CHAPITRE III
LA LIBÉRATION ENFIN
Nous ne décrirons pas les épisodes militaires de la Libération. Mais il faut bien évoquer la part que la Résistance a prise dans ce combat. Depuis des mois, les problèmes militaires n'ont cessé de prendre de l'importance et, depuis le 6 juin, tout particulièrement. Finalement, tous les efforts de la Résistance, depuis qu'elle avait commencé à s'organiser, n'avaient-ils pas été tendus vers ce but ? Ne voyait-elle pas dans sa présence la plus massive possible lors de la dernière phase de la lutte la consécration de son action ? Chasser l'occupant, c'est le plus petit dénominateur commun. Il n'y a aucun calcul politique là-dedans. Aucun résistant, même le plus modeste ou le plus chargé de responsabilités “ civiles ”, ne conçoit son rôle sans une participation à l'action militaire. Elle est le couronnement individuel et collectif de tout ce qui a été fait auparavant. De ce point de vue, la position des diverses forces qui la composent est la même, qu'il s'agisse de ceux qui ont tenté de préserver leurs troupes jusqu'au bout, même après le 6 juin, ou de ceux qui ont essayé de susciter une dynamique de l'action. La participation aux combats libérateurs se fera au coude à coude. Elle se fera aussi avec la connivence de la population et l'appoint important d'une nouvelle vague de renforts. L'amertume de ceux qui se considèrent comme les pionniers fera rapidement un sort à ces très tard-venus. Pourtant cette vague est dans la continuité des précédentes. Elle est une strate supplémentaire dans ce processus de construction continue que la Résistance a été. Elle est aussi une manifestation de son succès. Car, enfin, c'était bien ça - l'entraînement de l'ensemble de la population à ce moment-là - que l'action de la Résistance n'avait cessé de préparer !
Cette présence armée (plus que véritablement militaire) de la Résistance intérieure a aussi une signification politique et symbolique. C'est même sa signification majeure à nos yeux. La plupart des résistants ne font pas le coup de feu, mais ils sont, ces jours-là, en armes. C'est, bien entendu, une nécessité pratique (surveillance, garde de prisonniers, etc.). C'est aussi un signe de ce “ prestige romantique ” de l'insurrection qui n'est pas le propre des communistes. C'est encore davantage une nouvelle manifestation de ce “ militarisme municipal diffus ” dont le XIXe siècle offre maints précédents. Être présent en armes, c'est une façon de se réapproprier ce que l'occupant et ses auxiliaires ont momentanément dérobé. C'est affirmer des droits, la reconquête d'un pouvoir. Une participation militaire minimale, c'est l'onction qui ouvre symboliquement les portes du pouvoir.
Cette vision politique et symbolique de la Libération n'est pas celle que les résistants en gardent. Pour eux, ces gestes participent de l'épopée militaire de la Résistance. C'est même bien souvent sur ces quelques jours d'action véritable qu'elle se fonde. Dans la micro histoire individuelle et locale, c'est le temps fort d'une période exceptionnelle et c'est sur lui que la mémoire va principalement se fixer. C'est le moment mémorable, avec une propension naturelle à gonfler l'importance de ce qui a été fait. Cette fixation est immédiate, comme en témoignent les petits articles que la presse de la Libération va faire paraître aussitôt et dans lesquels chaque communauté tient à faire savoir comment elle a dignement tenu sa place dans le combat.
Mais il ne faudrait pas non plus sous-estimer la place strictement militaire que la Résistance intérieure a tenue. Elle n'est pas si négligeable que ça, malgré ce que certaines histoires de la Libération suggèrent, surtout si on la replace dans sa durée et donc si l'on n'oublie pas qu'elle est sur la brèche depuis juin. Ses modes d'intervention sont aussi divers que les groupes eux-mêmes qui réagissent en fonction de leur passé, de leurs possibilités et de la situation locale. Cette intervention militaire se conçoit comme la nécessaire justification de la prise du pouvoir à tous les échelons. Ses centaines d'initiatives et les dizaines de morts que les FFI, toutes tendances confondues, connaissent sont la preuve de l'existence de la Résistance intérieure et de sa volonté - celle-là unitaire - de ne pas être négligée par les libérateurs quels qu'ils soient.
A - L'ACTION MILITAIRE DE LA RESISTANCE
1 - Préparatifs militaires
Le 8 août, le CDL s'accorde sur le plan d'insurrection définitif de Toulon. On ne sait si la question a été débattue avec les communistes depuis le 6 juin. Probablement, y a-t-il eu échanges de propositions comme le laisse supposer la présence d'un long document de neuf pages dans les archives Amigas, intitulé Instructions sur l'insurrection. Ce plan qui émane du Comité varois de la Libération paraît reprendre les propositions de l'état-major FFI régional, élaborées en juin, en essayant de concilier les divers points de vue : respect du commandement FFI, coordination entre le CDL, les FFI et le NAP, déclenchement de l'insurrection “ dès le départ des Allemands ” et là où leur puissance “ sera pratiquement nulle ”, guérilla sur les arrières, liaison des FFI et des Milices patriotiques pour encadrer les manifestations de masse, etc.. Si discussions il y a eu, sans doute remontent-elles à plusieurs semaines, car rien n'indique que les responsables du FN ou du PCF aient participé aux réunions préparatoires du mois d'août. Les responsables présents ce 8 août, tous membres du MLN ou des organisations proches se partagent la tâche. Custaud et Arnal superviseront le dispositif. Les autres prendront chacun un secteur sous leur autorité lorsque viendra le moment du combat.
Les Allemands le savent imminent, eux aussi. Le 3 août, le commandement de la 19e Armée a ordonné le renforcement des défenses. Il a prévu de remplacer les troupes allogènes et de constituer une réserve, en arrière du littoral et du massif des Maures, sur la RN 7, au Muy, avec un bataillon antichar et un régiment. Le 13 août, les occupants contrôlent policiers et gendarmes à Toulon et, non sans quelques incidents, leur prennent les armes. Les gendarmes maritimes sont désarmés de la même façon et éloignés. Les espoirs que l'on avait fondés sur leur utilisation possible par la Résistance sont réduits à néant. Il est vrai que le supérieur (théorique) du lieutenant Baudoin au sein du SR Marine se refuse à délier leurs officiers du serment d'allégeance au Maréchal Pétain et se révèle hostile à toute action.
