D - LES ARTISANS DE LA LUTTE ARMÉE

 

Les FTP, inconnus jusqu'à l'Occupation, prennent une place de plus en plus considérable dans la geste résistante. Ce sont par excellence les combattants. Ce sont, par leur jeunesse, les meilleurs représentants de la génération de la Résistance. Ils symbolisent ce que la Résistance communiste veut être aux yeux des autres (partenaires et “ masses ”) : courageuse jusqu'à l'héroïsme et au sacrifice de la vie, désintéressée, révolutionnaire dans ses méthodes, unitaire dans ses principes, faisant fi des tractations politiciennes, exemplaire en un mot.

Émanation théorique du FN, les FTP sont, en fait, en beaucoup plus important, ce qu'était la JC (avec laquelle ils se confondent souvent) en 1940-41, l'aile marchante, qui est chargée de l'action audacieuse sous ses diverses formes (propagande, protection de l'action de masse) avec, en plus, la pratique de la lutte armée. Les FTP forment l'armée du Parti. Leur stratégie est la sienne et il tire, légitimement, le bénéfice politique de l'image de cette résistance généreuse qu'ils forgent, en mêlant diverses traditions anciennes ou plus récentes, politiques et pré-politiques, françaises et étrangères. Leur sacrifice fonde les batailles politiques qu'il mène au sein de la Résistance et les revendications qu'il soumet à ses partenaires en sont la traduction politique.

Nous avons déjà dit la confusion qui règne de fait, à la base, entre les “ politiques ” et les “ militaires ”, et de plus en plus avec le développement du recrutement. Mais on peut distinguer chez ces derniers trois catégories plus ou moins nettement définies. Il n'y a pas de barrière entre elles et les militants peuvent passer de l'une à l'autre. Les ponts sont multiples entre les “ légaux ” qui continuent de mener une vie “ normale ” et les hors-la-loi que la forêt (ou que la ville) accueille. Ceux-là alimentent, au propre comme au figuré, ceux-ci. Mais la différence de statut est claire. À ces deux groupes principaux, il faut ajouter des équipes plus réduites, plus secrètes, celles dont on ne répandra pas (ou moins) les exploits. Ce ne sont ni les moins importantes, ni les moins efficaces.

 

1 - Les groupes spéciaux

Nous regroupons donc sous cette rubrique des groupes marginaux. Non pas qu'ils soient hétérodoxes. Ils sont, au contraire, très liés aux appareils centraux. Mais ils se situent en marge de l'ensemble par nécessité. Bien que très cloisonnés et composés de nombreux étrangers, ils ne sont pas coupés de la base “ ordinaire ”, mais s'y greffent dessus et l'utilisent à l'occasion. Leur histoire, passée longtemps sous silence ou négligée, reste à faire. Encore faudrait-il que les acteurs le veuillent.

Cette dernière remarque vaut essentiellement pour le (ou les, on ne sait) service de renseignement.

 

a - A la recherche du renseignement

Tout militant de la nébuleuse communiste, qui le peut ou qui le veut, fait du renseignement. Il n'y a pas de différence, de ce point de vue, avec ce qui se passe ailleurs dans la Résistance. On trouve trace d'une activité de renseignement avant même l'Occupation. Mais elle ne prend de l'extension qu'avec la mise en place du service B des FTP qui paraît être le principal service de renseignement interne de l'organisation. Sur son activité, se greffe un (ou des) réseau tourné vers l'extérieur et qui se rattache au renseignement soviétique. C'est une branche de l' “ Orchestre rouge ”. Ce prolongement est donc tout à fait comparable aux réseaux qui alimentent en renseignements les Alliés anglo-saxons ou le BCRA et l'on sait qu'ils ne sont pas sans liens entre eux, par suite des accords qui ont commencé à se nouer en 1942.

Cette branche renseignement de la nébuleuse communiste pose les mêmes problèmes à l'historien que la plupart des autres réseaux. Que représente-t-elle ? Quelles sont ces caractéristiques ? Quelle est son efficacité ? Les interrogations sont plus nombreuses que les réponses que l'on peut apporter, d'autant que, nous l'avons déjà indiqué, le découpage départemental n'est pas adéquat pour le monde du renseignement. D'où quelques débordements géographiques dans les lignes qui suivent et qui n'ont pas d'autre ambition que d'essayer de rassembler les éléments disparates recueillis.

- La première remarque portera sur la chronologie. Ce service de renseignement n'a pas de spécificité sur ce plan. Il participe au développement de l'ensemble des réseaux. Il se met en place dans le deuxième semestre 1942, avec des membres de l'OS, mais il n'est vraiment organisé qu'au début 1943. C'est pendant ces quelques mois qu'il se construit de façon à la fois indépendante du reste de l'organisation par ses structures et ses “ permanents ”, mais greffé sur elle et dépendant de son développement, tandis que certains responsables FTP servent de passerelle entre les deux1.
- On sait que la région marseillaise (dont le Var) est une zone d'activité importante, où l'organisation se greffe sur les antennes de l'Internationale présentes avant-guerre. Fernand Pauriol, ancien journaliste à Rouge-Midi, est le responsable des émissions radio de l' “ Orchestre rouge ” jusqu'à son arrestation à Bordeaux le 13 août 19432. Plusieurs émetteurs fonctionnent, semble-t-il, entre Marseille, Aix-en-Provence et La Ciotat. Cette ville est une des bases du service B et de son extension extérieure, au moins à partir de février 1943, lui fournissant “ planques ” et hommes de confiance. Des émissions ont lieu dans son arrière-pays et dans celui du littoral varois proche. Une partie de la centrale du service BZ (c'est-à-dire de la zone Sud) est installée entre La Ciotat et Roquevaire où réside celui qui le dirige, Boris Guimpel. Replié en région marseillaise en 1941, un moment mineur à Gardanne, il a été recruté, fin 1942, par Thaddée Oppmann qui l'a mis alors en relation avec André Jacquot Latour, de l'état-major de zone du Parti, puis des FTP, que nous avons vu quelques mois avant l'Occupation chercher à entrer en relation avec les Anglais et les gaullistes sur la côte varoise et azuréenne3.
- Communistes étrangers et anciens des Brigades Internationales, passés par l'OS, forment l'ossature du service de transmission. La liaison par la Suisse passe par les communistes espagnols. Quant au PCI, son maître ès faux papiers est installé dans le plus grand isolement à La Ciotat4. Des militants de base des FTP-MOI sont chargés de mission de renseignement spécifiques concernant les troupes d'occupation.
- La masse des renseignements est recueillie par les FTP et transmise par leur hiérarchie au service B interne. Certains FTP remplissent des missions ponctuelles de renseignement, en particulier ceux qui travaillent sur ordre dans les entreprises allemandes du port de Toulon. Dans le Var, les premières indications que nous connaissons datent de mars 1943 et portent sur l'activité des troupes d'occupation italienne5. À partir de La Ciotat, le réseau dispose de boîtes aux lettres le long du littoral. En plus des siennes, il utilise, conformément aux accords conclus, celles d'autres réseaux, anglais ou américains, et peut-être du SR des MUR. À Toulon, l'agent chargé de relever les renseignements passe par deux boîtes, situées au centre ville, celle des FTP et celle “ de l'AS ” (sic)6. À notre avis, Jean Jérome minimise les contacts du service B et des services étrangers, en les présentant comme de petites opérations de troc (renseignements contre des armes) décevantes7. La continuité des contacts, commencés en 1942, poursuivis et renforcés en 1943, indique que les choses vont un peu plus loin. La presqu'île de Saint-Tropez reste l'un des lieux privilégiés pour l'observer. L'organisation locale du renseignement que Jean Despas a pris en main fournit régulièrement tant le service B que le réseau F2. Le contact est maintenu avec les gaullistes et agents des réseaux de Saint-Raphaël où la boîte aux lettres est toujours l'une des premières recrues de Ruelle en 1940, la marchande de journaux de la gare. Mais les contacts dont cette région est le cadre ne se limitent pas là et confirment les liens noués, au moins momentanément, avec le pôle de résistance formé par les giraudistes et les réseaux anglo-saxons8.

- Les contacts avec les services étrangers sont concrétisés en 1943 par la participation des hommes du service B aux opérations de liaison par sous-marin. À travers le groupe monté par Alphonse Dumay Bill et son adjoint Alex Delabre Max, se croisent l'OS et les GF des MUR des Bouches-du-Rhône (dont ils font toujours partie au début 1943), l'OSS, puis le SOE (Monk). Les Ciotadins et Marseillais, d'origine étrangère pour certains, de Dumay-Delabre fournissent à l'Américain Fred Brown ses équipes de protection, tant pour les premières opérations par sous-marin, à Ramatuelle, que pour les émissions d'Azur.

 À ce moment-là, les FTP de la région du golfe participent aussi à ces opérations. Ils ont aidé au repérage des lieux. Par la suite, pour des raisons que l'on ignore, peut-être tout simplement pour respecter le cloisonnement, ils ont l'ordre de ne plus prendre part à la protection du “ tube ”. C'est alors l'affaire exclusive des giraudistes. Cependant le FN assure toujours une partie du soutien logistique et obtiendra une place pour un émissaire chargé de réclamer des parachutages à Alger, en novembre 1943. Ce n'est certainement pas une décision du FN local.

Depuis le départ de Brown, au début mai, le groupe de La Ciotat, directement dirigé par Dumay, ne vient plus à Ramatuelle. Y a-t-il eu désaccord avec les Américains ? Ou, au contraire, ont-ils promis d'armer des maquis ? Est-ce un effet de la réorientation stratégique des FTP ? En tout cas, on ne peut que remarquer le repli partiel vers le maquis. Le groupe de La Ciotat va en créer un dans le Lubéron (à Grambois), maquis que l'on retrouvera dans le Var à la fin 1943. Le déplacement ne touche pas que ce groupe, mais aussi d'autres militants notoires9. C'est à partir du même moment que Dumay fournit au réseau Monk du SOE une équipe (FTP) de sabotage. Par contre, son adjoint, Delabre Max, continue dans le renseignement, à Marseille, en liaison avec le directeur du centre d'astronomie de Haute-Provence et avec des officiers anglo-saxons, jusqu'à son exécution, pour des raisons confuses, le 16 avril 194410. Il est alors remplacé à la tête du réseau par les frères Pierrangeli (Thunis et Sfax)11.

 

b - Les FTP-MOI

Les groupes qui nous intéressent ici sont des groupes spécifiquement MOI (ce qui n'empêche pas la présence de quelques Français en leur sein), dépendant de l'appareil militaire interrégional FTP-MOI, lui-même soumis aux directives de l'interrégion FTPF. Ce sont les détachements qui assurent l'essentiel de l'action armée jusqu'en juin 1943 et qui restent, ensuite, les spécialistes de la guérilla urbaine.

