B - UNE RÉVOLUTION DE QUELQUES JOURS

 

La Libération est aussi une révolution. L'atmosphère est révolutionnaire. Les modalités, armées, de la prise de pouvoir le sont tout autant. Le remplacement d'un régime dévalué et réactionnaire par un autre, progressiste, porté par la population fait bien de la Libération une révolution politique comparable à celles qui, en 1848 ou 1870, ont instauré de nouveaux régimes démocratiques. La subversion de l'ordre politique s'accompagne d'une inversion des hiérarchies et de la chute des élites “ naturelles ” mises en avant par l'État Français et qui, même si elles s'en sont dégagées, ne lui sont pas moins associées et subissent parfois quelques violences. La période de la Libération connaît donc les traits classiques des révolutions :

“ l'exaltation collective, l'excès, la transgression des interdits et l'inversion de l'ordre social. ” 1
Mais les limites de cette manière de révolution sont rapidement atteintes. Limites dans le temps, limites dans la forme prise par les événements (et, en particulier, dans la violence) et limites dans la transformation apportée. Alors Libération réussie, révolution manquée ? La révolution résistante aurait-t-elle avorté par la volonté du gouvernement provisoire ou à cause des Alliés2 ? Et si c'était par la volonté de la Résistance elle-même, d'autant que l'on voit mal comment on peut en séparer le gouvernement provisoire ? Il faut se garder, en ce domaine, d'une vision manichéenne induite par une interprétation a posteriori du déroulement des faits, et surtout d'une vision populiste voulant à toute force opposer au peuple révolutionnaire par essence une bourgeoisie, si possible pétainiste, qui, telle celle de 1830, confisque le pouvoir et tient la révolution en échec.

L’approche locale des événements est éclairante sur ce phénomène. La présence des troupes régulières n'a pas d'importance à ce niveau-là. La révolution de 1944 est d'emblée une révolution limitée à la sphère politique, par la volonté de l'ensemble des forces qui composent la Résistance, appuyées par la population. C'est, par la volonté générale, une restauration, celle de la forme républicaine et celles des élites démocratiques évincées par Vichy. À l'intérieur du camp des vainqueurs - qui se confond avec la presque totalité du pays - les divergences portent avant tout sur la tournure prise par les événements entre ceux qui veulent clore au plus vite l'état de fait et ceux que ces circonstances ont révélés et qui veulent les prolonger, divergences de mentalité plus que divergences politiques, même si celles-ci peuvent les sous-tendre ou les utiliser.

1 - La prise du pouvoir communal

Les quelques jours qui accompagnent la Libération sont ceux de l'émiettement maximal du pouvoir. Cette situation traduit l'effondrement passager de l'État, mais aussi l'éparpillement que la Résistance connaît depuis le début de l'été. D'où une grande diversité de situations.

La première réalité de la révolution résistante, c'est le changement de pouvoir. Il a d'abord lieu à l'échelon élémentaire de la démocratie, celui de la commune qui n'est pas le moindre, en particulier dans cette région. C'est un point important de continuité avec les révolutions et insurrections du XIXe siècle : le cadre communal reste le fondement de la République méridionale.

On peut lire dans les Instructions pour l'Insurrection, que le renversement du pouvoir

“ dont l'exécution devra être la plus rapide possible précèdera les Armées de la Libération pour qu'elle conditionne notre retour immédiat à l'indépendance. ” 3
Sur ce point, tout le monde est d'accord. Même dans les localités qui n'ont jamais eu connaissance de ce document ou d'un autre du même genre, dans toutes les grandes communes et dans beaucoup de petites, les troupes débarquées trouvent en arrivant des interlocuteurs issus de la Résistance organisée et, à défaut, d'une résistance “ plus ou moins morale ”, comme disent joliment les rapports de police qui décrivent la situation communale dans le courant septembre. Il n'y a pas de vacance du pouvoir. Les libérateurs n'ont pas à prendre en charge le remplacement (ou le maintien) de l'administration communale. Lorsqu'ils en manifestent la velléité, comme cela arrive parfois de la part de ces officiers que l'on voit passer et dont on ne connaît pas les prérogatives, leur avis est de peu de poids s'il contredit la volonté des forces résistantes locales. À La Croix-Valmer, en pleine zone de débarquement, l'onction militaire ne permet pas au maire, élu en 1935 et maintenu par Vichy, de conserver ses fonctions. La légitimité résistante prévaut et les hommes de la Brigade des Maures sont là pour appuyer le CLL qui lui reproche de n'avoir rien fait pour la Résistance et qui tient à son départ4. La prise du pouvoir local se règle à ce niveau en fonction des rapports de force, sans schéma général préétabli et sans souci particulier des décisions prises à Alger. Il ne se pose d'ailleurs aucun problème grave.