Depuis le 11 août, la région connaît alerte sur alerte. L'aviation alliée la survole quotidiennement. Le littoral et la voie ferrée principale sont bombardés et mitraillés tous les jours.
Chaque nuit apporte ses parachutages. La mission Sampan ne peut faire réceptionner ceux qu'elle avait obtenus près de Toulon, mais plusieurs équipes viennent tenter de la renforcer. Nous avons vu que son chef à Alger, le capitaine Allain Lougre, a atterri dans le Haut-Var, à Brovès, avec le capitaine américain Jones York. Allain prend contact avec la Résistance locale, puis rejoint Les Arcs, malgré son pied, cassé à la réception, escorté par sept gendarmes maquisards pour se trouver au rendez-vous fixé pour le 13 août avec un membre de la mission, en l'occurrence Sanguinetti. Le reste de l'équipe de soutien n'a pu être largué sur Prisonnier, mais l'a été, avec ses 18 containers, dans la même nuit - celle du 11 - sur le terrain de Brue-Auriac, contrôlé par l'ORA. Ce groupe appelé Gédéon est composé de cinq officiers de marine, dirigés par l'enseigne de vaisseau Ayral qui n'en est pas à sa première mission en France. Prévu pour rejoindre Sampan à Toulon, il pourra être acheminé jusqu'à Signes. Les événements l'empêcheront d'aller plus loin. Il participera, faute de mieux, à la libération de la localité, puis, avec les commandos infiltrés en ville, à celle de Toulon où Ayral laissera la vie. Dans la nuit du 13 au 14, arrivent les missions Jedburghs. Ces équipes interalliées sont chargées de stimuler et d'encadrer la Résistance.... Le Var en reçoit deux qui, elles aussi, connaissent diverses mésaventures d'atterrissage - pieds et jambes cassées - ce qui amoindrit leurs possibilités d'action. L'équipe Cinnamon est accueillie sur le terrain de Brue-Auriac par le major Boiteux (SOE) qui conduit aussitôt le capitaine Ferrandon au maquis de Trets (Bouches-du-Rhône), tandis que les deux autres parachutistes dont l'un s'est cassé les jambes sont laissés à la charge des résistants locaux. L'équipe Sceptre, formée de deux Américains et d'un Français, est réceptionnée sur Prisonnier, à Brovès. Prévue pour rejoindre l'ORA des Alpes-Maritimes, elle est bloquée sur place faute de comité de réception pour les y convoyer et surtout à cause de ses deux blessés, dont son chef, le capitaine Tévenac.
On peut se demander à quoi ont servi toutes ces missions. Lâchées sur des terrains qu'elles ne connaissent pas, elles sont rarement parvenues à remplir la tâche qui leur a été confiée. Elles témoignent une fois encore de la méfiance dont on fait preuve à Alger vis-à-vis d'une résistance sur laquelle on compte peu. Compte tenu des risques pris par les uns et par les autres, on est frappé de la légèreté avec laquelle ces opérations sont réalisées. À défaut d'une aide militaire significative, leur principale utilité est de prévenir ceux qui les réceptionnent de ce qui est en train de se préparer dans les heures qui suivent, bien que, comme le constate Henri Noguères, le débarquement en Provence - l'opération Dragoon - soit monté “ avec des moyens excluant toute intervention “ artisanale ” - donc toute participation directe, organique, des FFI ”.
C'est par le capitaine Allain et le capitaine Jones que les responsables FFI de l'arrondissement de Draguignan sont avisés que le débarquement doit avoir lieu le 15 ou plutôt le 16 août. Le commandant Blanc, chef du secteur FFI des Arcs et chef adjoint de l'arrondissement, mis au courant lors de leur venue, le 13, fait prévenir son chef, le capitaine Fontès et celui-ci donne l'ordre de prendre position. Des gendarmes de Draguignan (environ 27) sont envoyés au maquis de Brovès pour l'encadrer. Fontès et Blanc y montent le lendemain pour rencontrer Allain et en recevoir les directives. Le message annonciateur les y surprendra, tout comme le lieutenant Silvani, chef du secteur FFI de Fréjus-Saint-Raphaël qui s'y trouve également. L'arrivée de la mission Sceptre dans la nuit permet de préciser les choses. L'adjoint de Blanc, Jean Cassou, passe mettre en alerte les groupes FFI des villages des environs. Celui de La Motte qui doit être au centre des événements est averti le 14, à 12 heures 30. Il lui faut préparer les terrains où les planeurs doivent se poser. À Draguignan, comme dans d'autres localités des environs, une partie des hommes remonte attendre des parachutages qui ne viendront pas, tandis que d'autres préparent la prise de pouvoir.
À Toulon, les chefs MLN-CFL tiennent réunion sur réunion, essayant de faire le point sur les forces disponibles et leur répartition. Ils ont eu confirmation par Sanguinetti de l'imminence du débarquement. Les deux bataillons CFL de la ville doivent être regroupés dans les faubourgs, à La Valette avec Orsini et à l'ouest, à Bon-Rencontre, avec Marquis, alors que le docteur Lagier a la direction du secteur nord (Le Revest-Dardennes). Mais ce dispositif va se révèler en partie irréalisable.
À Hyères, les FFI locaux ont noué des contacts avec des officiers arméniens et préparent ensemble les opérations à venir. Déjà, quelques-uns de leurs soldats ont déserté. Pendant ce temps, Vallier et ses hommes, partis du Haut-Var le 8, sont arrivés près de Collobrières, dans les bois des Maures, à pied d'œuvre pour aider les troupes débarquées.
Hors de ces zones, les difficultés de liaison et l'éparpillement sont tels que l'information reste, par la force des choses, réservée à quelques-uns. Ainsi, le général Azan, théorique chef départemental des FFI, n'est pas prévenu et se trouve coincé à Pignans où il habite, au moment des opérations. Le COR FTPF, Claverie, est surpris par les événements en tournée dans l'Est varois avec son TR et Vautrin qui doit prendre en charge le 2e sous-secteur. Le dispositif FTPF est en cours de réorganisation. Le détachement aixois que Claverie a fait venir dans le Var est en train de descendre d'Aups vers Toulon où il ne parviendra qu'in extremis. Mal reliés entre eux, pas toujours prévenus à temps par les liaisons internes, de nombreux groupes sédentaires de résistance seront surpris par les événements du 15 août. Tous n'ont pu saisir le fameux “ Nancy a le torticolis ”, le 14 au soir, à la radio. Dans plusieurs localités, les pannes d'électricité en ont empêché l'audition. Il n'y a donc aucune comparaison avec ce qui a précédé et accompagné le 6 juin.