Entre Toulon et Nice, d'une part, et Marseille (occupée, elle, par les Allemands), d'autre part, la différence est nette. Dans cette ville, les FTP-MOI, formés et dirigés par Ilio Barontini, déclenchent dès le mois de novembre 1942, une série d'actions particulièrement audacieuses, comme Nice n'en connaîtra qu'après septembre 194312. L'occupation italienne ne constitue pas un facteur favorable au développement de l'activité militaire des FTP-MOI, en majorité italiens. À Toulon, aucune action ne peut leur être attribué de façon certaine avant avril 1943.
Sont-ils à l'origine des deux attaques d'officiers italiens enregistrées, à Toulon, fin décembre 1942 ? On ne peut l'affirmer, même si ce type d'action correspond à la “ ligne ” du PCI qui recommande de ne prendre pour cibles que les Chemises noires et les officiers13. Par contre, à partir d'avril, Toulon connaît plusieurs attentats sur le “ modèle ” marseillais, avec pour objectifs les lieux fréquentés par les troupes d'occupation. Le plus spectaculaire vise la brasserie La Paix, établissement de luxe, haut lieu du marché noir, sur le boulevard de Strasbourg, au centre ville. Il a été probablement commandité par le PCF qui a signé, quelques semaines auparavant, avec les MUR, un texte promettant de “ mettre un terme à cette situation intolérable ” (l'existence de tels lieux) par “ une action exemplaire et digne ”14. Cet attentat est très bien accueilli par la population15, mais l'arrestation de l'un de ses maîtres d'œuvre, Italo Nicoletto, le 17 juin, à Cagnes, clôt cette première phase de l'action immédiate à Toulon.
Hors de Toulon, les FTP-MOI se manifestent dans deux autres localités. L'action est modeste à Draguignan (un poteau d'une ligne à haute tension, coupé le 20 mars 1943) où l'on en est encore aux balbutiements. Le matériel et l'entraînement manquent, mais le groupe vient de faire une recrue importante, grâce à Sophie Zleyer, en la personne d'un commandant de l'armée républicaine espagnole, évadé d'un camp de travailleurs étrangers, Raphaël Garrido16. Plus actifs et plus précocement organisés, les jeunes communistes franco-italiens de Fréjus-Saint-Raphaël entrent en action, sous la direction de Roger Landini. Ils s'attaquent à la voie ferrée et, sans état d'âme, aux occupants italiens. La bombe qu'ils déposent à l'hôtel Bellevue, propriété d'un fasciste, où logent les officiers (qui donnent ce soir-là une réception) aurait pu faire de nombreuses victimes, si elle avait fonctionné17. L'intérêt de l'affaire vient aussi du fait que l'engin a été préparé chez le garagiste Gohman, gaulliste actif, ami de Leibovici. On est sans doute là devant l'une des traductions concrètes des accords passés entre Combat (ou un réseau) et le PCF. Le même groupe FTP-MOI a inscrit un succès important à son actif, quelques jours auparavant. Deux des siens sont allés faire sauter le treuil de la mine de bauxite de Pélicon, près de Brignoles, le 26 février. Ils ont été hébergés et guidés par Claude Vacca et d'autres mineurs, membres de la MOI (dont certains seront internés avec Vacca en représailles). C'est ce groupe qui fournit en explosif les FTP-MOI marseillais, le transport étant effectué par de jeunes femmes18. Ce sabotage montre, à la fois, comment joue la coordination régionale, mais aussi que les hommes de Fréjus-Saint-Raphaël sont parmi les seuls disponibles pour ce type d'opérations.

À leur modeste échelle, les FTP-MOI ont été, avec les GF des MUR, les initiateurs de l'action immédiate dans le Var. Leurs attentats correspondent encore à la période “ gauchiste ” de la stratégie communiste, celle de l'action par petits groupes.

 Au début de l'été 1943, commence la réorganisation des FTP-MOI et la réorientation de l'action. On peut se demander si la répression qui a partiellement affecté leur capacité “ militaire ” n'a pas poussé en ce sens. Le groupe de Fréjus-Saint-Raphaël a été précocement démantelé par l'OVRA ce qui a mis définitivement fin à l'activité militaire du secteur (et à la diffusion de la propagande)19.

Dans les petites villes, comme Draguignan, FTPF et FTP-MOI ne vont plus former désormais qu'un seul groupe, les étrangers servant de cadres et d'instructeurs aux jeunes Français qui les rejoignent dans les groupes “ légaux ”. Par contre, appuyés sur l'ensemble de l'organisation MOI, subsistent des groupes spécifiques, “ illégaux ”, pour assurer l'action armée dans les grandes villes. Ce sont, en quelque sorte, des “ maquis ” urbains. Leur existence et leur action font encore la spécificité de cette branche de l'organisation, avec peut-être la part qu'elle tient dans le renseignement.

Évidemment, le seul détachement varois de ce type est installé à Toulon. Il a été formé après la désertion, en août, d'un groupe de Bulgares qui travaillaient dans une exploitation forestière de La Roquebrussanne, dépendant du camp des Milles. Composé d'anciens d'Espagne, dirigé par Ivan Tenev Jean, ce groupe s'intègre aux FTP-MOI de Toulon20. Au total ce qui devient le détachement Sportif de la ville comprend une quinzaine d'hommes, Italiens et Bulgares surtout21. Isolé des FTPF varois, vivant en marge22, il agit en liaison avec les détachements similaires de Marseille et Nice (où certains Bulgares ont été envoyés). Il est le groupe d'action immédiate le plus important de la ville. Il assure cette tâche jusqu'au début juillet 1944. Nous avons pu lui attribuer au moins 24 attentats ou sabotages, visant la voie ferrée (vers La Garde), les lignes à haute tension (vers La Valette et les pentes du Faron) et, comme auparavant, les établissements fréquentés par les occupants23. Lorsque la situation se tend à Toulon, une partie du groupe part se cacher dans les fermes amies de la région des Arcs. On les repère en particulier fin avril-début mai 1944, aux quelques sabotages de voie ferrée opérés dans le secteur. Ces fermes servent de dépôts pour le matériel (armes et explosifs) dérobé à la SAP des environs de Claviers et obtenu par l'intermédiaire des FTP “ légaux ” - et composites - de la région dracénoise. Il a fallu monter des expéditions importantes et conjointes pour vider les caches SAP, en descendre le contenu à la gare (complice) de Claviers et se le répartir. Les jeunes communistes dracénois, chargés de conduire les FTP-MOI, ont été si impressionnés par ces vétérans que, du coup, ils les ont laissés partir avec plus de matériel que prévu à l'origine, d'où, un peu plus tard, les plaintes du CO de la compagnie locale des FTPF (lui-même issu de la MOI de Saint-Raphaël) auprès de sa hiérarchie24. C'est grâce à ce matériel que l'organisation varoise peut alors alimenter tous les détachements FTP-MOI de l'interrégion.
Dans la stratégie communiste, ces groupes de combattants étrangers, aguerris, aptes aux opérations les plus audacieuses, jouent un rôle clé dans le dispositif militaire de l'insurrection nationale. L'IN doit être avant tout une insurrection urbaine, or ils sont à la pointe de la lutte armée en ville et doivent s'y maintenir, malgré les conditions de plus en plus difficiles25. Il n'y a pas de groupes de rechange. C'est particulièrement vrai à Toulon où les départs de militants, par suite des évacuations, portent préjudice à l'organisation tout entière, et où les FTPF ne se réorganisent pas avant avril 1944.
Les seuls communistes étrangers qui, globalement, restent plutôt en marge et gardent leur autonomie sont les Espagnols. Ils sont peu présents dans la résistance locale (à quelques individus prêts, souvent immigrés, et non réfugiés). La direction du PCE (à Marseille) a ses propres liaisons, que l’on découvre par hasard, par exemple lorsque le chantier forestier du Pélenq éclate, après l'arrestation d'Ungemacht Bénédite, le 18 mai 1944. Il passe alors sous la direction de l'ORA, mais plusieurs bûcherons espagnols s'en vont avec une partie des armes parachutées et l'on s'aperçoit, par là, qu'intégrés au 14e Bataillon de guérilleros espagnols (à l'insu des responsables du chantier), ils partent participer à la Libération des Pyrénées26.

 

2 - Les “ légaux ”

Après les “ spécialistes ”, la “ piétaille ”, le gros des effectifs. Ce ne sont pas les FTP des images d'Epinal. Ils n'ont pas toujours une activité débordante. Pour ces militants ou sympathisants communistes, elle dépend beaucoup de la force et de l'initiative de l'organisation politique. Ils font ce qu'ils peuvent, limités par le manque d'armes ou de détermination. Ils essaient souvent de faire “ quelque chose ” et assurent, ce qui n'est pas rien, la logistique des maquis. Par suite des difficultés de recrutement déjà évoquées, la constitution des groupes “ légaux ” est lente et, en général, assez tardive.

Le troisième anniversaire de la Légion des Combattants, à l'extrême fin du mois d'août 1943, peut être considéré comme un test pour mesurer leur activité. En effet, un mot d'ordre d'action générale a été lancé à cette occasion et l'on peut supposer que tous les FTP ont eu à cœur d'y participer. D'ailleurs, certains se manifestent pour la première fois à cette occasion. Or, les actions recensées concernent d'abord les localités qui longent la voie ferrée entre Le Luc et Puget-Ville, où les maquisards des Maures sont descendus les réaliser, guidés et appuyés par les “ légaux ” de Carnoules, Gonfaron, Pignans et du Luc (où AS et FTP sont indifférenciés). À ce secteur, s'en ajoutent deux plus anciens, Draguignan-Le Muy (à majorité MOI)27 et Sainte-Maxime, ainsi que des groupes isolés et, à l'exception de Barjols, nouveaux (Salernes, Carcès). S'il n'y a rien ailleurs, on peut donc penser que les FTP ne sont pas encore constitués ou sont désorganisés (par exemple à Toulon).
En revanche, au printemps 1944, le panorama est différent28. Les groupes sont plus nombreux, et certains, irrigués par l'apport de la JC, sont remarquablement actifs. Entre temps, la stratégie a changé, l'organisation s'est ouverte, l'appareil s'est diversifié et, depuis la fin 1943, là où le PCF est structuré,  “ c'est allé rapidement. On a mis les bouchées doubles... ”, aux dires du jeune responsable des FTP de Flayosc (21 ans en 1944).
“ L'organisation du détachement a été rapide... Des collègues... Après, un le disait à l'autre, tu sais... le village, il faut... on dit bien, leur système de trois en trois, ça, c'était du vrai bidon ! On se connaissait tous. ”29

On mesure par là le changement, au moins dans cette partie du Var, la région dracénoise et l'Est-Varois où se forme alors la 2e Cie FTPF de Provence. Mais même les groupes de la région Toulon-La Seyne, enfin remise sur pied, reprennent vie, et, dans le Centre-Var, le canton de Besse et le bassin minier (avec Brignoles et Tourves) sont organisés et parfois actifs. Par ailleurs, l'ouest des Maures (Collobrières, La Londe, Hyères) prolonge les initiatives du golfe de Saint-Tropez.

 On se rend compte des progrès accomplis entre les deux dates. Mais cette évolution est un premier facteur de diversité. Il en est un autre qui tient à l'action elle-même, car, s'ils ont le même modèle, les “ groupes légaux ” n'en sont pas moins taillés dans des bois différents. Les uns se manifestent surtout par la diffusion de la propagande, d'autres, par la récupération de vivres et de matériel pour le maquis. Quelques-uns sont intégrés à la réception des parachutages SAP. Certains n'ont guère plus d'activité que les groupes de l'AS (et s'y confondent parfois) et leur “ attentisme ” reflète celui de l'organisation locale du Parti. Sauf exception, la plupart n'entreprennent pas d'action immédiate avant le printemps 1944. Il faut donc se pencher sur cette géographie diversifiée.

Il y a les pionniers. Ce sont les groupes, ou plutôt les quelques militants touchés par l'OS qui opèrent les premiers attentats, parallèlement à ceux des FTP-MOI et qui, parfois comme à Toulon et sur la côte, les ont commencés juste avant l'Occupation. Leur action n'a pas été toujours poursuivie, ainsi à Toulon où les quelques triangles FTP - qui se distinguent désormais des GF des MUR - ne participent plus qu'épisodiquement à l'action immédiate sous l'occupation italienne et s'orientent vers l'action politique et la propagande, peut-être parce qu'il y a partage du travail avec la MOI. Ailleurs, les actions ont été le fait de militants isolés, mais très déterminés et prêts à répondre aux sollicitations de l'organisation. Louis Michel Le Brûlé est seul pour faire sauter l'usine de L'Air Liquide de La Seyne, le 16 décembre 194230. Bardin, à Barjols, réalise deux sabotages de la voie ferrée, en mars et mai 1943, tout seul (car ses camarades ne sont pas chauds) ou avec sa femme31. Le secteur du golfe de Saint-Tropez est un peu mieux pourvu en militants avec Alix Macario Bienvenu (Brigades Internationales, OS) à Cogolin, Jean Guillerme Le Guern, créateur des FTP à Saint-Tropez en mars 1943, les frères Battaglia et leurs camarades de Sainte-Maxime, en liaison avec les Landini de Saint-Raphaël. Les premiers sabotages par explosifs (venant généralement des carrières) recensés au fond du golfe ont lieu les 23 février (ligne téléphonique italienne, à La Foux) et le 15 mars 1943 (transformateur électrique de Saint-Pons-les-Mûres qui alimente l'usine de torpilles) et les actions ne se limitent pas à ce seul secteur32.

