de la Libération dans diverses communes : Lorgues et Salernes en particulier. On remarquera la permanence qui autorise à parler de rite.

50. En particulier, celle de ses présidents, Jean Castel en 1982, Joseph Bessone en 1986, Lina Michel présidente déléguée et Georges Tilman ensuite. Plus récemment, la démission du Dr G. Tilman à qui l'association doit énormément (tout comme l'auteur de cette étude) a à nouveau créé un vide. Il était depuis vingt ans l'orateur écouté de l'ANACR. Très significativement la présidence départementale est passée à un “ ami de la Résistance ” en 2002.

51. Fédération nationale des déportés, internés résistants et patriotes, organisa­tion animée par les communistes, mais rassemblant, dès ses débuts, des résis­tants de diverses origines (avec cependant une rivale, depuis la “ Guerre froide ”, l'UNADIF-FNDIR). La FNDIRP participe régulièrement à des causeries, dote les lauréats du concours de la Résistance de livres, organise des échanges de jeunes avec l'Allemagne, distribue exposi­tions, séries de diapositives (sur la Résistance et la déportation) et une cas­sette vidéo (et le soleil se levait) à tous les collèges et lycées du Var, avec l'aide des municipalités et du Conseil général.

52. La situation a évolué au point que l'ANACR en assume régulièrement la pré­sidence.

53. A. PROST, Les anciens combattants, Paris, 1977, p. 159. Comme autres points communs aux deux discours, on remarquera aussi la même revendication de pureté, les mêmes exhortations à l'union, un certain sentiment élitiste. Par contre, la différence la plus importante paraît être l'attitude vis-à-vis de la politique pour laquelle les anciens résistants ne partagent pas tous la même aversion que leurs aînés.

54. C'est ainsi qu'en 1983, l'association des MUR et des Maquis du Var, dirigée par L. Picoche, a publié, avec l'aide du Conseil général (encore dirigé par E. Soldani) les travaux de V. Masson, La Résistance dans le Var 1940-1944. La même année, J. Garcin, président de l'ANACR des Alpes-de-Haute-Provence, faisait paraître une synthèse minutieuse sur la Résistance de ce département (De l'armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence).

55 C'est le cas de l'ANACR, dont les bénévoles ont imprimé en 1979 les souve­nirs de l'un des premiers compagnons de Frenay, A. RUELLE (Et le soleil se leva, Flayosc, 1979).

56. L. FEBVRE, in H. MICHEL et B. MIRKINE-GUETZéVITCH, op. cit., p. XI.

57. H. ROUSSO, op. cit., p. 230.