TROISIÈME PARTIE

NOVEMBRE 1942-PRINTEMPS 1944
LA RÉSISTANCE RECONNUE

 

 

La Résistance organisée se sait dans le camp des vainqueurs probables, puis certains. Ralliant de plus en plus de monde avec et autour d'elle, elle emplit peu à peu le devant de la scène nationale. Elle se veut avant-garde, des armées alliées, de la Résistance extérieure ou du peuple. Le problème du pouvoir se pose donc avec urgence, en même temps qu'il faut apprendre à organiser et diriger les nouvelles vagues, relativement nombreuses, qui viennent s'agglomérer dans la génération de la Résistance. Là encore, il faut inventer en utilisant le stock de références historiques disponibles ou les exemples qui parviennent de pays en résistance, eux aussi. La Résistance s'apprend au fur et à mesure de son édification.

Elle change beaucoup durant ces mois d'occupation. Elle se diffuse largement dans la population. Elle se nourrit de la désaffection pour le régime et des multiples formes d'opposition. En se développant, elle se diversifie, devient un ensemble complexe de réseaux et d'organisations plus directement politiques. Dans le même temps, elle s'articule autour de quelques pôles aux stratégies différentes.

Chaque famille de la Résistance a ses propres priorités, ses propres méthodes, ses propres modèles. Toutes ont les mêmes objectifs généraux, la Libération, la prise du pouvoir et la participation à la victoire. Pour y parvenir, et parce que l'on est malgré tout partiellement dépendant de l'extérieur, il faut rassembler les forces, mais aussi dominer les rivaux. Unis par nécessité et par conviction, les résistants s'affrontent en âpres luttes internes.

Leur ambition n'est pas méprisable. Elle est au service d'un idéal et de l'Histoire. En tout cas, ils en sont sûrs et sont prêts à en payer le prix. Peu d'initiateurs, peu de téméraires des temps où rien n'était joué parviendront à la lumière, pour reprendre une image que les récits de résistants utilisent souvent. Mais le parcours du tunnel est de plus en plus tragique. Les derniers venus dans la lutte y arrivent au moment où, plus que jamais, on ne risque pas seulement la liberté, mais aussi la vie, ce qui devrait suffire, nous semble-t-il, à les regarder d'un œil un peu moins condescendant, s'il est vrai, comme on l'a souvent dit, que la sincérité des idées se juge aux risques que l'on prend pour elles.