Mais l'organisation régionale FTP reste à construire. C'est ce à quoi s'attache Henri Faurite lorsqu'il arrive fin avril 1943. Cette organisation se met vraiment en place dans le courant du deuxième semestre avec la formation de trois sous-secteurs et des compagnies. Mais c'est un cadre qui, bien souvent, reste à remplir.

- Le sous-secteur le plus actif est le 1er, celui du littoral des Maures. Le relevé des actions (FTPF seulement), établi par le COR Vautrin Brunet, à partir du 28 janvier 1944, est formel. Près de la moitié (22) des actions réalisées dans le département sont effectuées dans ce sous-secteur, la plupart entre Sainte-Maxime et Saint-Tropez33. Les FTP, créés dès mars 1943, se sont peu à peu étendus à toutes les localités, appuyés sur la force unitaire que représente le Front national. Si le renseignement est le fait de Jean Despas, l'action militaire est dirigée par Guillerme (jusqu'à son départ, après le 26 novembre), puis par Marko Celebonovitch, officier de réserve, toujours assisté de Macario de Cogolin, et de Thomas Darnac (un ancien d'Espagne, lui aussi) de Sainte-Maxime. Ces hommes servent de support au maquis des Maures où se trouvent plusieurs de leurs amis très proches. Ils participent, par moments, à la protection des liaisons par sous-marin et peuvent obtenir que l'un d'eux, Jacques Israël, puisse partir à Alger demander des armes pour le FN34. Par l'intermédiaire d'Arméniens de la MOI, le contact est établi avec les unités allogènes des environs. Actifs sans enregistrer de pertes, les FTP sont présents dans tous les domaines de la Résistance, à l'instar du FN.
Forts de cette supériorité, sous l'impulsion de Despas, ils créent, au début 1944, une unité militaire plus large, calquée sur l'organisation de l'AS et baptisée Troupes choc et assaut (TAC), puis Brigade des Maures35. Elle fusionne tous les groupes. On peut considérer qu'elle est vraiment sur pied en mai 1944, au moment où le SD de Draguignan parvient à saisir son fichier, heureusement codé36. Despas fait changer les matricules et parvient à sauvegarder une organisation assez classiquement militaire. La Brigade s'étend de Sainte-Maxime au Lavandou. Elle est divisée en quatre secteurs (Suffren : Saint-Tropez et environs, Liautey : Sainte-Maxime, Leclerc : Grimaud-Le Plan-de-la-Tour, Guynemer : Cavalaire-Cogolin). Bien que son commandement effectif soit exercé par Despas et Celebonovitch, il faut un chef en titre qui n'apparaisse pas comme trop lié au FTP L'écrivain Paul Vialar s'étant récusé parce qu'il ne s'estime pas compétent sur le plan militaire, Marc Rainaud, gaulliste, proche des MUR, officier de réserve, est nommé à sa tête37.
Un relevé, établi après-guerre, pour les seules localités de Saint-Tropez et Ramatuelle donne cependant une idée de sa composition : 61 FTPF, 32 AS, 59 Milices Patriotiques, 14 Anciens combattants, 6 FUJ et 45 membres des “ services spéciaux ” (où l'on trouve nombre de FN, FTP et communistes)38. Les communistes ou sympathisants dominent donc nettement.
Les deux ailes du sous-secteur posent quelques problèmes. L'action militaire a disparu du côté de Saint-Raphaël après les arrestations du printemps 1943 et, à Hyères, la situation est l'inverse de celle du golfe, avec une AS dominante, englobant les communistes, dès 1943. Sans doute, cette situation qui n'aliène pas l'autonomie des FTP n'est-elle pas jugée satisfaisante, car Eugène Berre Santos, l'un des membres du triangle communiste local versé aux FTP, entreprend de passer à l'action immédiate au début 1944, mais son arrestation par les Allemands met fin à cette tentative39.
- Le 3e sous-secteur couvre la région toulonnaise. Cette zone a été relancée dès l'arrivée de Faurite. Mais Paul Repetto Daniel Dieppe, son CE, ne dénombre qu'une dizaine de FTP en juillet et constate, lui qui a été “ polo ” dans l'arsenal, qu'il est plus facile de recruter des “ politiques ” que des “ militaires ”40. L'action reprend à la fin de l'été, avec les anciens, ceux des premiers triangles de l'automne précédent (Bouchard, Cozzano, Fillon, Pierre Valérie), mais les attentats les plus spectaculaires - l'un vise L'Empire, un dancing du centre ville et l'autre, un dépôt de munitions italien à Sainte-Anne d'Evenos - n'ont pas le résultat escompté41. Puis le groupe perd progressivement des éléments. Dans un premier temps, ils partent au maquis ou sont mutés ailleurs. Ils suivent ensuite le mouvement des évacuations, alors que l'action de masse mobilise l'essentiel des énergies.

Le sous-secteur ne se relève qu'en avril 1944, lorsque Jean Castel (qui prend précisément le pseudonyme d'Avril) est désigné pour le diriger. Avec l'aide des chefs régionaux (Vautrin et Paulet), il essaie de monter des détachements dans une ville qui se vide de plus en plus, ainsi que dans les bourgades alentour (Solliès-Pont, en particulier). Tâche difficile. En juin, en pleine offensive résistante, Vautrin indique encore que ce sous-secteur est toujours “ en complète réorganisation pour ne pas dire constitution ”42. Mais, aux difficultés générales, s'en ajoutent d'autres qui tiennent à l'organisation, puisque, quelques jours avant le constat de Vautrin, le CER signale :

“ Le P. (Parti) n'a pas encore désigné de recruteur et, depuis quatre mois, n'a pas fourni le contact avec les administrations (SNCF, PTT, tram, marins-pompiers, employés municipaux). ”43

À La Seyne, une action d'importance est menée entre le 28 janvier et le 6 juin - le sabotage d'un escorteur de 600 tonnes, le 3 mai - mais, c'est la seule. La peur subsiste44. Les quatre actions recensées à Toulon sont réalisées par Castel et Vautrin eux-mêmes, ce dont l'interrégion s'inquiète. Elle interdit à Vautrin de mettre ainsi la main à la pâte.

Toulon constitue une pierre d'achoppement entre le Parti et les FTP sur un autre plan. La faiblesse des effectifs, la difficulté de continuer à vivre dans cette ville, le danger que les responsables encourent en y restant conduisent l'interrégion FTPF à la considérer comme sacrifiée et à autoriser le transfert de la direction régionale (le CMR) vers l'intérieur du département. Or le Parti s'y oppose. Tactiquement justifié, ce repli n'est pas conforme à la stratégie de l'insurrection urbaine qui a la priorité.

- La situation du 2e sous-secteur qui couvre le nord et le centre du département est variable, à l'image de celle du Parti. Le quart nord-ouest (de Carnoules-Le Luc à Vinon) est peu actif et tardivement organisé. Il n'y a pas de FTP là où l'AS existe déjà. Ceux de Carnoules, créés en août 1943, tentent de fonder un groupe dans le village voisin de Puget-Ville, mais l'ancien maire, Ravel, et son fils étant déjà en cheville avec l'AS et des officiers de l'armée d'armistice, le projet est abandonné45. Même à Barjols, l'organisation FTP ne date vraiment que de décembre 1943. L'essentiel de l'activité est tourné vers la récupération d'armes. Vers février ou mars 1944, les jeunes Barjolais vont, de nuit, à une quinzaine, subtiliser 32 mitraillettes Sten et des munitions que le SOE a parachutées en septembre 1943, à Brue-Auriac46. Les FTP de Carcès viendront également en prendre47. La complicité de communistes qui ont participé aux parachutages de la SAP de Brignoles permet à ceux de Tourves et du Luc (FTP-AS) de constituer un petit dépôt. Les Lucois ont entreposé les armes au cimetière du Cannet-des-Maures. La Milice s'en saisira le 26 juin (22 mitraillettes, 4 000 cartouches, 5 fusils américains, 40 kilos de dynamite, etc.)48.

On a déjà dit combien est artificielle l'appartenance à un mouvement dans cette région où l'unité communale est la règle. Tous les groupes viennent plus ou moins en aide aux détachements de la 1e Compagnie FTPF de Provence, venus s'y replier fin 1943.

Ceci étant, le COR ne relève aucune action immédiate de la part de ces “ légaux ” qui ont donc la même attitude que les groupes AS-SAP-ORA, même à Barjols ou à Carnoules (où l'on a beaucoup aidé le maquis dans ses actions en août, mais où toute action violente cesse à son départ). Seul le détachement Bara fait exception. Ce groupe est formé, dans le courant de 1944, par quelques FTP du canton de Besse. Il aurait réalisé 15 actions, essentiellement contre les installations minières du bassin de bauxite voisin. Mais nous employons le conditionnel parce que l'on n'en trouve aucune confirmation dans les sources officielles disponibles (administratives ou policière). Nous savons cependant qu'il y a à Flassans, Pignans ou Besse des hommes capables de les avoir réalisées, à commencer par Victor Chabert Jansaud. Responsable militaire du sous-secteur, cet ancien navigateur qui a une longue expérience de militant baroudeur fait preuve de beaucoup de cran. Entre autres exploits, on l'a vu subtiliser une serviette, contenant des documents apparemment importants, qu'un officier allemand avait imprudemment laissée, un moment, dans sa voiture, au Cannet-des-Maures49. Chabert a recruté, à Flassans où il habite, le seul officier de carrière que l'on va trouver aux FTP, le lieutenant des troupes coloniales, Jean Boudoube Leroy. Repéré par lui parce qu'il disait “ ouvertement ce que beaucoup pensaient tout bas ”, il est venu aux FTP “ comme ça, comme (il aurait) pu rentrer à l'AS, comme (il aurait) pu rentrer n'importe où ”, par réflexe patriotique50. On peut supposer que les actions réalisées alors dans les environs doivent beaucoup à ses connaissances techniques.
Le quart nord-est du département montre beaucoup plus d'activité. C'est là que le versement de la JC aux FTP a porté le plus de fruits (fin 1943-début 194451). Dirigés par Chabert, ces groupes sont encadrés par des hommes d'expérience, Garrido Joseph Mistral qui en fait l'instruction militaire, Marrucci Paul Louis qui participait aux FTP-MOI de Saint-Raphaël, Eugène Paolino Emile, CE, l'un des hommes de confiance de Pajetta en 1941, ou par de jeunes chefs de file, pleins d'ascendant sur leurs camarades, comme Martin Biaggini Paul Joseph à Aups. Attentats et sabotages sont encore peu nombreux, huit au total (dont six par le détachement Robespierre de Draguignan), mais les jeunes FTP s'aguerrissent en distribuant les tracts et en participant au transport d'armes. L'ensemble constitue la 2e Cie FTPF de Provence sous la responsabilité militaire (CO) de Garrido, assisté de Félix Jourdan, CE du sous-secteur. Comme dans la région de Brignoles, les groupes de l'Est-Varois participent à la collecte des armes parachutées, bien qu'il n'ait pas été facile d'obtenir des groupes SAP des environs, composés de nombreux communistes, l'emplacement des dépôts, du moins avant qu'un accord local ne soit réalisé52.
Un peu plus d'armes qu'ailleurs, un recrutement de jeunes résolus, un encadrement volontaire, des groupes “ légaux ” assez nombreux et un tissu de complicités assez serré constituent autant de conditions favorables à la préparation de maquis. C'est ce à quoi l'on s'emploie tant du côté d'Aups-Ampus, que du côté de Claviers, avec François Manzone Romain Rolland. Celui-ci qui est plutôt en contact avec la Résistance niçoise organise un premier camp, quartier Sainte-Hélène, au début du mois de mai53. Ce sont ces conditions qui expliquent le développement, assez spectaculaire, des maquis et de l'action après le 6 juin.