La prise du pouvoir communal se fait à l'initiative de plusieurs autorités plus complémentaires que concurrentes : CLL, lorsqu'il y en a un, groupes armés de résistance, autorités résistantes départementales ou de secteur, armée régulière (qui emmène dans son sillage juges et Sécurité militaire). Là où le pouvoir communal est modifié - c'est le cas le plus fréquent - le processus se déroule selon deux modalités :

- Parfois, la Résistance politique prend les affaires en main et anticipe sur l'action militaire. C'est ce qui se passe à Draguignan où le CLL formé par le MLN s'impose le 15 août. Il fait reconnaître son autorité par le maire de Vichy et contrôle la police à la tête de laquelle il place un policier résistant comme nouveau commissaire. Il fait consigner les “ collaborateurs ” officiels les plus en vue, à commencer par le préfet et son chef de cabinet. La prise de pouvoir étant réalisée, “ une deuxième phase restait alors à accomplir ”5, la phase militaire. Enfin, dans un troisième temps, il y a recherche d'un accord avec les communistes, et, une fois celui-ci obtenu, installation de la délégation municipale, composée de trois communistes et trois socialistes dont l'ancien député maire Joseph Collomp.
- Plus fréquemment, la Résistance militaire met en place le pouvoir politique. Ainsi, à Cogolin, les FTP occupent la mairie et donnent le pouvoir au CLL qui va désigner en son sein une municipalité provisoire6.

La Libération s'accompagne d'une véritable course à la mise en place d'institutions communales. Le colonel Gouzy (ORA) dans son secteur, les FTP dans leurs domaines, Frédéric Fortoul (MLN) dans la région de Solliès-Pont, chaque responsable participe à cette révolution-restauration. Cette situation de fait est couverte par le préfet par intérim dont l'un des premiers actes, dès le 17 août, est d'habiliter les municipalités ainsi instituées, en attendant l'avis du CDL et l'arrêté préfectoral définitif. La prise de pouvoir de 1944 respecte donc les formes. Il ne s'agit pas seulement de remplacer, mais aussi d'instaurer un ordre. Il est, certes, différemment entendu selon les hommes et les organisations de résistance, mais cette volonté de contrôle est générale.  Ainsi les FTP, dans les 39 mairies qu'ils occupent,

“ ont constitué le Comité de Libération Nationale. Ont procédé à l'épuration... Ont organisé la vie économique immédiatement... Ont organisé le service sanitaire qui partout était à l'état embryonnaire... Des patrouilles F.T.P.F. ont partout parcouru toutes les routes. La garde des villages est instituée et faite par eux. ” 7
Sans doute, le souci de moralisation de la vie économique est-il plus explicite chez eux que chez d'autres et leurs initiatives (distribution des vivres saisis, réquisitions chez les “ marchés noirs ”, augmentation de la ration de pain, contrôle des prix, etc.) plus systématiques, mais l'on en trouve l'équivalent ailleurs que dans les communes qu'ils contrôlent, ne serait-ce que pour répondre aux besoins de la population. C'est le triomphe du micro pouvoir communal qui prend en charge, non par principe, mais par nécessité, tous les aspects de la vie locale en établissant ses propres règles. Vu de Paris, on peut considérer ça comme un retour au Moyen-Age, comme une formidable et redoutable régression8, alors que ces initiatives sont provoquées avant tout par un souci d'organisation et le refus de laisser se développer une situation incontrôlable.

Cependant, dans certaines communes, le pouvoir résistant ne peut tout contrôler d'emblée. Débordé par les tâches et les responsabilités, il est éclaté entre trop d'instances (militaires et politiques) aux attributions mal définies ou mal connues. Les ardeurs de la population et l'embrigadement précipité de nombreux jeunes gens dans les FFI rendent parfois l'atmosphère anarchique. Il arrive que l'autorité, quelle qu'elle soit, ait du mal à se faire obéir. Le “ technique ” régional FTP le déplore pour ce qui concerne sa propre organisation, alors qu'il se trouve le 19 août à Draguignan :

“ Les FTP sont installés au siège de la Milice. Toujours les mêmes erreurs. Tous les responsables donnent des ordres en dehors de leurs responsabilités et leur travail ne marche pas. Une anarchie règne. Le siège est un va-et-vient continuel de personnes étrangères à l'organisation. ” 9

Bien entendu, cet état de choses n'est pas propre aux FTP.