2 - Le débarquement et la Résistance locale
La zone de débarquement se trouve tout entière dans le Var. Les opérations commencent dans la nuit du 14 au 15 août par des actions de commandos sur les deux ailes du secteur choisi, dans l'Estérel (Pointe de l'Esquillon) et dans les Maures (cap Nègre, au Lavandou). Si l'attaque de l'Esquillon échoue, celle du cap Nègre est une très belle réussite de la part des Commandos d'Afrique, mais remarquons, ce qui n'est jamais dit, qu'elle a eu lieu dans le secteur tenu par les troupes arméniennes qui devaient se mutiner en juillet en liaison avec les FTP-MOI. Il n'est pas interdit de croire que c'est un des éléments qui ont contribué à ce succès. Parallèlement, les parachutistes de la 1e division aéroportée sont larguées sur la région du Muy et de La Motte, en arrière des Maures (une partie étant d'ailleurs dispersée très loin de cette zone), où les FFI sont en alerte. Pendant que les premières vagues américaines débarquent, au petit matin, sur les plages de Sainte-Maxime (45e DIUS), Saint-Tropez et Cavalaire (3e DIUS), des planeurs déposent dans cette zone le reste des unités du général Fredericks. Seul échec, la 36e DIUS ne peut débarquer comme prévu à Fréjus et doit être détournée vers le Dramont (Saint-Raphaël). La plage de Fréjus ayant été signalée le 8 juin comme le lieu probable de débarquement, y a-t-il eu, entre temps, renforcement du dispositif de défense ?
Il est certain que le débarquement du 15 août ne s'est pas accompagné d'un mouvement comparable à celui du 6 juin. Dans son roman témoignage, Henri Michel en rend compte en relatant l'action de la Résistance, ce jour-là, dans un village varois (dont le modèle est son propre village, Vidauban). Le groupe FFI, d'obédience MLN-CFL compte une cinquantaine d'hommes qui ont décidé de se rassembler dans les bois à l'annonce du débarquement, mais ils ne sont qu'une vingtaine à se trouver alors au rendez-vous. Cette prudence n'est pas propre au Var. Le CER FTP des Basses-Alpes note “ une certaine inertie face à la mobilisation ”. Il remarque que :
“ le débarquement de Provence n'a pas provoqué l'enthousiasme spectaculaire qui avait suivi celui de Normandie... Les populations échaudées par l'abandon dans lequel la Résistance fut laissée par le commandement allié et par Alger ont été rendues circonspectes. ”
En effet, la situation psychologique n'est pas la même. Depuis juin, la pression de l'occupant s'est accrue et la Résistance a traversé des semaines éprouvantes. Elle est partiellement affaiblie et désorganisée. La capacité insurrectionnelle s'est émoussée, malgré les efforts des communistes, et les résistants comme la population font preuve de plus de prudence.
Ceci étant on ne peut accepter tels quels certains jugements portés sur l'action de la Résistance en Provence. Au XXe siècle, la Provence n'a pas la renommée d'une province farouche. On a pu le constater en 1914 avec l’affaire du XVe Corps. Elle pâtit de l'image que la littérature, puis le cinéma lui ont accolée. Aussi considère-t-on que les Provençaux ne peuvent être que trop légers et trop inconstants pour participer à une affaire aussi sérieuse que la Résistance et la Libération. Même Henri Noguères se laisse aller jusqu'à écrire que les FFI du Var ne peuvent compter que sur des “ forces relativement peu nombreuses, comparativement à d'autres départements ” et que la Résistance provençale n'aurait pas joué un rôle “ déterminant ” (sic) pendant les premières heures de débarquement. Implicitement, la Provence serait une sorte de double inversé du reste du Midi, un Languedoc, plus austère comme on le sait, le pays Toulousain plus ardent, un Midi qui, lui, s'est libéré tout seul, un Midi sérieux et l'autre pas...
Cette vision injuste fait trop bon marché à la fois des actions entreprises depuis juin, de la qualité des renseignements envoyés par les réseaux, et d'une densité d'occupation qui, dans l'ensemble, n'est peut-être pas la même. Et à partir de quoi peut-on juger de la participation effective des résistants locaux à leur Libération ?
La Résistance provençale ne souffre pas que de la réputation de sa région. Joue aussi le fait que le débarquement auquel elle a apporté son concours n'est que le second. Entre la Résistance normande et la Résistance provençale, la différence de traitement est sensible très tôt. Dès le 3 février 1945, le colonel Lelaquet fait la comparaison :
“ Il est profondément injuste qu'une Région comptant 6 départements et où l'action de la Résistance a été un des éléments déterminants du succès aussi rapide des opérations de débarquement d'août 1944 reçoive un des contingents les plus faibles attribués à l'ensemble des autres Régions Militaires.
Il est en particulier difficile d'admettre que la 15e Région soit traitée sur un pied différent de la 3e Région sur le territoire de laquelle ont débarqué les troupes alliées en juin 1944 - Or la 3e Région pour 5 départements bénéficie d'un contingent de 798 récompenses pendant que la 15e Région pour ses 6 départements s'en voit attribuer 477 seulement. ”
Un aperçu, même rapide, des opérations permet de réévaluer cette action. On sait que le débarquement du 15 août est, dans l'ensemble, un succès. On sait aussi que l'avance alliée est si rapide qu'elle déroute les états-majors qui avaient tablé sur une progression beaucoup plus lente (Toulon à J + 20, Marseille à J + 40). La Résistance intérieure n'aurait-t-elle eu aucune part dans cette réussite ? N'a-t-elle en rien contribué à la démoralisation d'un adversaire qui, en général, ne se défend que mollement ?