Malgré les inégalités et les faiblesses constatées, le bilan général de l'action des groupes “ légaux ” que l'on peut dresser à partir du relevé effectué par le COR n'est pas négligeable. Sur les 50 actions réalisées jusqu'au 6 juin, les 37 sabotages ont détruit ou endommagé 13 camions ou véhicules automobiles de la Todt, 15 wagons et quatre locomotives, six tronçons de voie ferrée, trois ateliers, trois transformateurs, neuf pylônes à haute tension, sept postes à fumigène, trois excaveuses pour l'extraction du sable, un escorteur et trois engins divers (bétonneuse, treuil, moteur). S'y ajoutent cinq “ récupérations ” (ou tentatives de “ récupérations ”) de tickets de ravitaillement, trois exécutions de collaborateurs indiscutablement dangereux et cinq récupérations d'armes (six mitraillettes, six grenades, un revolver et des explosifs). Le tout a été fait avec des pertes très réduites (une seule arrestation à notre connaissance). Autrement dit, les FTP arrivent au 6 juin avec un potentiel militant en plein développement et psychologiquement prêts à participer à l'action. Il ne manque alors que la première génération maquisarde, celle qui a fourni le plus d'efforts et de sacrifices, mais qui n'a pas pu se maintenir dans le Var. Cependant le relève est prête pour former de nouveaux maquis.

 

3 - Les pionniers du maquis

 La plus grande partie de l'action armée est assurée par les maquisards. Ce sont les guérilleros par excellence. Mais l'on ne peut oublier que leur existence dépend étroitement des “ légaux ”, organisés ou non dans les FTP. Ces obscurs assurent leur survie. Ce sont des femmes qui pourvoient aux liaisons, à l'hébergement, aux soins, des facteurs et des gendarmes qui renseignent, des secrétaires de mairie et des instituteurs qui fournissent les papiers nécessaires, des commerçants (boulangers en particulier), des paysans et des bûcherons qui abritent ou ravitaillent. Toutes ces catégories sont peu présentes en tant que telles dans le maquis, mais leur absence n'est qu'apparente. Elles en forment la couche périphérique et, pour tout dire la strate protectrice54.

Le Var a une place particulière dans l'histoire des maquis FTP de la région provençale, puisqu'il a vu naître la 1e compagnie FTPF de Provence. Ce groupement, l'un des plus importants de la région, sinon le plus important, est le prototype des maquis de la première génération, celle de 1943, celle qui se situe à l'avant-garde de la lutte armée.

 

a - Naissance du maquis des Maures

Ce maquis est née à la fin février 1943 dans les bois de Sainte-Maxime, après avoir été préparé depuis plusieurs semaines par les hommes qui, depuis l'été 1942, essaient d'organiser la lutte armée autour du golfe de Saint-Tropez. Cette création coïncide avec celle des groupes “ légaux ” et avec l'apparition des premiers tracts appelant à rejoindre les FTP55. Elle est parallèle à celle de maquis identiques dans le Lubéron. Ce massif et les Maures sont les deux zones pionnières des maquis FTP provençaux56.

La création d'un maquis dans les Maures doit beaucoup à l'initiative locale, nous le verrons. Elle n'est cependant pas spontanée. L'interrégion (et la zone) a certainement donné l'ordre de le créer dans ce secteur au moment où l'on croit à la proximité d'une action à partir de l'Afrique du Nord et où des liens sont noués sur la côte entre communistes et services alliés (et giraudistes). La position stratégique des Maures justifiera le maintien du maquis dans le massif le plus longtemps possible, jusqu'à ce que la sécurité l'oblige à se disperser et se déplacer.

Ceci étant dit, créé par les groupes de communistes de la région tropézienne, le maquis est tenu par eux à bout de bras, au prix d'efforts considérables. Il rassemble des jeunes gens du secteur sous la responsabilité de deux garçons déterminés, Marcel Battaglia Vaillant, de Sainte-Maxime, et de Paul Rossi Popaul, FTP à Argenteuil en 1942, recherché par les Allemands et qui est venu à se cacher dans la région57. Les filières de l'organisation commencent à acheminer vers Sainte-Maxime des recrues de Nice, Draguignan, Toulon ou de la région marseillaise. Lorsque Félix Diana Lilou, un jeune Seynois, ouvrier de la Pyrotechnie, déjà à l'OS, arrive au maquis - c'est le 10 mars, il n'a pas attendu sa convocation au STO - il trouve cinq maquisards, démunis de tout, cachés au quartier de la Vieille Mère, peu armés, péniblement ravitaillés par des “ légaux ” qui ne ménagent pas leur peine58. Deux jours auparavant, le maquis a été contraint de voler une bâche du PLM59. Il y a très peu à manger et pas de matériel. C'est en constatant cette pénurie que les deux réfractaires envoyés par l'AS de Draguignan décident de repartir. Certaines recrues ne “ tiennent ” pas et sont obligées de redescendre.
La première véritable action des maquisards prend pour cible la mairie de Gassin. Réalisée dans la nuit du 29 mars, elle aboutit à la récupération de deux fusils de chasse, d'une machine à écrire, d'œufs, de cartes textile, etc. Pour ne pas être confondus avec de vulgaires voleurs, ils ont pris soin d'inscrire : “ A bas les Boches, les patriotes mangerons et combattrons (sic) jusqu'à la victoire, vive la France.60 ”

Malgré ce dénuement qui a laissé de profonds souvenirs, le maquis s'étoffe peu à peu. Les nouveaux arrivants sont réceptionnés aux gares de Sainte-Maxime puis de La Nartelle. Ils doivent respecter tout un rituel, celui du “ passe ” :

“ À ma descente de la micheline, je dois siffloter l'air de “ ma blonde ”. Je dois tenir une ficelle à la main. Un camarade doit m'attendre en sifflotant le même air. Il doit avoir aussi la ficelle. En lui demandant l'heure, il doit me répondre : il est minuit. ”61

L'épreuve réussie, ils sont convoyés jusqu'à la ferme d'Aimé et Anna Casu (L'Américaine) qui sert de plaque tournante, d'infirmerie, de boîte aux lettres, de centre de (maigre) ravitaillement, qui inaugure donc ce que tant d'autres fermiers vont faire après eux. Casu est un des militants communistes responsables de Sainte-Maxime.

Une “ récupération ” d'ustensiles de cuisine dans un cabanon attire l'attention des gendarmes du Muy qui découvrent le camp, alors transporté au Fournel (commune de Roquebrune). Ayant avisé le commandant de la section de Fréjus, celui-ci décide aussitôt de s'illustrer par une action de force. Le camp est investi, le 4 mai au soir. Dix maquisards sont arrêtés, mais six autres peuvent s'échapper grâce à l'obscurité, malgré le déploiement de GMR appelés en renfort. Quelques armes sont saisies, hétérogènes et dérisoires62.

Les rescapés (avec Battaglia, Rossi, Diana), cachés un moment par Casu, vont rejoindre le versant nord des Maures où un autre camp s'est constitué autour de l'ancien responsable de la CGT toulonnaise, Jean Bertolino Jean Bellon qui fait du charbon de bois. Il est d'abord en contact avec l'AS de Toulon qui a commencé à lui envoyer des réfractaires. Mais, par l'intermédiaire de communistes de Gonfaron qui travaillent à la mine de Saint-Daumas, proche de l'endroit où il se cache, Bertolino a pu renouer avec le PCF avec lequel il est coupé depuis 1940. Mis par là en relation avec Faurite, le responsable régional FTP qui vient d'arriver, il intègre cette organisation. Le camp de Cargues (commune des Mayons) sera FTP Bertolino en sera le chef militaire et c'est là que les rescapés de Roquebrune sont envoyés63.

 

b - Le camp Faïta (mai-automne 1943)

Le nouveau camp prend le nom du communiste marseillais Vincent Faïta qui vient d'être guillotiné à Nîmes, le 22 avril. Le triangle de direction du camp est formé par Bertolino, le CO, Courros, “ technique ” et un communiste niçois, arrivé dans le courant du mois de mai, Emile Gaffino Michel Raspail, ancien de Combat, puis FTP “ légal ”, menacé d'arrestation.

Ce type de maquis FTP ne correspond pas à l'image classique du maquis de réfractaires. Certes les réfractaires forment la majorité des recrues. Mais la plupart, surtout avant la mobilisation de la classe 42, sont de jeunes communistes ou sympathisants déterminés à participer à la lutte armée comme Diana, Battaglia, Rossi, Pierre Valcelli de Salernes. Paul Louis Jules Bonaventure, Jules de Bormes nous paraît assez représentatif de cette première fournée de maquisards. Nous l'avons déjà rencontré, en 1941, faisant le coup de poing contre le PPF ou tirant des papillons. Un de ses compagnons de captivité, aux Baumettes, en a fait un portrait que ne désavoueraient pas ses compagnons de lutte qui nous l'ont cité en exemple. Le portrait est d'autant plus véridique et émouvant qu'il est tracé juste après la Libération par un conseiller général radical-socialiste du Vaucluse, sans savoir que le garçon qu'il décrit si acharné à vouloir triompher de l'adversité est en train de mourir on ne sait dans quel camp de déportation :

“ On l'a frappé, on a essayé de le faire parler, mais il n'a rien dévoilé et a gardé le silence sur les choses essentielles. En parlant il a un joli sourire ; sa physionomie exprime à la fois la douceur et la fermeté ; il représente le type parfait du communiste courageux, qui, animé d'une foi ardente, saura défendre son idéal jusqu'à la mort. Il nous affirme que s'il doit être fusillé il saura mourir sans faiblesse et sans que son visage ait le moindre tressaillement, en criant : “ A bas Hitler ! A bas l'Allemagne ! Vive le France ! ”.
Je ne suis pas communiste, mais je ne puis m'empêcher d'admirer le courage tranquille de ces jeunes héros dont le patriotisme, même conditionné par la réalisation de leurs buts politiques, est un exemple à donner à tous ceux dont la défaillance morale, en France, a permis à l'ennemi d'imposer sa domination. Il m'est arrivé parfois de choquer mon jeune ami Paul Louis lorsque je lui affirmais mon patriotisme sans limites et mon désir de servir la France, quel que soit le régime qui la gouverne. Je voyais alors son joli et jeune sourire s'effacer brusquement ; il arpentait la cellule d'un air farouche. ”64