La Libération s'est accompagnée partout de mouvements de foule qui donnent à ces journées une couleur et un mouvement dignes d'autres épisodes révolutionnaires. La population est dans la rue et acclame les libérateurs. Les récits de cette joie populaire, réelle, spontanée, sont innombrables. L'enthousiasme est le maître mot qui revient sous toutes les plumes10. La Libération est une fête. Comme telle, elle est “ surtout le moment exceptionnel de la rencontre, de la fusion des esprits et des cœurs ” 11. Chacun y participe : les résistants, la masse attentiste, les opposants de toujours comme les maréchalistes d'un moment, voire les toujours légionnaires en 1944 (à qui il faut parfois conseiller de se montrer plus discrets). L'ensemble de la population savoure la liberté retrouvée avec tout ce que cette situation permet d'expressionnisme spontané, transports de joie, mais aussi éclairs de violence “ purificatrice ”.
La joie supplante la haine, non seulement dans ce que la mémoire a retenu de l'événement, mais aussi dans la réalité. La violence est parfois réelle à l'encontre des prisonniers et des “ collaborateurs ” arrêtés12. N'oublions pas les souffrances, les peurs, le défoulement. N'oublions pas, non plus, la faim qui est un puissant facteur de tension et qui provoque, ici et là, quelques pillages de dépôts allemands ou des réquisitions abusives13. Mais la violence contre les personnes est presque toujours maîtrisée, malgré le nombre d'hommes en armes. Il y a, par exemple, très peu de cas de lynchages. Comme en 1851, la violence spontanée revêt avant tout un caractère symbolique. Cet aspect purificateur est ainsi très clair à Cuers où
“ devant la mairie, se passait un spectacle extraordinaire : le drapeau nazi flambait ainsi que deux portraits : ceux de Laval et Pétain, c'est-à-dire la chute, la défaite, la ruine, l'affront, la déportation. ” 14
L'ordre de l'occupant et de Vichy est renversé. Les “ maîtres ” sont vaincus, l'Allemand prisonnier, le notable renversé, les “ vieux ” renvoyés à leurs récriminations moralisatrices. Les nouveaux maîtres du pouvoir sont les exclus du pouvoir d'hier. Les nouveaux maîtres de la rue, leurs instruments plus ou moins dociles, sont issus des couches remuantes qui ont fourni les contestataires, organisés ou pas, des mois et des années précédents, inversant souvent la hiérarchie des âges, parfois celle des classes, voire celle qui repose sur l'appartenance à la communauté et celle des nationalités15. Mais c'est surtout l'omniprésence des jeunes, dans toutes les phases de cette période, que l'on remarque. Au Beausset, le maire se souvient, quelques année après, de la “ courageuse attitude de la jeunesse qui avait réussi à s'armer et commencé à poursuivre l'ennemi dès que la nouvelle du débarquement en Provence a été connue ”. À Bormes comme à Cuers, “ toute la jeunesse du pays s'était portée au devant des troupes alliés ”16. Organisés ou non avant, les jeunes forment ou renforcent les FFI sont de toutes les actions, accueillent et accompagnent les soldats. Les jeunes ne sont pas les derniers acteurs ou spectateurs de l'épuration. Ils sont les hommes à tout faire durant ces jours de fête et de fièvre. C'est précisément ce pouvoir juvénile qui est la source des principales tensions du moment à l'intérieur du “ camp ” patriote, entre la population et les FFI. Cette présence juvénile armée inquiète, surtout quand elle se prolonge17. Comme le laissaient pressentir certains incidents à caractère plus ou moins folklorique qui avaient eu lieu les années précédentes ou les actions des maquisards, la jeunesse retrouve pour l'occasion son caractère de “ classe dangereuse ”. Elle renoue avec toute une tradition de violence dans le cadre de l'émeute (même si cette violence n'a pas du tout le même degré que celle des siècles passés)18. La Libération prend avec cette participation des airs de charivari. Elle rappelle ces jours où la communauté admet, non sans frictions, que les conscrits puissent se livrer à quelques débordements, tout en ayant hâte que la folle semaine prenne fin.
Dans l'ensemble, cet élan insurrectionnel est très vite canalisé et contenu selon des modalités variables. Dans quelques communes, le nouveau pouvoir convoque une assemblée générale au cours de laquelle la délégation municipale est symboliquement désignée par acclamations, ainsi à Barjols, localité dominée par la Résistance communiste, mais aussi à Figanières où le MLN réinstalle de cette façon la municipalité dissoute par Vichy. Souvent, le CLL met en place un comité d'épuration. C'est une façon d'éviter les vengeances privées et d'encadrer la violence et la délation (on demande à la population d'apporter son concours). L'exécution publique de quatre authentiques agents du SD, le 16 août, à Draguignan ressort de la même logique. C'est le seul cas d'exécutions sommaires “ organisées ” dans le Var où, par ailleurs, ne fonctionne aucune cour martiale. Il en va de même avec le douloureux épisode des femmes tondues qui ne concerne que quelques personnes dans un nombre très réduit de communes. Cette violence qui est l'une des manifestations de l'expressionnisme propre à l'époque ressort de la même analyse ethnologique que l'attitude de la jeunesse. Comment ne pas voir dans la femme tondue  dont la “ faute ” est de nature sexuelle une résurgence de la femme adultère jadis exposée et promenée dans les rues de la localité19 ? Les “ politiques ” ont-ils désapprouvés ces actes ? Ils le disent aujourd'hui, mais sans doute s'agit-il, pour la plupart, d'une révision ultérieure. En fait, c'est une réalité qui n'a pas choqué grand monde sur le moment20. Par contre, les “ politiques ” ont été gênés par les réactions spontanées, parfois brutales, souvent triviales de la population, notamment par l'obsession de la nourriture qui conduit à des attitudes qu'ils jugent humiliantes21. D'où cette insistance dans les témoignages pour distinguer les “ vrais ” résistants de la masse mal définie des autres, les responsables de ce qui n'est pas bien22. D'où aussi les tentatives pour réfréner l'abus des réquisitions ou les pillages. Le désir d'ordre n'est pas moins grand chez ceux qui militent pour une transformation révolutionnaire des structures - les communistes, en particulier - que chez les partisans d'une République plus classique, élus d'avant-guerre ou fonctionnaires. Comme dans toutes les périodes révolutionnaires - et l'on pense à 185123 - ressurgit avec force le clivage entre les élites - les cadres politisés - et les “ masses ”. À l'évocation de ces jours d'exaltation qui ont marqué la Libération, la comparaison s'impose, en effet, avec les élans romantiques de 1848, le soulèvement fortement symbolique de 1851, et, surtout le changement de régime de 1870.
Il n'empêche que la “ nationalisation ” des comportements s'est accentuée et qu'un formidable courant unitaire s'exprime dans la confiance accordée, à la fois au général de Gaulle et à une résistance dont on connaît encore mal les composantes24 et que l'on ne conçoit pas désunie. Cette popularité surprend des résistants, étonnés de se retrouver aussi nombreux. Isolée (moins qu'elle n'en avait cultivé le sentiment), fragmentée, divisée, la Résistance se retrouve portée par tout un peuple qu'elle ne doit pas décevoir. L' “ état de grâce de cette fin d'été 1944 ”25 lui donne quelques illusions sur ses possibilités et la volonté populaire, mais il renforce le profond sentiment qu'elle a de ses responsabilités. On ne parle pas encore des résistants “ de la dernière heure ”. Les réticences et les rivalités se réveilleront les jours suivants. Le court laps de temps de la Libération est celui de l'unité retrouvée, celle de la Résistance et du peuple, celle des résistants entre eux.
 “ La Libération a créé un état d'esprit patriotique, chez la quasi totalité des habitants. Tout laisse prévoir qu'il en restera ainsi à l'avenir. Cet état de chose permet à la masse des habitants de supporter avec beaucoup de patience - on pourrait dire avec le sourire - les restrictions dans tous les domaines auxquelles ils continuent à être soumis. Chacun veut comprendre que les améliorations, notamment en ce qui concerne le ravitaillement, ne peuvent venir du jour au lendemain. Chacun comprend la nécessité qu'il y a de combattre le “ marché noir ”. Ce dernier semble appelé à disparaître du seul fait que les offres ne se font plus aux mêmes taux. Les habitants qui s'attendent à une amélioration progressive des conditions d'existence patientent en attendant ; ils n'offrent plus les prix exorbitants ayant eu cours sous l'occupation. On veut laisser venir, puis on verra. ” 26