L'ensemble de la région est libéré en moins de quinze jours et, pour l'essentiel, en une semaine. Toulon, Nice et Marseille sont conquises par les troupes débarquées, avec l'aide effective des résistants, en même temps, mais dans des circonstances différentes. La Haute-Provence est sous le contrôle de la Résistance, ainsi que le reste du massif alpin. Le général Zeller, parti d'Apt, le 1er août, est allé le dire à Alger et c'est pourquoi le chef régional de l'ORA, le capitaine Lécuyer, devenu responsable FFI des Alpes-Maritimes, a reçu l'ordre d'aller au contact des troupes aéroportées du général Fredericks dès l'annonce du déclenchement des opérations. En compagnie du major écossais Gunn, parachuté avec Sorensen, il peut traverser la région entre Valberg et Callas, dans le Var, sans encombre. C'est là, au matin du 16, qu'ils rencontrent les premiers parachutistes alliés. Ils parviennent à convaincre Fredericks de pousser plus avant que la limite varoise qui lui a été fixée pour objectif et obtiennent de conduire un détachement dans les Alpes-Maritimes afin de démontrer la possibilité d'une libération anticipée de la région. Ils le mènent, le 17 août, jusqu'à une vingtaine de kilomètres de Nice. Ce constat favorise une révision des plans et l'acceptation de celui que défend le général Zeller, le plan Faisceau, d'où le détachement d'une colonne - la colonne Butler - qui part de Draguignan le18. Guidée et accompagnée partout par des résistants locaux, elle est à Digne le 19, à Gap le 20 et arrive à Luz-la-Croix-Haute le 21 où elle reçoit l'ordre de bifurquer vers la vallée du Rhône.
3 - La place de la Résistance dans les combats de la Libération
Le département du Var est libéré en deux temps. La Libération de la presque totalité de son territoire a lieu entre le 15 et le 21 août, mais les combats pour la délivrance de l'agglomération toulonnaise s'étendent du 21 au 27.
a - Première phase de la bataille
Hors des régions de Cogolin-Saint-Tropez, Draguignan et Fayence, la Résistance mène peu de véritables opérations militaires. Chaque groupe se pose, le 15 ou le 16 août, la question de la conduite à tenir, car les plans ou les directives sont une chose et leur traduction concrète en est une autre. Dans le groupe que décrit Henri Michel, la prudence prévaudra, comme dans la plupart des cas. Le jeune étudiant “ plein d'ardeur ”, “ tout enfiévré par les images classiques de la guerre en dentelles ”, a bien proposé de tirer sur les Allemands qui passeront, en attendant les Américains, mais le paysan pense que le groupe “ sera plus utile à les guider qu'à faire les c... sur la route ”, tandis que l'instituteur, officier de réserve et donc chef FFI, trouve en effet que l'état de leur armement ne leur permet pas de faire grand chose. Ils
“ n'ont que deux mitraillettes et deux fusils pris aux Italiens ; une dizaine sont armés avec des fusils de chasse ; les autres n'ont que leur revolver avec quelques grenades. ”
La description a tout de vraisemblable. Ils feront donc ce qu'ils pourront et ça ne sera déjà pas si mal.
Mobilisation et expectative donc pendant quelques heures. Cependant, un peu partout, une fois assurés de la certitude du débarquement, les résistants et les volontaires que l'on voit apparaître à ce moment-là (des réfugiés de Toulon, en particulier), plus ou moins nombreux, se regroupent et prennent les emplacements de guérilla envisagés auparavant, commençant à tendre quelques embuscades contre des éléments ennemis isolés, avant même l'arrivée des troupes. Avec la chaleur du chef qui défend “ ses ” hommes, mais non sans justesse, le colonel Gouzy a rendu compte des conditions de cette action :
“ Il faut être des héros pour tenir une route en interdisant à l'ennemi de passer, alors qu'on est 15 hommes dans la nature, sachant très bien qu'il n'y aura pas de secours car le P.C. du sous-secteur est trop éloigné, sans liaison, sans transmission avec le Chef, rien... ”
Ajoutons à cela la peur de faire courir un risque inutile à la population.
Bien entendu, rien ne s'est passé tout à fait comme prévu et l'on peut étendre à l'ensemble du Var ce que le commandant Blanc écrivait pour son secteur (région du Muy, des Arcs, Trans) : “ Les combats... ont revêtu, dès le début, un aspect fragmentaire et... il est impossible d'en donner un aperçu général ”. L'expérience acquise par des actions clandestines antérieures et la détermination introduisent quelques différences entre l'attitude des divers groupes.
À Barjols, la Résistance locale, dirigée par les communistes, prend possession du bourg. Par l'intermédiaire de la MOI, elle peut compter sur l'appui d'une petite unité arménienne qui s'est mutinée et a tué ses cadres allemands. Ensemble, ils résisteront plusieurs heures à une colonne allemande en train de se replier, le 16 au soir, et qui les contraindra finalement à évacuer et à attendre l'arrivée des Américains. Dans le même secteur (entre Pourrières et Rougiers), les guérillas, placées par l'ORA sur les routes, entreprennent de nombreuses escarmouches. Certains secteurs à dominante FTP témoignent d'une combativité incontestable. Le parallèle s'impose entre la région de Fréjus-Saint-Raphaël, forte zone de résistance, où la Libération intervient alors qu' “ aucun groupe cohérent et armé n'était organisé ”, malgré les 500 résistants enrégimentés en trentaines que l'on y compte théoriquement, et le secteur de Saint-Tropez où les détachements de la Brigade des Maures s'emparent de positions adverses, accueillent et accompagnent les troupes débarquées ou parachutées. À Cogolin, le maquis Macario reçoit la reddition d'une importante batterie tenue par des “ allogènes ” et occupe le village dès le matin. À Saint-Tropez, Despas, Rainaud, Celebonovitch et leurs hommes aident les parachutistes, largués là par erreur, à se regrouper et les convainquent d'attaquer avec eux la citadelle dans l'après-midi.