 Les pionniers, “ vieux ” - les plus de 30 ans - comme Gaffino ou Bertolino, contraints à la clandestinité (évadés de camps ou résistants menacés) et jeunes, forment un noyau “ dur ”, politiquement motivé, celui d'où sortiront les futurs cadres de l'appareil FTP ou des maquis de 1944. À cette strate fondatrice et dirigeante, s'agglomère celle, classique dans l'histoire du banditisme social, des “ déserteurs ”65. Ce sont là les réfractaires au STO, mus par le seul souci d'y échapper, moins “ solides ” que les précédents (mais pouvant le devenir), venus au maquis par relations familiales ou amicales, non cooptés par l'organisation. Certains d'entre eux décrocheront.
Le rôle du CE est politique et psychologique. Il doit réaliser l'unité idéologique du groupe et faire cohabiter les divers éléments66. On découvrira dans le camp deux des “ Bibles ” du mouvement communiste : l'Histoire du P.C.(b) de l'URSS (édition de 1939) et l'ABC du communisme de Boukharine et Préobajensky (édition de 1923)67. Mais l'unité est surtout réalisée autour de la personnalité du chef incontestable, Jean le charbonnier, comme on l'appelle affectueusement. Admiré par les jeunes, Bertolino impose son autorité68. On lui obéit sans discuter, ce qui est un résultat assez remarquable, compte tenu des individualités affirmées qu'il y a, de la pénurie qui règne et du nombre de maquisards.
Ils sont plusieurs dizaines au début de l'été69. La survie n'est possible que grâce au réseau de solidarité que la présence du maquis a permis de développer et qui couvre, non seulement les localités du golfe de Saint-Tropez, mais aussi celles des Maures (Les Mayons, La Garde-Freinet et Collobrières) et de la plaine (Le Cannet-des-Maures, Le Luc, Gonfaron, Pignans, Carnoules). Dans ces communes, l'irruption du maquis a fait prendre un autre visage à la Résistance, phénomène que l'on trouvera tout au long de ses déplacements.
Le temps de l'action véritable commence avec l'été, malgré un matériel rudimentaire, “ bricolé ” par les artificiers du maquis (explosif des mines, cheddite en particulier, tassé dans des récipients de fortune qui n'explosent pas toujours). L'aire d'activité s'étend au pourtour immédiat du massif, mais, parfois, certaines missions (elles se font en grande partie à pied) durent plusieurs jours et mènent leurs auteurs jusque dans les Bouches-du-Rhône (Marseille, Meyrargues par exemple). La voie ferrée Toulon-Nice est la cible principale, avec les installations minières. Le sabotage du pont tournant et de plusieurs locomotives de la gare de Carnoules, dans la nuit du 4 juillet, a les honneurs du communiqué de la BBC70. Dans le même dépôt, avec les mêmes complicités, un sabotage encore plus important a lieu le 25 août dans la nuit (six locomotives endommagées sur les sept sabotées). Le maquis assure une grande partie de la réussite des “ nuits bleues ” de la fin août, marquées par une dizaine de sabotages sur la voie ferrée (28-30 août). Pour assurer leur ravitaillement et leur financement, ainsi que celui des appareils clandestins, il effectue des “ récupérations ” de tickets de ravitaillement dans les mairies, les jours de distribution, à la fin de chaque mois. Les tickets sont ensuite écoulés par des familles amies, en plus de ceux que l'on laisse aux commerçants ravitailleurs. Les récupérations de vivres ou d'argent sont plus rares. Les vols sont interdits. Les commerçants sont régulièrement payés71.
Le camp vit dans une relative impunité. Les troupes italiennes, en pleine ébullition, ne se hasardent pas à l'attaquer. Elles auraient tenté de le déloger en mettant le feu au massif à la mi-juillet72. Accidentel ou non, cet incendie renforce la conviction des responsables sur la nécessité de “ décentraliser ” le camp, devenu trop gros. Faurite, accompagné d'Albin Bandini Liban, de Marseille, se consacre à la recherche de lieux de dispersion dans le Haut-Var. Un premier détachement serait parti durant l'été du côté de Figanières avec Bandini73. Un autre détachement, le camp Robert, dirigé par Gabriel Pica, de Nice, est repéré, en août, à Saint-Martin-de-Pallières, loin des Maures donc. Dénoncé par le maire, royaliste, chef légionnaire important, il peut échapper aux GMR, le 12 août74 et s'installe, à côté, à Brue-Auriac où il fusionne avec un groupe “ volant ” pour former le détachement Saint-Just qui va y stationner de longs mois.
La débâcle italienne du 9 septembre constitue une étape marquante de l'histoire du maquis. C'est d'abord grâce à elle qu'il est à peu près armé grâce à tout ce que les résistants de la région peuvent récupérer et porter aux fermes relais de Gonfaron ou du Luc75. En même temps, selon les consignes reçues, maquisards et “ légaux ” tentent de faire monter au maquis des soldats italiens en fuite76 qui viennent gonfler la strate des “ déserteurs ”. Les effectifs du maquis passent à près de deux cents hommes, dispersés entre La Garde-Freinet et Gonfaron. La plupart ne restent que quelques jours et essaient de gagner l'Italie ou bien se cachent dans des fermes, mais il en reste plusieurs dizaines qui participeront au combat jusqu'au bout et y laisseront parfois la vie77. Cette concentration, ces mouvements ne peuvent qu'attirer l'attention, d'autant que les actions gagnent en audace et que l'occupation allemande paraît stimuler le zèle répressif de certains gendarmes français. Le 26 septembre, ceux du Luc interceptent trois maquisards, à la suite d'une “ récupération ” de tickets au Thoronet, mais les trois hommes sont libérés par leurs camarades, quelques kilomètres plus loin. C'est le prétexte à une vaste action, préparée en fait depuis plusieurs jours, menée par les gendarmes et les GMR du Var et des Bouches-du-Rhône, sous la direction de l'intendant de police. Entre le 27 et le 4 octobre, le massif des Maures, entre Les Mayons, Grimaud et Collobrières, est investi (autant qu'il se peut)78. L'opération est vaine. La population ne dit rien. L'affrontement peut être évité. Le camp principal, à Cargues, est occupé par les gendarmes, mais le maquis peut se replier dans la nuit. Il se regroupe, au sud, sur un autre chaînon, à l'emplacement de la Chartreuse de La Verne où il stationne jusque vers le 8 octobre. De nombreux soldats italiens partent à ce moment-là. L'évasion de deux soldats allemands, faits prisonniers deux jours auparavant contraint à un autre déplacement, cette fois-ci, à nouveau sur la face nord, sur les pentes de Notre-Dame-des-Anges, au-dessus de Gonfaron79. Il est clair désormais qu'il faut accélérer la réorganisation commencée durant l'été.

 

c - La 1e Compagnie FTPF de Provence

L'automne connaît donc d'importants changements. Ils sont propres au camp, mais ils s'inscrivent aussi dans une réorientation d'ensemble des FTPF. de Provence, qui va conduire au regroupement des maquis vers les Alpes-du-Sud. Il n'est pas sûr qu'il y ait un plan stratégique préconçu pour orchestrer les mouvements que l'interrégion connaît. L'hypothèse la plus plausible est que l'on agit sous la pression des circonstances et qu'il faut bien évacuer les emplacements dangereux et se replier dans les zones montagneuses, loin des villes, mais, on l'espère, plus à l'abri. La priorité est de préserver le potentiel que le maquis représente.

Le camp Faïta est devenu un réservoir de cadres et ses maquisards commencent à être ventilés dans toute la région, en particulier dans les groupes urbains (à Marseille) qui ont besoin de sang neuf, alors que des “ légaux ” (de Toulon ou de Marseille) sont mutés au maquis. C'est une période de chassés-croisés entre les départements et les villes. L'histoire du maquis échappe elle aussi au cadre départemental. C'est un autre témoignage de l'importance du niveau de commandement régional (au sens premier du terme) dans la Résistance.

Le camp central se divise en octobre en plusieurs détachements. Un groupe d'Italiens stationne dans la forêt du Dom (Bormes-Le Lavandou). Mais l'ensemble glisse hors des Maures, vers le centre du département entre octobre et décembre 1943. Santerre circule entre Vidauban et Le Thoronet, puis s'installe à Flassans, où le rejoint l'un des chefs OS de Marseille, Lucien Beau qui en prendra un peu après le commandement. Guy Môquet part au nord de Toulon, avec le projet de prendre le cas échéant le fort désaffecté du Coudon qui domine le port, avant de s'établir près du Beausset. Le maquis de Grambois (Lubéron), formé par les Ciotadins, rejoint Saint-Just à Brue-Auriac, après avoir été attaqué par les Italiens80. Pendant ce temps, Bandini (en octobre, comme COR), puis Gaffino (en novembre) sont envoyés dans les Alpes-de-Haute-Provence pour préparer le repli des maquis. Le camp Faïta devient la 1e Compagnie FTPF de Provence. La réorganisation du dispositif est dirigée par le triangle interrégional dont Faurite fait désormais partie. Il a fait “ monter ” Bertolino à l'interrégion pour préparer et superviser le mouvement des maquis. Accompagné de l'un de ses compagnons des premiers temps, Victor Labise, celui-ci sillonne les départements cherchant des fermes isolées où ses hommes pourront passer l'hiver, un hiver qui s'annonce périlleux.
En effet, le camp principal s'est transporté aux environs de Saint-Maximin. Santerre, composé de 22 hommes, est venu le rejoindre (en partie de jour pour montrer à la population que le maquis existe) et stationne près des glacières de Mazaugues, sur le versant nord de la Sainte-Baume81. L'aide fournie par les villages de ce secteur où les FTP “ légaux ” sont inexistants est considérable, en particulier à Brue-Auriac (groupe AS de Chabaud), Saint-Maximin (avec Paul Bertin, communiste et responsable AS) et Pourcieux (avec le maire SFIO Jules Arnaud). Partout, les communistes, restés souvent isolés jusque-là, sont remis dans le circuit par cette présence. C'est pourtant une période difficile, parfois tragique. La répression marque des points. Les Allemands ont commencé à réagir. Ils ont pris la répression en main. Après les opérations des Mayons et Collobrières, les 10 et 11 novembre, renseignées soit par les “ Brandebourgeois ”, soit par des soldats italiens faits prisonniers, leurs unités spéciales lancent expédition sur expédition dans les Maures, puis sur le pourtour quand il s'avère que les maquisards ont quitté les lieux. Bertolino et Labise sont arrêtés le 16 novembre en allant vers Brignoles, Paul Louis l'est un peu après82. Le détachement Guy Môquet est détruit à Signes, à la ferme des Limattes, le 2 janvier 1944 (neuf maquisards et un vieux berger massacrés, deux arrestations)83. Le spectre de l'infiltration empoisonne l'atmosphère du maquis où sévit une espèce de “ bleuïte ”, pour reprendre une expression venue de la guerre d'Algérie. Elle ne repose pas sur du vide. Les Allemands (la Geheim Feldpolizei d'Hyères, semble-t-il, renforcée par un officier transfuge de l'OVRA) tentent - et réussissent, selon certains - à introduire des espions.
La disparition de Bertolino renforce la certitude de la trahison et laisse un grand vide, d'autant que son remplaçant comme CO, Emile Bouchard Emmanuel ne parvient pas à s'imposer. C'est l'un des premiers FTP de Toulon, mais il est issu d'un milieu plus aisé que celui de la plupart de ses hommes et, surtout, il n'était pas au maquis auparavant. Certains vétérans n'en font qu'à leur tête, Lucien Jandrez Le Tatoué, par exemple, un des premiers au maquis, ancien légionnaire, d'origine belge qui, par son expérience, a beaucoup d'ascendant sur les jeunes. C'est lui qui exécute sans ordre le chef de la Légion du Luc, le 22 décembre. Pour reprendre la compagnie en main, l'interrégion envoie, fin décembre, deux militants qu'elle avait fait appeler à Marseille en octobre, Pierre Valérie Sampieri, lui aussi un ancien “ légal ” de Toulon, nommé commandant, avec pour adjoint, Félix Diana, l'un des créateurs du maquis, envoyé à Marseille comme “ technique régional ”. Mais Le Tatoué, pris à Signes trahit et passe au côté du SD. C'est une hécatombe. Sont arrêtés René Battaglia, le “ technique ” régional du PCF et du FN (dont l'un des frères a été tué le 2 janvier), Bouchard, Valérie et plusieurs autres maquisards que leurs fonctions appellent à Toulon84. Le camp de Brue-Auriac est attaqué le 16 (un mort et un prisonnier)85.
Diana va désormais assurer le commandement de la compagnie, tout entière regroupée sur les pentes des Monts Auréliens86. Bien que la période la plus “ noire ” soit terminée (pour l'instant), les semaines qui suivent sont encore marquées par la rencontre tragique du 23 février, près de Saint-Maximin, au cours de laquelle les gendarmes de Barjols tuent un maquisard et en blessent deux autres dont le chef de détachement, Lucien Beau87.
Malgré cette série de difficultés, l'activité de la compagnie ne s'est jamais ralentie : sabotages des installations qui assurent le transport de la bauxite (la voie ferrée Saint-Maximin-Brignoles et les câbles aériens des mines), “ récupérations ” de tickets, exécutions de dénonciateurs se succèdent à un rythme assez rapide, dans un large rayon d'action. Ses hommes sabotent le pont ferroviaire de Saint-Jean-du-Var, à Toulon, le 22 octobre au soir, réalisent un attentat à la grenade contre une colonne allemande, au boulevard National, en plein cœur de Marseille (vers octobre)88, tentent de faire évader leurs camarades toujours emprisonnés à Draguignan (8 novembre89), avant d'y retourner pour faire sauter une scierie qui travaille pour les Allemands (31 décembre), alors qu'au même moment, Jean Carrara (un ancien de la MOI de Saint-Raphaël) dirige la destruction du fichier de l'UGIF à Marseille. Les liens avec les Maures restent étroits. C'est toujours un refuge et un lieu d'opérations. On retrouvera à Signes les uniformes des gendarmes de Grimaud que les maquisards ont dépouillés le 23 décembre90. L'une des actions les plus retentissantes est l'exécution des deux plus hauts responsables allemands de l'exploitation de la bauxite, le 8 février, près du Thoronet (Schulte, qui dirige toutes les exploitations provençales, et Seiler, chef du bassin de Brignoles).  
Les Occupants tentent en vain de rééditer l'affaire de Signes. La compagnie commence alors son repli vers les Basses-Alpes, selon l'itinéraire compliqué que nous avons déjà donné. Elle est regroupée autour de Lambruisse où d'autres aventures et d'autres tragédies l'attendent91.