2 - L'unité retrouvée

Objectif toujours invoqué, toujours recherché, mais toujours renvoyé, l'unité de la Résistance sort triomphante de la Libération. Les conditions militaires et politiques dans lesquelles elle s'est effectué, la poussée populaire, la nécessité de répondre à ses aspirations contraignent à l'unité. Aucune organisation résistante ne peut courir le risque d'apparaître comme un facteur de désunion. Le CDL se ressoude en enterrant les polémiques de ces derniers mois. Révolution par en haut (le gouvernement provisoire, les armées débarquées, les institutions nouvelles, les Partis socialiste et communiste, etc.) et révolution par en bas se rejoignent dans cette mystique de l'unité. La Libération n'opposera pas, pas ouvertement en tout cas, une fraction résistante contre l'autre (comme on aurait pu le craindre avant la Libération), elle se fera contre les vaincus, avec les accents du nationalisme jacobin.

La Libération s'accompagne du rétablissement immédiat de la République. L'un des premiers actes des résistants au pouvoir est de rétablir sa symbolique27. Cette restauration est un élément unificateur important. Le mythe de la Révolution Française lui sert de fondement, comme il l'a été pour les révolutions du XIXe siècle. Plus encore, ou plus nettement, que pendant la clandestinité, toutes les familles de pensée de la Résistance vont s'y référer. La Libération et ses suites, c'est aussi, par certains côtés, une révolution mimée.
Les grandes proclamations - Raymond Aubrac le 18 août, le préfet Sarie le 25, le CDL le 2928 - qui jalonnent ces premiers jours se font les échos de l'image unitaire que la Résistance toute entière veut donner d'elle, en même temps qu'elles font connaître à la population les nouvelles autorités et qu'elles la rassurent sur l'ordre dont elles sont les garantes.

Dès le 17 août, alors que Sarie, le préfet de la Résistance, est bloqué à Hyères, ses représentants à Draguignan, Julien Cazelles et Henri Michel, désignent, comme prévu, pour assurer l'intérim le directeur des Ponts-et-Chaussées, Vidal, non engagé dans un mouvement de résistance, mais dont on est sûr de l'autorité et des sentiments républicains. Sarie ne s'installera à la préfecture que le 24 août.