Le COR Claverie, surpris par les événements alors qu'il est à Claviers avec Vautrin, installe son PC à Bargemon où il s'impose aux CFL présents et reprend en main le camp FTP Valcelli dont il critique la tenue et l'influence que le capitaine Tévenac et le lieutenant Silvani y ont acquise. Il désapprouve l'attaque projetée par ces officiers et certains FTP (une trentaine) contre la Roche de Fayence où les Allemands se sont retranchés. L'attaque ayant échoué, il récupère les hommes que les officiers ont laissés et répartit les maquisards dans les localités qui se trouvent de part et d'autre de la route de Grasse avec ordre de harceler les éléments importants qui tentent de se replier par là, d'où toute une série d'opérations, appuyées par les parachutistes égarés et par l'aviation alliée, entre le 17 et le 20 août. Encerclés, les Allemands de la Roche de Fayence seront convaincus de se rendre par les résistants du lieu, le 21 août. Cette affaire clôturera la Libération du Var, en dehors de l'aire toulonnaise. Les autres groupes de la 2e Cie FTP, ceux qui se trouvent à Draguignan et dans les localités plus à l'Ouest, se sont armé, après avoir été prévenus du débarquement dans la nuit du 14, et cherchent à en découdre. L'affaire tournera mal pour le groupe de Lorgues où l'ardeur combattive, très juvénile, de ses membres, tourne au drame à deux reprises. Il perd treize des siens aux Arcs, le 15 août, tombés en plein combat, alors qu'ils cherchaient à rejoindre les parachutistes alliés, et encore sept autres, deux jours après, exécutés par une colonne allemande, en cours de repli près du Thoronet. Pendant ce temps, les FTP dracénois et flayoscais participent à l'occupation et à la défense de la préfecture.
À Draguignan, l'insurrection s'est développée dans la journée du 15. Insurrection authentique en effet, mais, étant donné le caractère de la localité, cette action se rapproche davantage de ce qui se passe dans les communes plus petites qu'à Toulon ou Marseille. Il n'en reste pas moins que la Résistance a pris possession des lieux avant l'arrivée des Alliés et qu'il lui faut réduire des nids de résistance et se défendre. Le CLL (sans les communistes) dirige dès ce moment la cité avec l'aide du maire de Vichy et des gendarmes qui n'ont pas rejoint le maquis. La Milice est partie le matin même ainsi que l'antenne du SD, mais l'état-major du 62e CA est resté. Il est encerclé par les résistants locaux, CFL et FTP sans distinction, renforcés de parachutistes égarés et des FTP de Flayosc. La Résistance est maîtresse de la ville. Ses forces sont importantes : 600 hommes environ, peu armés, et à peu près 150 gendarmes et policiers municipaux. Mais elle reste isolée toute la journée du 16, sous la menace d'une contre-attaque allemande et d'un bombardement allié. Aussi envoie-t-elle plusieurs émissaires aux Américains pour les en dissuader et leur demander de venir au plus vite, ce qu'ils font dans la nuit.
Ce ne sont là que quelques épisodes. Chaque localité a connu les siens qui, après avoir été enregistrés et discrètement entretenus par la mémoire locale, sont réactivés aujourd'hui et alimentent les discours commémoratifs. Au total, une participation militaire qui “ fut ce qu'elle devait être ” pour reprendre le jugement pour le moins mesuré de Daniel Ungemacht-Benedite, chargé d'un rapport de synthèse sur le sujet par le capitaine Fontès, chef FFI de l'arrondissement de Draguignan, à peine les combats terminés :
“ Les guérillas agirent avec efficacité et portèrent la perturbation dans les lignes de communication ennemies. Les troupes alliées furent beaucoup aidées dans leurs opérations par la coopération que leur apportèrent (notamment au point de vue liaison, renseignement et guides) les FFI avec lesquels elles entrèrent en contact aussitôt. Enfin, la plupart des opérations de nettoyage de détail furent effectuées par les FFI. ”
Un appoint, mais un appoint qui économise toute une logistique aux troupes libératrices qui, d'ailleurs, ne se privent pas d'en profiter. Les Américains distribuent des armes récupérées aux FFI qui les assistent. Les résistants permettent de contourner et de prendre plus aisément les nids de résistance, conduisent les soldats, les ravitaillent (mais la réciproque est vraie), assurent des liaisons, soignent les blessés, gardent des prisonniers et les convoient vers les “ cages ” prévues. Leur participation au “ nettoyage ” ou tout simplement au combat aurait pu être plus efficace encore si les Allemands n'avaient pas été affolés à l'idée de se rendre aux “ francs-tireurs ” dont ils ont une peur panique. De plus, d'assez nombreux jeunes gens suivent les détachements français ou américains parfois très loin et participent à leurs actions. Partout où c'est nécessaire les résistants protègent les points sensibles, ainsi à Cogolin où ils ont empêché la destruction des réservoirs d'eau, ce qui permet d'approvisionner sans difficulté les nombreuses troupes qui ne cessent d'affluer.
b - Deuxième phase de la bataille
C'est la bataille pour Toulon. Sur la douzaine de milliers de soldats de l'armée occupante présents dans le Var, près de la moitié se trouvent à l'intérieur du camp retranché. Cette phase, la plus souvent décrite, est l'œuvre, on le sait, des hommes de l'Armée B, du général de Lattre de Tassigny. Mais, même là, malgré les conditions défavorables que présente la ville depuis des mois, la Résistance intérieure participe effectivement à la Libération. Son action présente les mêmes caractéristiques qu'ailleurs, plus, et ce n'est pas négligeable, une réelle insurrection urbaine.
À la périphérie du camp retranché, la participation des FFI s'effectue sous des modalités très diverses. Ceux du Revest et les marins-pompiers protègent le barrage de Dardennes, essentiel pour l'alimentation en eau de Toulon. Les hommes du maquis Vallier et les FTP de Collobrières guident et accompagnent les Américains sur la route d'Hyères. Les maquisards seuls prennent le contrôle de la presqu'île de Giens. Les FFI du secteur d'Hyères-Carqueiranne se sont assuré du concours de troupes arméniennes qui combattent à leurs côtés et avec les soldats français, en particulier à Carqueiranne, malgré l'exécution de plusieurs de leurs officiers par les Allemands qui ont eu vent du complot.
Reste Toulon et sa couronne de forts que les Allemands ont réoccupés. Depuis le 14 au soir, ils poussent la population à évacuer la ville. Les chefs résistants craignent qu'ils ne tentent de s'y enfermer, or ils savent, par Sanguinetti, après sa rencontre avec le capitaine Allain, que Toulon ne fait pas partie des objectifs immédiats des troupes débarqués. Pour eux, il faut agir et inciter l'armée à venir au plus vite. Le CDL et le capitaine Salvatori auquel il a rendu ses responsabilités de chef FFI donnent l'ordre de prendre position à partir du 16 août. La veille, la CGT a lancé l'ordre de grève générale. L'équipe de sabotage des PTT fait les coupures prévues dans le réseau téléphonique. Mais les deux bataillons CFL qui devaient se rassembler dans les faubourgs est et ouest ne sont pas au rendez-vous le 17 au soir. Salvatori et de la Ménardière Sampan renoncent momentanément à ordonner l'entrée en action. Le lendemain, les Allemands commencent la destruction de l'arsenal qu'ils ont fait évacuer. Il s'avère impossible de s'y opposer. Tous les plans patiemment conçus durant des mois se révèlent inopérants. La bataille de Toulon devra s'improviser.