De sa naissance à son départ du Var, ce maquis a réalisé au moins 84 actions (ou tentatives d'actions), ce qui représente 50 % des sabotages, attentats ou autres actions armées que nous avons pu recenser dans le Var dans le même temps. Ce n'est là qu'une partie de ce qu'il a fait. Il y a eu des exécutions de soldats allemands qui n'ont laissé, conformément aux ordres, aucune trace. Cette action a certainement été bridée par le manque de matériel. Les parachutages ne lui profiteront qu'après son repli dans les Basses-Alpes. Il a mobilisé contre lui les forces de répression, françaises ou allemandes les plus importantes et les extraits de rapports du SD de Draguignan conservés montrent qu'il est à l'évidence son principal souci dans le domaine de la Résistance. Mais nous avons pu voir que son rôle ne se limite pas à ça et qu'il a constitué une véritable école de cadres pour les FTP de la région.

 

d - De la première à la deuxième génération de maquis

À partir d'un échantillon de 91 maquisards connus, qui ont participé à l'une ou l'autre des étapes de la vie de la 1e Cie (ou à toutes), il est possible de mettre en évidence un certain nombre de traits qui sont caractéristiques des maquis de la première génération92.
Le territoire de provenance couvre toute la Basse Provence (Var : 38 %, Bouches-du-Rhône : 29 %, Alpes-Maritimes : 7 %). Cette aire s'ajoute donc à celle de l'activité pour lui donner un caractère plus régional que varois. Toulon, La Seyne, La Ciotat, Marseille, Nice et Sainte-Maxime sont les principales localités de provenance. Mais les ressortissants étrangers représentent presque le quart de l'effectif (23 %). La moitié sont des déserteurs italiens. La part des immigrés est difficile à préciser, l'indication de lieu de naissance n'ayant que peu de signification. Ceux de la deuxième génération sont nombreux et fournissent, avec les Italiens nés en Italie, la majorité de ses morts. La plupart de ces maquisards viennent de la ville. Les ruraux, peu représentés dans le maquis, sont à sa périphérie. Ces citadins sont surtout des ouvriers (56,6 %), métallos principalement. Peu d'étudiants, d'employés, de fonctionnaires, le maquis FTP originel est un rassemblement de jeunes prolétaires urbains. S'il est lié au STO, ce trait l'est tout autant, sinon davantage, au recrutement politique privilégié. Porteur d'une tradition composite où la culture révolutionnaire fait bon ménage avec le patriotisme et les archétypes du banditisme social93, ce type de maquis se veut avant-garde politique et militaire.
Entre les deux générations de maquis, celle de 1943 et celle du printemps 1944, le lien est assuré par certains cadres ou certains détachements. Après sa mission bas-alpine, Gaffino est renvoyé dans le Var pour constituer un camp de triage à Gassin, chez Donatien Moulton, un Anglais, propriétaire du domaine de Barbeyrolles où se rassemblent les réfractaires, candidats maquisards. Assurée par l'activité du FN local, la filière permet à plusieurs dizaines d'entre eux de gagner les compagnies FTP des Basses-Alpes. Un contrôle de la “ Gestapo ”, le 21 février l'interrompt, mais sans “ casse ”. Prévenus, Gaffino, Moulton et la vingtaine de réfractaires présents peuvent fuir94. Gaffino est alors envoyé dans le Haut-Var où l'interrégion se préoccupe de jeter les bases de futurs maquis. Le départ de la 1e Compagnie crée un vide qu'il faut combler. À ce travail sont associés particulièrement deux communistes, le Marseillais Giannoni Arnaud qui servira de convoyeur et d'agent de liaison et l'exploitant forestier Eugène Robert qui, à Ampus, doit abriter le noyau constitutif du futur maquis, mêlé aux bucherons, parfois des JC de la région, qu'il emploie. Il servira de lieu d'accueil aux JC-FTP des environs, à ceux de Martin Biaggini à Aups en particulier. Fin avril, les premiers éléments y sont conduits. Robert Charvet Dominique Thomas, jusque-là “ polo ” régional JC, en sera le CE, Biaggini le “ technique ” et un jeune catholique de Toulon, réfractaire, ancien maquisard en Savoie, deux fois évadé, Henri Guillot Dumont, le CO Se joint à eux, le docteur Paul Raybaud Louis Pierre qui ne peut plus continuer ses activités clandestines (JC) à Toulon. Ainsi va naître, avec cinq ou six éléments, le camp Robert, du nom du camarade de Faïta, guillotiné avec lui. Sans doute est-il ce “ DT partisan ” (DT pour détachement) dont le nouveau responsable militaire interrégional (COIR) a absolument voulu la création95.
Parallèlement un détachement de la 1e Compagnie, comprenant neuf hommes, est renvoyé dans le Var. Ayant pris le nom de Battaglia (en hommage à Marcel Battaglia Vaillant qui vient d'être tué près de Castellanne), il traverse le Verdon fin avril et, après avoir opéré quelques actions près de Saint-Maximin, va stationner à Villecroze, ravitaillé par les “ légaux ” du secteur96.

La mise en place de ces nouveaux éléments permettra de dynamiser un département qui, dans la préparation de l'insurrection nationale, pose quelques problèmes à la direction FTP.

Un nouveau COIR, Louis Blésy Pierre Lhomme prend le commandement en avril 1944, à la place de Faurite, arrêté par le SD. Se trouvant de longues semaines tout seul à la tête de l'interrégion, il juge la situation avec sévérité, celle qui caractérise les cadres exigeants de l'organisation. La situation d'ensemble n'est pas bonne et celle du Var est parmi les plus mauvaises (avec les Bouches-du-Rhône). Le Var est une

 “ région pauvre en effectif qui par surcroît subit le contre-coup des événements de Toulon. Nos groupes de Légaux sont défaits, quelques uns de nos hommes ont disparu à jamais, d'autres se sont repliés dans des régions moins dangereuses, d'autres encore ont été requis par les boches pour des travaux de déblaiement et échappent au contrôle du C.M.R. Peu de combattants dans l'ensemble. ”97

Il évalue l'effectif FTP à 250 hommes seulement. Des problèmes supplémentaires se posent et notamment l'absence de liaison avec l'AS (entendons les FFI) et les relations difficiles avec le Parti qui se traduit par le manque de confiance à l'égard des chefs FTP, par l'impossibilité de cloisonner les activités politiques et militaires dans les villages, par des cotisations que le Parti continue de percevoir à la place des FTP98.
Ce bilan critique se conçoit. Il y a le schéma idéal d'organisation et d'action et le Var est loin du compte. Il y a l'urgence politique et militaire. Comment les FTP pourront-ils y faire face ? D'autant que le Parti leur réclame beaucoup. Mais ce rapport ne tient pas compte des FTP-MOI (au niveau du département) et du rôle d'avant-garde qu'ils continuent d'assurer. Le COIR sait que “ c'est une région qui joue de malheur ” et qu' “ il y a deux mois elle était une région en maquis aussi riche que les Basses-Alpes ”99. Il est certain que le départ de l'essentiel de la 1e Compagnie, les “ chutes ” qui l'ont affectée entre novembre 1943 et janvier 1944, la dispersion des “ légaux ” ont affaibli une région qui surmontait à peine des problèmes plus anciens. Mais ce dont le rapport ne rend pas compte, c'est de la levée d'une nouvelle couche de résistants, celle des plus jeunes qui, par les FTP ou par la JC, effectivement ou sentimentalement, se porte vers la Résistance, bien entendu, mais surtout vers la Résistance communiste. C'est elle qui donne vie aux groupes “ légaux ”, qui alimente les maquis bas-alpins, avant de se porter sur ceux du Var après le 6 juin. Le CER remarque que “ les meilleurs éléments ne sont pas ceux du P. (Parti) ”100. À Lorgues, bourgade plutôt “ blanche ” où l'AS ne fait pas grand chose, le détachement FTP Jean Carrara, assez tard formé, comprend vingt-trois hommes dont huit n'ont pas 20 ans (nés en 1925 ou 26) et trois seulement ont plus de 30 ans101. Le plus âgé est le chef militaire, le boulanger Roger Pieplu Lecoq (43 ans). C'est un “ républicain de gauche ”, mais surtout un patriote qui en a assez de rester inactif. Si ses recrues étaient trop jeunes pour pouvoir se manifester en 1941, lui, par contre, a été inculpé pour propos antinationaux. Les FTP lui donnent enfin l'occasion d'agir. Ses recrues ? Ce sont les joueurs de football de l'Etoile sportive lorguaise dont il est le président. Il est sans doute l'un des plus politisés du détachement.

Le niveau des actions atteint autour du 1er mai (11 dans les nuits du 30 avril au 2 mai) montre qu'en dépit des faiblesses dénoncées avec raison par le COIR, le relais est pris, même dans le Var.

Cette dernière strate de la génération de la Résistance découvre la politique dans la lutte à laquelle elle participe et à travers le PCF. Mais les strates précédentes, sans doute moins vierges sur ce plan, ne sont pas composées que de militants “ formés ”. Cette absence de formation politique est un problème général dans les rangs du Parti et des organisations satellites, même s'il y a des degrés dans la “ juvénilité ”. L'appareil politique est jeune (au niveau local)102. Beaucoup ont adhéré au Parti pendant la clandestinité et, sur un substrat républicain, syndicaliste, poussés par la volonté de participer à la lutte clandestine. A fortiori dans les FTP pour lesquels Blésy signale “ l'extrême jeunesse ” des cadres dans l'ensemble de l'interrégion. Ils

“ sont pour la plupart des nouveaux venus, les plus vieux combattants sont ceux de 36, les autres sont ceux de la guerre ou de l'après-guerre ”,

d'où le constat du

“ manque de maturité politique ” ce qui "se traduit parfois par une fausse interprétation des ordres reçus tant dans le domaine politique que militaire, de la mauvaise compréhension des problèmes posés, heurt avec le P., chicanes sur des données secondaires, formation de clans, etc. ”103

Il y a là, à l'évidence, l'une des clés qui permettent de comprendre certains problèmes du PCF après-guerre, surtout si l'on y ajoute que les “ militaires ” ont l'impression d'avoir fait davantage que les “ politiques ” qui leur demandent des comptes (pour les “ encarter ”) à cette époque-là.