Le 18, Raymond Aubrac, commissaire de la République pour la région, débarque à Saint-Tropez29. Il est suivi peu après par le général Cochet, commandant les FFI de la zone Sud depuis le 1er août30. Alors que l'un prend la mesure de la tâche à accomplir et tout aussitôt les premières décisions, l'autre met en place les états-majors FFI Le 20 août, Aubrac demande au préfet par intérim de lui faire parvenir un rapport “ court et précis ” sur les événements de la Libération dans la région de Draguignan, la liste des sanctions prises, celle des arrêtés préfectoraux ou municipaux les plus importants, celle des derniers conseils municipaux avec renseignements politiques à l'appui, des informations sur le ravitaillement, ainsi que des journaux (en cinq exemplaires !)31. C'est donc dans le Var que le commissaire de la République s'initie à la réalité régionale qu'il va devoir affronter. C'est là qu'il décide de créer une nouvelle organisation de police : les Forces républicaines de sécurité (FRS), fondées sur les éléments résistants32. On peut se poser la question de savoir pourquoi un telle hâte dans la mise sur pied d'une force que la plupart des autres régions ne connaîtront jamais. Ce n'est pas la situation dans les Basses-Alpes et le Var, seuls départements alors libérés et concernés par cette mesure, qui peut y avoir incité. Pour la comprendre, sans doute faut-il se référer aux préjugés défavorables sur une région perçue comme difficile par nature (et Marseille, en particulier, pour la puissance supposée de la “ Gestapo ”), mais c'est surtout l'un des signes de l'obsédant souci de l'ordre que l'on rencontre chez tous les responsables33. Ils sont inquiets, à la fois, d'éventuelles actions violentes effectuées par des partisans du régime déchu - obsession infondée qui persistera un certain temps - et des effets du pourrissement moral engendré par l'Occupation et Vichy. Ils craignent également les conséquences des habitudes d'illégalité prises par certains résistants34. Les FRS seront un moyen d'encadrer une partie de la Résistance. Elles seront constituées, théoriquement sous le contrôle de la police et de la gendarmerie, à partir de FFI35. Mais le gros des troupes résistantes que l'on a grand souci, de tous les côtés, de canaliser devra s'intégrer dans l'armée. Dès le 23 août, le  général Cochet nomme le lieutenant-colonel Lelaquet, chef départemental de l'ORA, à la tête des FFI du Var, tandis que le colonel Gouzy devient, deux jours après, commandant de la subdivision de Toulon, pas encore tout à fait libérée36. Le nouveau préfet maritime, le contre-amiral Lambert, a déjà pris son poste et le lieutenant Baudoin est devenu son chef de cabinet. De son côté, Sarie nomme ses adjoints et désigne, en particulier, Marc Rainaud, chef formel de la Brigade des Maures, mais de sentiments MLN, comme sous-préfet de Toulon. Il met en place les fonctionnaires prévus par le NAP, résistants ou proches de la Résistance, parfois révoqués par Vichy, toujours spécialistes des questions dont ils auront à traiter. C'est ainsi qu'Henri Michel devient inspecteur d'académie.
Une noria de responsables est venue rencontrer Aubrac et Cochet, lorsqu'ils étaient à Saint-Tropez, à la recherche de directives et d'investitures : le capitaine Lécuyer, Sarie, Henri Michel, etc. Le COR FTP, André Claverie, a effectué lui aussi le voyage pour faire trancher le conflit qui l'oppose au chef FFI de l'arrondissement de Draguignan, le capitaine Fontès. Ce conflit est significatif, tant des tiraillements entre FFI et FTP (aucun poste n'a été réservé à ces derniers dans l'état-major de Fontès), que des débats au sein des FTP eux-mêmes, car les chefs locaux, en partie d'origine étrangère, ne se sont pas intéressés à cette question, répondant à Claverie “ qu'ils étaient occupés à se battre et ne s'inquiétaient pas des places qu'ils pouvaient occuper ”, laissant donc le champ libre à leurs partenaires-concurrents37. Or le partage du pouvoir a commencé et les communistes n'entendent pas en être évincés. Le général Cochet ayant assuré Claverie “ que les FTP feraient toujours partie intégrante des FFI et garderaient leur entière autonomie ” (ce qui est une assurance pour le moins curieuse), avec à-propos, celui-ci lui demande “ d'accepter un FTP à son état-major ”, ce qui est accordé38.
Dans la mise en place des cadres locaux du nouvel appareil d'État, le MLN se taille la part du lion, conformément au rôle institutionnel qu'il avait acquis dans la clandestinité. Mais l'évolution du rapport de force depuis les derniers mois et le souci de l'unité obligent à certaines concessions. Le partage des responsabilités est fait sans difficulté avec les cadres militaires de l'ORA. Conséquence logique d'une situation de fait dans la clandestinité et de l'intervention d'Alger, on leur laisse la haute main sur l'armée. Restent les communistes qui revendiquent leur part de pouvoir et doivent s'imposer pour se glisser dans les quelques brèches restées ouvertes, en particulier dans le domaine policier et militaire. Les FRS seront leur œuvre et nous avons vu comment le COR FTP intervient pour que la place de ses hommes soit préservée dans le commandement FFI à Draguignan. Quelques jours après cette affaire, le colonel Lelaquet accepte la nomination d'un officier FTP dans son état-major39. Mais il est évident qu'on ne leur cède pas des positions avec enthousiasme. D'où leur souci de développer les institutions parallèles.

Ceci étant, même si les contradictions entre forces de résistance n'ont pas disparu, du moins sont-elles masquées par la volonté unitaire et le désir commun d'assurer l'ordre. Sorte de comité de salut public, le CDL s'est mis au travail avec ardeur, oubliant les déchirements des mois précédents. Il appuie le préfet au moment où, passés les jours de liesse, l'inquiétude perce ici ou là devant le “ désordre ” persistant. Son appel du 29 août exprime la volonté unanime de contrôler la situation et de l'organiser : la grève générale est terminée, les ouvriers doivent reprendre le travail “ avec ardeur et sous le contrôle de leurs syndicats ” ; les paysans doivent faire des efforts pour le ravitaillement “ sous le contrôle de (leurs) organisations syndicales et coopératives ” ; les femmes doivent aider les pouvoirs publics "dans le contrôle de la répartition des produits ”. Le texte se termine par une répétition significative :

“ Il ne suffit pas d'être courageux. Il faut aussi et surtout être discipliné... Soyez discipliné derrière notre Comité de la Libération ”.