Dans les récits que l'on en fait, l'intervention des résistants se résume à deux aspects. C'est, d'abord, leur insistance à engager le général de Lattre à intervenir. Les télégrammes envoyés par Sampan témoignent de cette impatience légitime et de la peur que le temps qui passe ne se solde par des pertes de plus en lourdes. Plusieurs émissaires traversent les lignes pour porter les mêmes demandes. Le plus connu est l'enseigne Sanguinetti qui rallie le PC de de Lattre à Cogolin, le 19. Mais Amigas et Salvatori rejoignent celui du général Magnan, à Solliès-Pont (où ils retrouvent Sarie) dans le même but, alors que Frank Arnal les attend à l'entrée est de la ville. Il participera d'ailleurs au guidage des premiers chars.
Deuxième aspect bien connu, c'est le rôle joué par les résistants dans le contournement des défenses ennemies par le Nord. Alors que l'agglomération est attaquée frontalement à l'Est, les hommes du “ Choc ” et les troupes coloniales de Salan suivent les FFI à travers le massif de Siou-Blanc et débouchent sur Le Revest, le 20 août, ce qui permettra aux commandos de s'enfoncer jusqu'au centre ville. Sur les abords, sur la partie est du camp et dans la vallée de Dardennes, l'affrontement est violent, mais, à l'intérieur de la ville, les combats ne le sont pas moins et ce sont les résistants qui les conduisent, pour l'essentiel.
Depuis le 20 dans l'après-midi, le cœur de la ville est en état d'insurrection. Salvatori a donné l'ordre d'entrer en action la veille, à 23 heures 30. Les CFL sont rassemblés par Salvatori et Marquis entre la place de la Liberté et le Champ-de-Mars (collège Rouvière). Salvatori évalue à 140 les hommes dont il dispose. Mais il ne tient pas compte des FTP, en particulier du petit, mais très combatif groupe des Aixois, installés sur place depuis le 15. Cependant, le 21, un accord est conclu entre les FTP et les CFL pour organiser des barrages en commun et des coups de main. Il s'agit de perturber, voire d'empêcher, les mouvements ennemis à l'intérieur de la ville et, en particulier, entre l'arsenal maritime et celui de terre. L'artère centrale de la ville et ses abords sont, pendant deux jours, le cadre de combats confus où, même sans réelle unité de commandement, tous les groupes et des “ inorganisés ” se mêlent et s'entraident. Il y a de nombreux vétérans de la Marine parmi les CFL, mais l'on regrette l'absence des marins que le capitaine Braxmeyer (remplaçant l'amiral Danbe) se refuse toujours à laisser participer au combat pour ne pas “ mélanger aux FFI des troupes militaires et disciplinées ”. La journée du 22 août est la plus importante pour les insurgés. L'arrivée des éléments du “ Choc ” qui ont pu se glisser jusque-là créé un moment de confusion. On croit un moment que les troupes régulières vont arriver. La journée est marquée par une multitude de coups de main pour essayer de réduire les immeubles occupés par les Allemands. Les insurgés font le coup de feu avec un armement réduit et commencent à ressentir le manque de munitions. Or l'armée ne peut fournir aucun secours dans l'immédiat. Le 23, les résistants décident de changer de tactique et de tenir des points d'appui. Les FTP d'Aix occupent le lycée, une position clé. Les blindés qui parviennent le 23 au soir (18 heures 45), au centre ville, place de la Liberté, en venant de l'Ouest et de l'Est, presque simultanément, ne trouvent donc pas une ville désertée ou aux mains des occupants. Un témoin immédiat peut écrire, aussitôt après, que
“ le poids de ces deux journées de bataille à l'intérieur de Toulon (22 et 23 août) a reposé sur les FFI et sur un groupe de choc d'une soixantaine d'hommes des troupes régulières. ”
Les événements qui suivent le 23 août sont plus classiques. Entre le 24 et le 27, les troupes régulières livrent des combats, parfois très durs, pour réduire les forts et l'arsenal. L'appoint des résistants est notable dans le secteur de Six-Fours-La Seyne où la mutinerie des Polonais et des Russes qui sont en contact avec eux facilite les opérations. La reddition de l'amiral Ruhfus, enfermé dans la presqu'île de Saint-Mandrier, intervient le 28 au matin.
Les villes françaises qui connaissent une véritable insurrection ne sont pas si nombreuses que l'on puisse en négliger une. D'autant qu'elle ne constituait pas à Toulon un objectif facile à réaliser. Le Sud-Est, avec des mouvements de même nature à Marseille et à Nice (où la participation des FTP est plus importante qu'à Toulon), apparaît comme l'une des rares régions où la stratégie d'insurrection urbaine a eu une certaine réalité.
La part que la Résistance a pris à la Libération sous le seul angle militaire n'est pas mesurable. Ni les pertes occasionnées à l'occupant par les FFI, ni les prisonniers qu'ils ont faits, ni leurs propres morts ne peuvent en rendre compte. Leur action n'est pas dissociable de celle des troupes débarquées ou parachutées. Elle a participé à la victoire, avec ses moyens, au même titre que celles-ci. Remarquons qu'après-guerre les chefs alliés ou français ne se sont pas montré oublieux. Les propos que tient le général de Lattre de Tassigny, le 15 août 1947, à Draguignan, ne sont pas qu'un hommage condescendant et démagogique :
“ J'indiquais combien furent déterminants pour le succès du débarquement la qualité, l'importance et l'intelligence des renseignements que fournirent sur l'ennemi avant la Libération et au péril de leur vie, aux états-majors alliés ces soldats de la clandestinité dont on ne dira jamais assez le prodigieux mérite.