 

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La force des communistes n'est pas que militaire, et un responsable, même important des FTP, n'embrasse pas toute l'organisation. Cette vision d'ensemble, seule la direction du Parti la possède. La force clandestine des communistes est bien davantage politique, “ syndicale ” ou idéologique que militaire. Mais la place des FTP est essentielle dans le processus d'insurrection. S'ils inquiètent les autres forces de résistance par leurs actions, ils inquiètent aussi l'appareil politique par leur faiblesse. Dans la logique de la prévalence du politique sur le militaire, il fait pression pour qu'ils comblent leur “ retard ”. Même s'ils ne sont qu'une carte dans son jeu, c'est une carte importante, en particulier par l'image de marque qu'ils donnent à la Résistance communiste.

Dans l'ensemble, malgré les conditions défavorables (l'occupation allemande tardive en particulier et une tradition politique et sociale assez souple, où les relations interpersonnelles comptent souvent plus que les rapports de classe et qui ne connaît pas la dureté des luttes de certaines régions industrielles), les communistes ont réussi le passage à la lutte armée, parallèlement au développement de l'action de masse. Jusqu'à l'été 1943, pendant la période “ gauchiste ”, l'action des petits groupes (OS, noyaux politiques, MOI) a prévalu. Avec l'été, l'ampleur est tout autre. La poussée des maquis a contribué à modifier la stratégie militaire. Le réveil de “ la classe ouvrière ” modifie les possibilités d'action. Les communistes ont largement contribué à ce développement. Leur stratégie politique prend en compte ces changements qui modifient de plus en plus, et dans un sens qui leur est favorable, les rapports de force au sein de la Résistance. Stéphane Courtois avait bien montré ce glissement en analysant la politique d'ensemble du Parti. Il est confirmé sur notre terrain de recherche104. Le PCF possède enfin les moyens de sa politique. L'organisation léniniste a fait la preuve de son efficacité. Il a des cadres plus nombreux, plus ou moins facilement remplaçables. Il a une stratégie globale qu'il ne va plus cesser d'approfondir.
Avec l'été 1943, le maquis, ici le camp Faïta, prend le relais des FTP-MOI sur le plan de la lutte armée. Avec les uns en ville et les autres dans la campagne, le PCF possède des moyens militaires qui permettent d'accomplir les tâches les plus diverses, même s'ils sont sérieusement limités par le manque d'armes et si les difficultés pratiques sont immenses. Il a désormais une réserve de cadres qui permet d'assurer un minimum d'activité là où c'est le plus difficile, en particulier à Marseille où l'organisation ne cesse de puiser de nouveaux éléments dans les secteurs voisins (Var, Vaucluse, Basses-Alpes, reste des Bouches-du-Rhône, notamment Aix-en-Provence, etc.). Grâce à la JC, en 1944, l'élargissement des FTP est une réalité. Le développement de l'action après le 6 juin n'est pas une divine surprise, mais du côté du PCF, le résultat d'une action continue en direction des jeunes depuis plusieurs mois. Malgré tous les problèmes qu'il faut surmonter et qu'une analyse politique, y compris celle que fait la direction du Parti alors, ne peut que sous-estimer (d'autant qu'ils se payent en vies humaines), les FTP locaux réussissent la transformation qui leur est demandée et que définit le Comité central du PCF en novembre 1943, c'est-à-dire le passage d'une activité réduite à quelques groupes, formés pour l'essentiel de militants communistes, à l'établissement des bases de la future armée populaire, composées d'éléments recrutés hors du Parti105. Ce n'est qu'une réussite partielle (on est loin de l'armée en question) et, si l'on veut, tardive, mais, au printemps 1944, les FTP n'ont plus vraiment de concurrents sur le terrain de l'action. Certes l'efficacité des actions menées localement depuis le début ne doit pas être majorée. Leur portée militaire a toujours été faible (sauf cas particulier de la guérilla urbaine). Les FTP ont pu susciter des phénomènes de rejet. Mais ils sont noyés dans un flot grandissant de sympathie que ne tarit pas la répression, au contraire. La guerre que les FTP mènent est aussi une guerre psychologique, non seulement vis-à-vis de la population, mais aussi vis-à-vis des occupants et des “ collabos ”. Ces actions, même dérisoires, même ratées, contribuent à les démoraliser par l'atmosphère qu'elles créent autour de la Résistance en général et des FTP (donc du Parti) en particulier. Mobilisant, au moins sentimentalement, une partie de la population autour d'une activité qui paraît dénuée de toute visée politicienne (et qui l'est pour la plupart des acteurs), le PCF, grâce aux FTP et à l'action de masse, capitalise un gain politique dont on prendra la mesure à la Libération. Il n'est pas question pour lui de le faire partager et de sacrifier son autonomie militaire. Il n'établit pas sur ce plan des relations comparables à celles qu'il entretient avec les MUR sur le plan politique et qui tendent d'ailleurs à se distendre au fur et à mesure qu'il prend conscience de sa force. On a vu son refus de s'intégrer au Service maquis. S'il accepte les subsides (faibles) et l'aide matérielle qu'il peut retirer des MUR, il n'est pas question d'aller au-delà et, sur ce plan, la création des FFI ne change pas grand chose. Aux raisons politiques, s'ajoute un souci de sécurité qu'il ne faut pas sous-estimer et qui est rendu d'autant plus obsessionnel qu'on est plus méfiant à l'égard des “ bourgeois ” (ou des sociaux-démocrates, ce qui revient au même). On est plus unitaire au sommet du Parti (quelles qu'en soient les motifs) que bien souvent dans les échelons intermédiaires ou au maquis. Si le discours est unitaire, le mode de pensée l'est souvent fort peu. Comme Maurice Agulhon l'a fait observer, “ les formules de la lutte des classes restaient plus familières que celles de l'unanimité nationale ”106 pour bon nombre de militants, “ vieux ” ou jeunes.

Présent dans tous les domaines de l'action clandestine, le PCF a fait plus que regagner pendant l'Occupation le terrain perdu auparavant. Il rattrape l'avance prise par les gaullistes (et donc les socialistes) et souvent les dépasse. Il renoue les fils que 1939 a cassés. Peu à peu, on voit réapparaître dans l'organisation des militants d'avant-guerre qui ne se sont pas toujours évanouis dans les camps d'internement entre 1939 et 1943. Les communistes participent largement à la levée de la génération de la Résistance dont les premiers éléments ont souvent contribué ou assuré la survie du Parti entre 1940 et 1942. Renforcés par les libérés ou évadés des camps, ceux-là leur ont permis de renouveler leurs cadres, de démultiplier leur activité, de rallier catholiques et socialistes et, finalement, de susciter le grand élan de 1944. Appuyé sur les militants sûrs qui forment son armature et assurent sa cohérence idéologique, renforcé par ses recrues de la clandestinité, le Parti communiste défend une conception de l'union nationale d'une grande souplesse tactique, prête à englober tous ceux qui entendent participer à la lutte, d'où qu'ils viennent. Cette exemplarité unitaire permet de conserver des liens avec les MUR et de les déborder.

1943 est l'année où les gaullistes et les communistes établissent des rapports politiques solides, institutionnels. Les MUR ont alors l'initiative. Sûrs de leurs positions, ils ne donnent aux communistes qu'une place réduite. Ils dominent la Résistance provençale jusqu'au dernier trimestre de cette année-là. C'est alors que se révèle vraiment la force acquise par les communistes, avec les FTP et l'action de masse. C'est en effet à l'automne 1943 que le PCF apparaît, sinon “ dans toute sa puissance retrouvée ”, du moins comme “ le grand parti patriote, ami de cette Union soviétique qui écrase Hitler à l'est ”107, et, pour les chefs MUR, comme la grande force concurrente qui s'impose non pas dans les instances du pouvoir futur (et c'est sa faiblesse), mais sur le terrain de la pratique résistante.

Irréprochablement unitaires, exemplaires (jusqu'au sacrifice) dans l'action, patriotes, mais porteurs d'une idéologie messianique qui permet de dépasser le cadre de la lutte contre l'envahisseur, les communistes ne cessent d'accentuer leur pression et d'arracher des parcelles de pouvoir au sein de la Résistance. Au front officiel, celui qui les oppose, avec les autres forces de la Résistance, à Vichy et aux Allemands, s'ouvre un autre “ front ”, interne à la Résistance celui-là et qu'illustre bien la dénonciation répétée de l'attentisme.

Notre travail veut privilégier l'aspect politique. On va donc parler de cette unité conflictuelle et des luttes, réelles, qui opposent résistants entre eux. Nous allons à l'encontre des stéréotypes. Mais nous savons aussi que ceux-ci ont une réalité, que la base est réellement unitaire dans l'ensemble et surtout face à l'ennemi. Nous ne remettons rien en cause, ni la solidarité, ni la sincérité d'un engagement, ni la valeur des sacrifices. Les résistants qui peuvent se déchirer (et non pas se trahir) ne luttent pas pour leur intérêt personnel, mais pour un idéal. Cependant l'enjeu de la lutte, les risques pris, la force des convictions ne poussent pas forcément à la compréhension mutuelle.

La Résistance n'est pas simple. Elle est toujours en construction. Elle se forge dans le conflit principal et les contradictions internes. Peut-on encore dire dans la dialectique entre l'unité ressentie comme indispensable et des objectifs politiques différents ? Les luttes internes, sévères, sont masquées, mais aussi sublimées par la volonté commune, élémentaire qui entend d'abord (et pour beaucoup surtout et seulement) libérer le pays. La question du pouvoir n'en est pas moins posée.



 

1. J. Pinna, tém. cit., qui a mis en place ce réseau (ou une partie de ce réseau) dans le Var.

2. G. PERRAULT, L'orchestre rouge, Paris, 1967, p. 489 de l'édition de poche. Pauriol a une attitude héroïque et sera fusillé à Fresnes le 12 août 1944.

3. R. FALIGOT et R. KAUFFER, Service B, Paris 1985, p. 160 et suiv. sur l'activité de Guimpel, p. 175-176 sur l'organisation autour de Roquevaire, et divers documents avec des indications sur le Var (p. 67, 172, 178). Février 1943 est le moment où Guimpel prend ce service en charge, après avoir rencontré Jean Jerome à Paris. La protection de l'organisation, à La Ciotat, est vraisemblablement confiée à Edgar Manguine, responsable OS du Var jusqu'en février 1943 (E. Manguine, tém. cité, et interrompu volontairement à partir de ce moment-là).

4. G. AMENDOLA, Lettere..., op. cit., p. 50. Ezio est contraint à l'isolement absolu. Notons que liaison du PCI avec les communistes suisses passe par le PCE (l'organisation clandestine étant camouflée à Marseille au sein de l'administration qui s'occupe des GTE, boulevard Cantini) et qu’Amendola a renoué à Aix avec Francis Halbwachs, l'un des hommes clés du dispositif.

5. Arch. privées : ces feuilles, petites, mais très soigneusement écrites sur papier pelure, vont de mars à août 1943. Nous ne savons qui les a faites. Nous ne saurions pas surpris que la collecte ait été italienne. G. ROUX, op. cit., p. 30, note que le PCF du secteur d'Hyères relève les plans des travaux de fortifications et les envoie vers Marseille.

6. Mais les gaullistes en question peuvent être fort bien des agents de Jade (IS) ou de Brown (OSS), comme nous le supposons. Comme nous l'avons déjà dit, E. Manguine aurait eu pour boîte aux lettres de l'OS en 1941-42, à Toulon, la pharmacie de F. Arnal. Nous ne serions pas surpris que le témoin ait confondu avec la période postérieure et qu'il s'agisse de la pharmacie Léonelli (qui appartient à Arnal). Nous nous appuyons aussi sur un autre témoignage recueilli en 1987 (la boîte aux lettres FTP est une épicerie de la basse ville).

7. J. JÉROME, La part des hommes, Paris, 1983, p. 279.  

8. R. FALIGOT et R. KAUFFER, op. cit., p. 175-177. Ces auteurs ont relevé les liens entre Guimpel et Horowitcz (F2 - Azur) dont nous avons vu le point de départ à Saint-Tropez.