Le 28 août, le département est à peine entièrement libéré, mais l'ensemble des institutions nouvelles est en place. Tandis que les troupes débarquées ne cessent de le traverser, commence le temps de la reconstruction pour les représentants de la Résistance écrasés de responsabilités. Après l'euphorie des journées révolutionnaires, le temps des retrouvailles, des meetings chaleureux et des défilés permet de relativiser les divisions. Ces manifestations ne sont pas gratuites et, même si leurs acteurs ne s'en rendent pas forcément compte, elles ont aussi d'autres objectifs. Tout est occasion d'exprimer la joie et l'unité du pays. Pour les autorités qui la savent fragile, les parades militaires sont aussi l'occasion de la consolider. C'est un moyen d'occuper les hommes en armes, fiers d'être ainsi reconnus. Dès le 28 août, quelques heures après la reddition de l'amiral Ruhfus, les nouvelles autorités départementales - le préfet, le CDL, le nouveau préfet maritime - assistent au défilé de la victoire, en compagnie de plusieurs généraux dont Patch, Cochet, de Lattre de Tassigny et des ministres Diethelm et Jacquinot. Le général Maitland Wilson, commandant suprême en Méditerranée, est accueilli triomphalement. L'évêque - toujours le même, Mgr Gaudel - préside à une grande cérémonie d'action de grâce à la cathédrale de Toulon, le 29 août, au cours de laquelle, avec beaucoup de continuité, il se félicite de ce que la Patrie a retrouvé l'esprit de Jeanne d'Arc. Après de nouveaux défilés le 1er et le 14 septembre, après les manifestations qui marquent l'arrivée de la marine de la France Libre dans la rade, le 13, c'est l'apothéose du 15 septembre, avec la venue du général de Gaulle. Le cycle des cérémonies fondatrices se termine, le 17, avec le grand rassemblement patriotique organisé par le CDL

 

 

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Reste à savoir maintenant ce que l'on va faire de cette Libération. Paradoxalement, le relatif échec qui va suivre masque la réussite assez exceptionnelle de la transformation politique que la France connaît en août 1944. La remarque vaut sur le plan général comme sur le plan particulier de notre observatoire varois. Le programme minimum des forces résistantes a réussi. Le territoire est libéré. Il est gouverné. Il n'y a pas eu d'explosion de violence. La Résistance est reconnue par presque tous. La masse de la population l'a suivie, comme elle l'a toujours espéré, même si certains résistants “ éprouvent une sorte de chagrin ” parce qu' “ une minorité sent qu'elle va changer en devenant majorité ” 40. La Résistance affirme sa fidélité au gouvernement provisoire et son désir de rétablir la démocratie élective. Bien entendu, la déception qui pointe rapidement tant dans la population qu'au sein de la Résistance tient aux contradictions internes que le mouvement porte en lui. Pour une partie des résistants actifs, minoritaire dans l'élite dirigeante, mais vraisemblablement majoritaire à la base, comme dans la population, le contrat est rempli. La page est tournée pour l'essentiel et ne doit plus être complétée que par la reconstruction du bonheur d'avant-guerre perdu et la participation à la victoire finale, encore que, pour certains, la Libération du territoire local se confonde avec elle41. Il est vrai que pour la masse des gens la Libération apparaissait ici aussi
“ non comme la naissance d'un nouveau régime, encore moins comme l'aube d'une révolution, mais bien plus comme la fin d'une époque déplorable et l'espoir d'un retour à des temps pacifiques 42,

en particulier dans une région où la Troisième République n'avait pas laissé de si mauvais souvenirs, même si l'air du temps poussait à en vilipender le fonctionnement national. Pour les “ politiques ”, la révolution d'août 1944 doit aller plus loin, mais elle doit être une révolution ordonnée, une révolution par en haut, d'où la précocité des conflits pour la maîtrise de l'appareil d'État et le choc des stratégies contradictoires, en continuité d'ailleurs avec les luttes internes que la Résistance avait connues de façon croissante à partir de 1943. La Libération décevra donc les uns et les autres, la réalité s'écartant trop de leurs espérances, plus ou moins élevées, plus ou moins prosaïques, selon le degré de conscience politique.