Je montrais comment vos FFI dans la bataille, combattant à nos côtés dans Toulon et dans Marseille, libérant eux-mêmes certaines de leurs cités, guidant nos colonnes, leur signalant les jonctions de l'adversaire, harcelant les Allemands sans répit. Je disais, enfin, comment, en m'informant des mouvements dans le camp retranché de Toulon, la Résistance avait contribué à ma détermination d'attaquer sans attendre la réunion de nos moyens et s'était trouvée ainsi à l'origine d'une décision qui devait influer de façon capitale sur le développement ultérieur des opérations. ”
Cette participation armée de la Résistance intérieure à la Libération n'est pas dissociable de l'action politique dont elle fonde la légitimité. Elle est aussi prise d'armes symbolique et s'accompagne de gestes destinés à exorciser le “ mal ” qui vient d'être terrassé. Les trois vont de pair.
. C. d'ARAGON, op. cit., p. 165.
. M. AGULHON, La République ..., op. cit., Paris, 1970, p. 453.
. Ce que P. LABORIE a excellemment montré dans son ouvrage, op. cit., p. 332 et un article – “ Opinion et représentations : la Libération et l'image de la Résistance ”, Revue d'Histoire de la 2e Guerre mondiale, n° 131, 1983, p. 65 et suiv.
. En particulier dans Le Var Libre, organe du CDL, et dans Résistance, quotidien, puis hebdomadaire du MLN de Draguignan.
. Ce document n'est pas daté. Il nous semble être une adaptation des conceptions de Robert Rossi aux conditions varoises, donc élaboré vers la fin juin ou le début juillet. Un extrait in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 167 sur les objectifs de l'insurrection.
. P. GAUJAC, op. cit., p. 70.
. Amiral Baudoin, La participation..., op. cit., p. 29.
. AN, CHG OSS 7 - 11, compte rendu du team Sceptre, dactyl. s.d..
. H. NOGUÈRES, op. cit., t. 5, p. 434.
. Le capitaine Tévenac a le pied cassé. Cazelles, chef MLN, et Fontès, chef de l'arrondissement FFI, sont prévenus de son arrivée par la femme du lieutenant Silvani qui se trouve dans ce maquis et qui a été convoyée à Draguignan par une camionnette des Eaux et Forêts (tém. J. Cazelles).
. A. Bauchière, tém. cit. Il faut enlever les pieux que les Allemands ont fait planter dans la plaine. La Motte (et la ferme bien nommé du Mitan) sera le point de rassemblement des unités parachutées et déposées par planeurs.
. H. NOGUÈRES, op. cit., t. 5, p. 436 fait le récit de cette préparation et des combats de la Libération à Toulon. Mais ses sources reposent indirectement sur un texte rédigé par Amigas, très postérieurement aux événements (La bataille de Toulon, dactyl., 9 juillet 1964, arch. Amigas), d'où une vision trop unilatérale.
. G. Richard, tém. cit. Les hommes sont encore à Villecroze, non loin d'Aups, le 14 août. Les FTP ne se doutent pas de ce qui se prépare.
. H. MICHEL, Quatre années ..., op. cit., p. 265-266 et tém. V. Masson 1987 sur le petit nombre de présents à ce moment-là.
. J. GARCIN, op. cit., p. 406, rapport au CE. Gaston Plissonnier fait un constat semblable à Toulouse (La Libération dans le Midi..., op. cit., p. 115) : le 15 août, il a “ rédigé un tract qui appelait à l'insurrection, mais personne n'a bougé ”.
. H. NOGUÈRES, op. cit., t. 5, p. 436, affirmation que rien ne peut vérifier.
. H. NOGUÈRES, op. cit., t. 5, p. 426, ce qui est contradictoire avec ce qu'il a souligné p. 434 (l'oubli de la Résistance dans les plans alliés) et qui n'a pas grand sens. L'on ne sait pas que la Résistance normande ait joué un rôle “ déterminant ”, pas plus que la Résistance languedocienne si le débarquement avait eu lieu sur ses plages. R. ARON dans son Histoire de la Libération, Paris, 1959, réed. 1967, t. 2, p. 125 et suiv., présente une version folklorique de la Résistance à Marseille. Nous avons essayé d'en donner une image moins caricaturale in Provence Historique tome XXXVI, fascicule 144, avril-juin 1986, p. 197 et suiv., “ La place de la Résistance ... ”, op. cit..
. Arch. privées, lettre de Lelaquet au colonel Simon, état-major régional 15e Région Militaire Marseille, 3 février 1945.
. Sur les opérations militaires, le dernier récit est celui de P. GAUJAC, op. cit. Très complet sur les armées en présence (mais, hélas, sans références), cet ouvrage est très insuffisant en ce qui concerne la Résistance intérieure dont l'auteur ne donne qu'un tableau erroné (p. 110-113). L'ouvrage de J. ROBICHON, Le débarquement en Provence, Paris, 1962, rééd. 1984, bien connu, est encore plus farfelu sur ce plan. De ce point de vue, le tome 5 d’H. NOGUÈRES op. cit., est plus satisfaisant, malgré quelques erreurs et l'oubli des FTP
. SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 69 et suiv.
. H. NOGUÈRES, op. cit., t. 5, p. 428-430. La libération de Grenoble par la 36e DIUS est effective à J + 7 au lieu de J + 60 ou J + 90 selon les versions.
. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 169, carte de la Libération du Var avec les opérations de la Résistance et les dates de Libération.
. H. MICHEL, Quatre années ..., op. cit., p. 266-268. Le groupe FFI de Vidauban est dirigé par Victor Masson qui sera le correspondant départemental du Comité d'Histoire de la 2e Guerre mondiale du Var. Un groupe relativement bien armé comme celui du Revest compte 20 mousquetons, 7 mitraillettes, une carabine et des revolvers de divers calibre pour 88 hommes (rapport L. Camolli, déjà cité).
. Arch. privées, lettre de Gouzy au colonel Lelaquet, 22 janvier 1945.
. Cité in M. PELLEGRIN, “ Contribution à l'Histoire de la Libération du Muy, des Arcs et de Trans, 15,16 et 17 août 1944 ”, Bulletin de la Société d'Etudes scientifiques et archéologiques de Draguignan, tome XII, 1967, p. 66.
. Citation extraite du Rapport sur les événements militaires du 14 au 20 août auxquels ont participé les FFI de l'arrondissement, dactyl., s.d., rédigé immédiatement après la Libération par D. Ungemacht-Benedite, à la demande du chef FFI de l'arrondissement de Draguignan (arch. Ungemacht-Benedite qui nous en a communiqué la photocopie). Le chiffre de 500 FFI est tiré du Rapport du lieutenant-colonel Lelaquet sur l'action des FFI dans le département du Var pendant les combats de Libération du 15 au 26 août 1944, dactyl., novembre 1944 (ADV, cabinet, 1 W 95, p. 49). Ce rapport de synthèse contient de très nombreuses erreurs. Les chiffres fournis sont souvent erronés.