Avant d'esquisser une analyse politique de la période qui suit la Libération, risquons une remarque générale, fondée sur une approche modestement comparative. Ne retrouve-t-on pas en 1944 de nombreux traits des soulèvements antérieurs, et, bien que son ampleur soit très inférieure, jusqu'au mouvement de balancier que ces mouvements ont connu ? Comment ne pas songer surtout à 1870 ? L'avènement de la République se produit alors dans des termes politiques, selon des formes et un processus qui présentent bien des analogies avec le moment que nous étudions, en particulier dans un département déjà aussi profondément républicain. Le régime réactionnaire déchu est d'abord (malgré Emile Ollivier) celui des notables “ blancs ”, instauré en réaction d'un épisode révolutionnaire antérieur, un peu comme Vichy a été une réponse à 1936. La République, c'est, en premier lieu, en 1944, comme en 1870 (ou en décembre 1851), la restauration d'un pouvoir communal démocratique, appuyé sur la population, parfois réunie pour donner son assentiment. C'est aussi la foule mobilisée où l'on remarque en ville les catégories “ dangereuses ” (les jeunes et les étrangers). Ce sont les réactions symboliques, mais aussi l'ampleur du réflexe jacobin, la volonté patriotique et l'organisation partout d'une garde nationale, dont, à l'évidence, les FFI sont, pour certains, les rejetons. La République de 1870 connaît le même souci immédiat d'organiser la “ révolution ” et de ne pas la laisser aller à la dérive, avec une violence minimale. À Toulon, les heurts opposent surtout les républicains ardents et le bastion conservateur que représentent l'armée et surtout la marine43. Mais, après l'état de grâce, vient la division entre les réalistes et “ les exaltés du parti de l'action ” 44, déçus par l'évolution d'un régime, celui-là, à nouveau réactionnaire. On pourrait, bien entendu, souligner les différences et les moindres ne seraient pas l'écrasement de la “ Réaction ” et l'absence d'anticléricalisme en 1944.  Mais l'insurrection de 1944 se situe bien dans une lignée de soulèvements, celle du “ parti du mouvement ”, et cette dimension généalogique (et symbolique) est nettement affirmée par les nombreuses références historiques qui l'accompagnent.
Est-ce un trait structurel que cette désillusion qui paraît inhérente aux agents les plus actifs de ce “ parti du mouvement ” ? Au regard de ce qui suit la Libération, on sait l'amertume de bien des résistants, et non des moindres. C'est même l'une des composantes essentielles du discours résistant45. Mais, avant lui, d'autres l'avaient tenu, par exemple Paul Cotte, l'ancien insurgé de 1851, le banni, l'une des âmes du parti démocrate, devenu préfet du Var en septembre 1870 et révoqué par le gouvernement Thiers :
“ Oh ! je conviens que cette République n'est pas brillante. Ce n'est pas celle qui apparut dans les éclairs de février ! Quand on pense à la vraie, à l'idéal du parti, on la trouve difforme ; mais valait-il mieux ne rien faire ? Nous ne l'avons pas cru... Nous avons couru au plus pressé. ” 46

 

1. J. BAECHLER, Les phénomènes révolutionnaires, Paris, 1970, p. 53.

2. H. MICHEL et B. MIRKINE-GUETZÉVITCH, op. cit., p. 52.

3. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 167, extrait de ce document signé du Comité varois de Libération Nationale.

4. ADV, 1 W 40, La Croix-Valmer, plainte du maire démis, 27 septembre 1944 : le 15 août, un officier français lui a assuré qu'il devait rester en fonction, or trois FTP de Cogolin sont venus lui ordonner de se démettre et de laisser la place au CLL Situation identique décrite par H. MICHEL, Quatre années ..., op. cit., p. 273, dans le village qui sert de cadre à son récit : un officier français accompagne les Américains. Il veut voir le maire de Vichy “ tout prêt à demeurer maire ” par les soins de l'armée, mais le chef FFI “ explique à l'officier que la Résistance a fait son choix depuis longtemps... ”.

5. J. Cazelles, tém. cit.

6. Le Var de 1914..., op. cit., document 76, extrait du registre des délibérations communales séance du 15 août 1944 où est consigné le processus de prise du pouvoir.

7. Arch. privées, rapport du COR, s.d. (vers le 25 août), dactyl.

8. C'est l'opinion d'Y. CAZEAUX, Journal secret de la Libération, Paris, 1975, p. 234.

9. Arch. privées, rapport du 27 août 1944, dactyl., anonyme (mais l'auteur en est Pagès Bénazet, le TR). Notation identique par P. LAMOUR dans la région de Nîmes : “ Tout le monde commande et personne n'obéit ” (op. cit., p. 255), par contre, nulle part, on ne ressent l'impression de “ chienlit ” qu'il décrit et, encore moins, un “ bain écœurant de cruauté et d'imbécillité ” (p. 260).  

10. Par exemple les maires en réponse à l'Enquête sur l'occupation et la Libération, lancée en 1949 (ADV, 1 W 94).

11. R. GIRARDET, op. cit., p. 123. La Libération est effectivement le moment par excellence où la fête est “ inséparable de la vision unitaire d'une cité régénérée où les principes de cohésion, d'absorption des particularismes individuels dans le grand Tout de la volonté générale se verront à jamais assurés ”.

12. J. CAZALBOU, op. cit., p. 266 : “ la foule huait les vaincus et peu s'en fallait qu'ils fussent lynchés ”. Les prisonniers sont parfois frappés, souvent dépouillés de leur montre (malgré l'opposition de nombreux résistants).

13. ADV, 1 W 95, Rens. gén., rapport hebdomadaire, 25 septembre 1944 : “ Les Varois en général et les Toulonnais en particulier ont faim...Même durant l'hiver 1941-42 qui fut le plus dur à Toulon, les ménagères n'avaient pas connu l'anxiété qu'elles éprouvent pour confectionner les repas ”.

14. Le Var Libre, 6 octobre 1944, article reproduit in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 180.

15. Une anecdote sur ce point : le jour de la Libération, à Collobrières, un résistant espagnol fait une remontrance à un commerçant maréchaliste qui se rebiffe, lui demande depuis quand il est français, et l'Espagnol de répliquer : “ Depuis aujourd'hui ! ”.

16. ADV, 1 W 94, citations tirées de l'enquête déjà citée.

17ADV, 3 Z 4 9, Rens. gén., rapport hebdomadaire, 12 septembre 1944, qui amalgame significativement les jeunes et des repris de justice qui auraient été vus parmi les FFI et 1 W 95, enquête sur la situation communale dans l'arrondissement de Draguignan, 26 septembre 1944 : la population applaudit les jeunes FFI - FTP pour leur héroïsme, mais se plaint de leurs réquisitions abusives.