. Rapport Lelaquet, op. cit., p. 43-46 et J.-M. GUILLON, “ La place de la Résistance... ”, op. cit., p. 201. Sur Cogolin, tém. A. Macario déjà cité (prise de la batterie de Trémouriers, tenue par une trentaine d'Azeris, occupation du village vers 10 heures du matin).
. Tém. A. Claverie déjà cité ; arch. privées, rapport du même (rapport du COR Jean-Paul a l'inter EF), dactyl., s.d. (fin août 1944) et rapport Vautrin, 28 août 1944. Le camp Valcelli compte alors entre 140 et 208 hommes, d'après les diverses listes dressées après la Libération et qui incluent parfois des éléments sédentaires des villages proches ; le rapport Lelaquet, op. cit., p. 46-50 et celui d'Ungemacht-Benedite qu'il reprend pour l'essentiel contiennent de nombreuses lacunes et inexactitudes sur les opérations dans ce secteur où l'on a effectivement combattu ensemble, mais pas au point de perdre l'identité FTP Le jugement d'ensemble d'Ungemacht (non repris par Lelaquet) donne une idée juste du rôle des résistants qui ont eu une dizaine de tués : il “ a été, en somme, - et ils y ont parfaitement réussi - de gêner le trafic routier des Allemands, de fixer des îlots de résistance en attendant que les forces américaines puissent venir les réduire avec leur matériel ”.
. ADV, 1 W 94, Rapport sur la Résistance à Fayence, dactyl., s.d. (1949). on notera le rôle de l'une des plus fortes personnalités résistantes de la localité, Mme Michel-Jaffard, responsable de la SAP.
. Rapport Ungemacht-Benedite, op. cit. Une autre source, les Rens. gén. (ADV, 1 W 95, note du 14 septembre 1944, donne 75 FFI et 320 CFL environ (sic, on ne sait quelle différence est faite entre les deux, mais probablement s'agit-il d'une confusion entre FTP et FFI ; les agents de police sont comptés comme CFL), plus 130 gendarmes et une centaine de FTP de Flayosc). Témoignages assez nombreux sur cette Libération (en particulier, Cazelles, Ludovic Altieri, La Résistance du Var libéré n°2 et 9, ADV, 1 W 95, chronologie des opérations de gendarmerie du 13 au 20 août 1944 à Draguignan par le cmdt Favre)
. Les évaluations varient de 2 500 à 6 000 hommes. Le premier chiffre est donné par de LATTRE, Histoire de la Première Armée Française, Paris, 1949, p. 59. Lelaquet les évalue à 5 000 dans son rapport. Tout dépend ce que l'on inclut dans le camp retranché.
. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 168, affiche ordonnant cette évacuation.
. Arch. Amigas, F. Salvatori, tém. cit. : Orsini n'aurait que 40 hommes à La Valette et Marquis n'a été rejoint que par quelques hommes à l'Ouest.
. Par exemple, celui du 21 août 1944 (J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 176) où il fait part des dernières mesures prises par les Allemands pour encombrer la rade et du réarmement du Coudon et du Faron. “ Se dépêcher pour prendre Toulon car la défense allemande s'organise ”.
. Minutieux relevé in P. GAUJAC, La bataille de Toulon, Paris, 1984. Mais l'insurrection toulonnaise est ignorée.
. Le PC de Salvatori est au 5, place de la Liberté, tandis que les FFI se regroupent au magasin Priséco, sur le boulevard de Strasbourg,
. Tém. M. de la Ménardière, 5 novembre 1946, H. Michel et “ Historique de la mission Sampan ” (Fonds Masson) : Braxmeyer qui est le chef théorique du SR Marine “ estime devoir prendre à la lettre les ordres reçus d'avoir à remettre entre les mains de l'Amiral Lemonnier toutes les forces placées sous son commandement ”. Sur les instances de Sampan, il promet de chercher des volontaires parmi les gendarmes maritimes. On est le 23 août. De la Ménardière a décrit les combats de la libération de Toulon in Le soleil se lève à l'ouest (3 fois), op. cit. avec des notations très sévères sur les marins de Toulon qui, le 18 août, portent encore des toasts au Maréchal ou qui se cachent dans l'hôpital Sainte-Anne.
. Très important tém. G. Richard sur cette participation au combat (extrait in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 177). Le groupe aixois est dirigé par A. Chieusse. J. Castel, responsable FTP de Toulon, et Paulet, le recruteur régional, essaient de superviser les opérations et d'assurer les liaisons avec les faubourgs où d'autres groupes hétérogènes font également le coup de feu (F. Barrat et ses hommes des Milices patriotiques dans les quartiers Est, J. Guillerme, muté à Toulon, à Saint-Jean-du-Var, etc.). Sur l'action des FTP, rapport de J. Castel, Les FTPF. dans la Libération de Toulon, dactyl. s.d. (arch. ANACR).
. ADV, 1 W 95, rapport anonyme rédigé pour le préfet Sarie par un envoyé qui se trouve dans Toulon, entre le 22 et le 24 août.
. Malgré les chiffres avancés ici ou là, il n'est pas possible de mesurer le coût humain de la libération du Var. Le rapport Lelaquet qui évalue à 5 564 le nombre de FFI engagés dans les combats évalue les pertes FFI à 108 morts (et 123 blessés). Ce chiffrage est faux. Un relevé que nous considérons comme minimal nous a conduit au total de 174 résistants tués à partir du 15 août, mais, pour Toulon, manquent des données fiables. Il en va de même pour les morts civils (204 décomptés hors Toulon) et même pour les troupes débarquées dont on ne connaît que le chiffre fourni par de Lattre pour ses hommes (2 700 morts ou blessés). L'incertitude est encore plus grande pour les troupes occupantes. Lelaquet attribue aux FFI 833 morts, 158 blessés et 3 760 prisonniers. Le général Azan (Masson, rapport sur le débarquement allié du 15 août 1944 sur la côte varoise et les combats de la Libération de Toulon, dactyl.) donne 7 000 tués environ, dont 450 officiers, mais le chiffrage total des troupes allemandes présentes qu'il fait - 25 ou 30 000 hommes - est manifestement exagéré.