18. Analysé, par exemple, pour le XVIe siècle, par N. Z. DAVIS, Les cultures du peuple, Paris, 1979, p. 286 et suiv., rapprochant “ ce droit à la violence reconnu aux jeunes dans le cadre de l'émeute religieuse et le droit festif ”.

19. La femme adultère était promenée, nue, sur un cheval ou un âne, tournée vers l'arrière et les passants pouvaient la frapper. “ Promenade ” également pour les voleuses et autres petites délinquantes.

20. Aucune trace de réprobation dans les documents de l'époque. Le discours commun est aujourd'hui de dire comme un témoin dracénois : “ À la Libération, il y a eu des femmes tondues, mais les vrais résistants n'étaient pas d'accord ”. Même réaction enregistrée in Libération dans le Midi... op. cit., discussion p. 402 où l'on nie que les femmes aient été tondues par la Résistance ( “ Ce sont souvent des provocateurs, des collaborateurs ”, commandant Vittori, Decazeville).

21. S. Demarch, tém. cit. : ce militant communiste est attristé parce qu'il voit les gens agrippés aux tanks pour réclamer des vivres. “ Pour nous, la Libération, c'était autre chose ”.

22. J. VIAL, op. cit., p. 237 : la foule, “ trop souvent lâche ”, qui jette des pierres aux prisonniers.

23. M. AGULHON, La République ..., op. cit., p. 405 : les militants légalistes veulent préserver le soulèvement de tout excès.

24. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 179, article de La Résistance du Var Libéré n°6, 24 août 1944 exposant la composition de la Résistance varoise “ à la demande de nombreux lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec les abréviations employées par la Résistance ”.

25. P. LABORIE, “ Opinion et représentation : la Libération et l'image de la Résistance ”, Revue d'Histoire de la 2e Guerre Mondiale n°131/1983, p. 76.

26. ADV, 1 W 95, Rens. gén. Draguignan, 9 septembre 1944.

27. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit. document 175, note de service du préfet par intérim, 19 août 1944 pour que l'on procède “ le plus rapidement possible à l'enlèvement... de tous portraits, affiches et autres (m)arques distinctives de la France asservie ” et pour que l'on retrouve “ les emblèmes de la République Française en disgrâce jusqu'au jour de la libération ”.

28. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 173, affiche de la proclamation d'Aubrac à son arrivée à Saint-Tropez : Aux populations des territoires libérés du Sud-Est. Celle du préfet Sarie est affichée, elle aussi, et celle du CDL reproduite dans la presse, dans Le Var Libre n°1 du 29 août 1944.

29. Voir ses souvenirs, Si la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1996

30. (J.-A. BAILLY, qui conteste la date du 18 août. Vérifier et voir)

31. ADV, 1 W 95.

32. Arrêté n°2, 22 août 1944 (M. AGULHON et F. BARRAT, op. cit., p. 46-48).

33. Autre exemple avec J. BOUNIN à Montpellier, (Beaucoup d'imprudences, Paris, 1974, p. 222-223).

34. Dont on trouve trace in H. MICHEL, Quatre années..., op. cit., p. 260. Son héros s'en inquiète avant la Libération : “ C'est là que sera le mal principal : le goût et l'habitude de l'illégalité ! Par exemple, après la Libération, tout le monde sera armé. Que de règlements de compte en perspective, que d'arrestations arbitraires, de perquisitions conduisant à de vrais cambriolages ! “.

35. Interview de R. Aubrac au Provençal dans son numéro du 29 août et Rouge-Midi, 4 septembre 1944, avec l'annonce de la création des FRS à partir de FFI, mis provisoirement à la disposition des autorités pour assurer la sécurité. Aubrac est arrivé à Marseille le 24.

36. Le commandant régional des FFI, chef de la 15e Région militaire, le général Chadebec de Lavalade, venant d'Outre-mer, est nommé le 6 septembre.

37. Arch. privées, rapport du COR à l'inter EF, op. cit. Le COR leur fait “ comprendre le danger qu'il en résultait d'être commandé par les membres de l'armée bourgeoise ” et va porter le différend à Cochet.

38. Arch. privées, rapport du COR à l'inter EF, op. cit.

39. Arch. privées, rapport du COR à l'inter EF, op. cit. : le lieutenant Boudoube Leroy  est nommé le 28 août à ce poste.

40. M. DEBRÉ, op. cit., p. 266.

41. ADV, 1 W 22, Rens. gén., 23 décembre 1944, enquête sur l'état d'esprit de la population de Toulon qui a “ tendance à considérer la guerre comme terminée ”.

42. M. DEBRÉ, op. cit., p. 309.

43. Nous nous référons à la thèse d'E. CONSTANT, op. cit., t. 5, chapitre XXI, p. 1480-1481 et suiv., où l'on voit, par exemple, une réunion de la population de La Garde-Freinet pour qu'elle choisisse son gouvernement municipal ou bien les lycéens toulonnais décapiter et jeter le buste de l'empereur.

44. E. CONSTANT, op. cit., t. 5, chapitre XXI, p. 1539.

45. P. LABORIE, “ Opinion et représentation... ”, op. cit., p. 67 : “ le discours résistant associe au retour sur le passé une part d'amertume et de désillusion ”.

46. E. CONSTANT, op. cit., t. 5, chapitre XXI, p. 1591-1 592.