9. Parmi lesquels Auguste Dumay, le père, que l'on retrouve alors membre de l'état-major de l'AS des Basses-Alpes, chargé des opérations et très recherché par les Allemands (J. GARCIN, op. cit. et J. VIAL, op. cit.), tandis que son compère de France-Navigation, Emile Sellon, de La Ciotat, officiellement chargé du FN par George Marrane, favorise l'installation des Ciotadins à Grambois, mais il est aussi chef de maquis de l'AS dans le même département que Dumay, entre avril et juillet 1943, avant d'être chargé par le PCF de porter des documents chiffrés en Afrique du Nord, par l'Espagne (J. GARCIN, op. cit., p. 104-105). Il est vrai que le responsable des maquis de ce département, Henri Masi, est un ancien responsable OS à Marseille.

10. Sur A. Delabre qui dirigeait l'équipe de protection à Ramatuelle, M. BAUDOIN, Histoire..., op. cit., p. 33. Nous confirmons qu'il était devenu suspect. Ce n'est pas lié à son arrestation par les Allemands le 22 septembre 1943 et à son évasion quelques jours plus tard, le 4 octobre. Avait été arrêté avec lui (et fusillé) Raymond Vincent Hervé ou Dick. M.-P. BERNARD, op. cit., p. 155, présente celui-ci comme un spécialiste du renseignement en liaison avec les Soviétiques et les Anglais, et responsable... du 2e bureau de l'AS des Bouches-du-Rhône. Son frère, Gaston, est l'un des radio de Brown, celui dont le pseudonyme, Azur, donne son nom au réseau. Le directeur du centre d'astronomie, Pic, codait les messages et fournissait des faux papiers.

11. Le réseau a une base importante en Savoie et une autre à Montélimar.

12. Voir notre article, “ Les étrangers... ”, op. cit. Ce sont ces attentats marseillais qui servent de prétexte à la démolition du Vieux-Port.

13. G. AMENDOLA, Lettere .. op. cit., p. 57. Ces deux attaques ont lieu les 26 et 31 décembre 1942 (un échec et un sous-lieutenant mortellement blessé).

14. Tract  signé “ Mouvements de Résistance du Var (Combat, Franc-Tireur, Libération et le P.C.) ”,  diffusé à Toulon, le 29 avril 1943.

15. ADV, 1 W 28, contrôle postal, 29 juin 1943. Quelques jours après, un établissement proche et aussi mal fréquenté, Le Nancy, a sa vitrine brisée accidentellement ce que la population ne manque pas tout aussitôt de transformer en attentat (1 W 21, Rens. gén., 10 juillet)

16. Ce groupe est d'abord dirigé par un employé, Marine Draperie Pinseau, né à Draguignan. Garrido, accidenté en travaillant comme bûcheron, est hospitalisé à Draguignan en mai et fait connaissance avec Sophie Zleyer, responsable de la “ solidarité ”.

17. Tém. L. Landini 1987. La bombe est découverte, non explosée, le 15 mars 1943 (ADV, 1 W 81 et 3 Z 4 33). Autres actions du groupe, confirmées par la police ou la gendarmerie : attaque d'une patrouille italienne (23 janvier), sabotage contre la voie ferrée (23 février), attentat contre un bâtiment des troupes italiennes (4 mars).

18. Sur le sabotage de la mine de Pélicon, tém. O. Marrucci, l'un des auteurs avec Jean Carrara, 1981 et ADV, 1 W 8, préfet, 27 février 1943, 3 Z 4 33, Rens. gén., 27 février 1943 : plusieurs mineurs seront internés à la suite de cette affaire par les autorités de Vichy. Cette action est rapportée par France d'abord n°22 du 10 avril 1943. D'après O. Marrucci, les mineurs n'étaient pas très chauds pour effectuer ce sabotage. Sur la fourniture d'explosifs par ce groupe, tém. Hélène Taïsch 1985 et M.-P. BERNARD, op. cit., p. 196.

19. Arrestation d'O. Marrucci dès le 17 mars et de J. Carrara, J. Zurru, R. Landini et de son père le 13 mai 1943.

20. Tém. Mme Tenev 1985.

21. L. Diomelli, tém. cit. : plus des Arméniens et des Français et momentanément deux Tchèques et deux Espagnols.

22. Deux Bulgares se font prendre en train de voler des lapins le décembre 1943. Sportif est le nom code habituel des détachements FTP.

23. Sur les 24 actions repérées, neuf portent contre la voie ferrée (dont deux vers Les Arcs), huit contre des patrouilles ou des établissements allemands, cinq contre des lignes à haute tension. Dans le même temps, les FTPF de la région toulonnaise assurent seize actions et le GF des MUR sept. Parmi les actions les plus importantes : sabotage de deux locomotives au dépôt de la gare de Toulon (10 septembre 1943), attaques de patrouilles à Toulon et Six-Fours (fin octobre), attentats contre l'Hôtel central des PTT et, à la grenade, contre un restaurant allemand du centre ville (20 et 27 février), idem contre une maison de passe allemande (24 avril).

24. Arch. ANACR, rapport du CO Paul (O. Marrucci), s.d. (vers juillet 1944), se rapportant à des faits qui se sont déroulés environ trois mois et demi auparavant. Ce matériel a été pris dans un dépôt de la SAP (au nord de Bargemon). Il a été descendu à Claviers, village-refuge pour les FTP, où réside le CE de la 2e Cie, Jourdan, dont la femme est chef de gare au village, le “ train des pignes ” servant de moyens indispensables de transport, avec la complicité des cheminots. Les convoyeurs se sont répartis entre les gares de Claviers, Bargemon et Callas pour ne pas donner l'éveil (A. Sicard et F. Manzone, tém. cit.).

25. On ne peut que penser au problème posé par le maintien à Paris du groupe Manouchian, qui doit être replacé, à notre avis, dans ce cadre de la nécessité militaire.

26. Tém. D. Ungemacht-Bénédite et M. ANGEL, Los guerilleros espanoles en Francia, historia 1940-1945, La Havane, 1971, p. 168 : les bûcherons du Pélenq ne peuvent être que ce groupe sélectionné qui reçoit, fin mai, l'ordre de s'incorporer aux guérilleros de l'Ariège et des Pyrénées-Orientales. Le 14e Btl regroupe les guérilleros du Sud-Est.

27. Exemple in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 92 sur les sabotages de la nuit du 28 au 29 août 1943 aux environs du Muy.

28. Voir carte de l'implantation FTP en annexe.

29. Tém. Denis Lantaume Kléber (arch. ANACR, s.d.), né en 1923, ouvrier mécanicien, désigné par le non moins jeune responsable du Parti, Jean Oliva. Cette rapidité est confirmée par les chefs de la 2e Cie, O. Marrucci et F. Jourdan

30. Lina Michel 1981 et confirmé par ADV, Cour de Justice de Toulon 29, dossier Sc. et 202 974. L'explosion a eu lieu à 22 heures. Cet attentat est camouflé par Louis Michel en accident (il a laissé quelques gouttes d'huile dans un tube allemand). La cible n'est pas choisie au hasard : la société expérimente des fusées à air liquide, d'après les travaux de l'ingénieur Picard.

31. Tém. P. Bardin déjà cité : le 8 mars et le 19 mai 1943.

32. Tém. A. Macario, op. cit. Il opère parfois tout seul. Macario et Pinna tentent à ce moment-là de faire évader Jean Mérot de la prison Saint-Roch, à Toulon, en liaison avec l'organisation de Marseille (par l'intermédiaire de Mireille Lauze et de sa sœur qui habite Bormes). L'affaire échoue (nuit du 14 au 15 février 1943), car Mérot a été changé de cellule, à la suite de l'évasion de trois communistes marseillais, le 7 février précédent (tentative confirmée en AD Var 3 Z 4 6 et 1 W 21). Après la découverte de cette tentative, cinq communistes de Toulon et La Seyne (étrangers à l'affaire) ont été internés en représailles par l'administration de Vichy.

33. Le relevé va jusqu'en juillet 1944. Nous ne comptons là que les actions antérieures au 6 juin. Cette source se présente sous la forme d'une liste manuscrite avec des indications de dates, de lieux, d'objets, le sous-secteur et le détachement concernés, le matricule des auteurs (arch. privées).

34. Ordre de mission signé de Despas et de Guillerme publié in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 136 : il demande un équipement pour 1 000 hommes. Arrêté le 27 novembre 1943, Israël Mortier mourra aux Baumettes.

35. J. Despas, tém. cit. (1947 et 1948) : Despas est entré en relation avec le responsable MUR de Saint-Tropez (Robert Mahe Norbert, employé à l'usine des torpilles, agent du SR des MUR dans le sous-réseau d'H. Harel, porté comme communiste sur la liste du SD, datée du 27 septembre 1943 et sur lequel le SD enquête en 1944 ; il est remplacé comme responsable AS par Coulet, employé au Crédit Lyonnais).

36. Arrestation de Mme Ollivier et de sa fille, le 20 mai 1944, et saisie de documents (et de la ronéo). Mme Ollivier, agent immobilier, est l'une des premières adhérentes du FN. Elle est dénoncée par une jeune fille, agent du SD.

37. Selon H. Michel, il ne se doutait pas de l'influence communiste dans l'organisation (tém. cit.).

38. Arch. ANACR, s. d. Nous donnons ce document pour illustrer le caractère unitaire de la Brigade et la nette domination FTP.

39. Sources contradictoires sur la date de son arrestation : G. ROUX, op. cit., donne février, Despas, le 6 mars, ce qui est faux. Le relevé des actions du COR atteste de son activité encore le 7 avril (sabotages de lignes téléphoniques allemandes). Le registre d'écrou de la prison allemande enregistre son entrée le 12 avril. Le 24 mars, il avait tenté de saboter les cuves d'essence de la Todt, mais la charge n'avait pas fonctionné (J. Demarch, tém. cit. et relevé des actions).

40. Arch. ANACR, tém. manuscrit, s.d.

41. Tém. A. Repetto et ADV, 3 Z 4 33 et 1 W 7, Rens gén. La charge est découverte et explose un peu plus loin. Elle a été placée par Repetto et Valérie. On est à la veille de la commémoration de Valmy, le 18 septembre 1943. L'action de Sainte-Anne d'Evenos échoue.

42. ADV, 3 Z 4 33, rapport du 20 juin 1944.

43. Arch. privées, rapport de Guy pour la période du 25 mai au 10 juin 1944.

44. P. Pratali, tém. cit., se souvient d'avoir été obligé de faire remonter des armes parachutées dans le Haut-Var dont personne n'a voulu. L'affaire doit se situer vers mai-juin 1944. Le parachutage, non identifié, aurait eu lieu vers Ginasservis (peut-être des armes récupérées au dépôt SOE). Elles ont été remontées par Verdagne.

45. Arch. ANACR, rapport sur la Résistance à Carnoules par E. Bouy, s.d., dactyl. L'abandon du projet est motivé par des raisons de sécurité. L'affaire doit se situer en 1944.

46. P. Bardin, tém. cit. Bardin qui faisait des coupes de bois pour Garcin “ des essences ”, l'organisateur local du parachutage, ignorait ce que celui-ci faisait. Pour Bardin et ses amis, Garcin (qui est un sympathisant communiste, ancien syndicaliste CGTU) est à l'AS et refuse de marcher avec eux. Cependant, il aurait demandé (et obtenu) des hommes à ses ex-camarades lors du parachutage de septembre (tém. J. Salvatico). Là encore, la question se pose de savoir si c'est une initiative locale ou si la décision vient de plus haut.

47. P. Bardin, tém. cit., et R. Lévy 1986 (pour Carcès).

48. Cet explosif doit provenir des mines de bauxite.

49. Tém. J. Boudoube 1980 : serviette d'un général de la Todt, venu attendre un train, et contenant des renseignements sur la Roumanie (sur la bauxite et la situation militaire). La voiture était gardée.

50. J. Boudoube, tém. cit. Cette adhésion sera cependant décisive puisque Boudoube quittera l'armée et sera un militant communiste pendant de nombreuses années. Le PCF a essayé de recruter des militaires d'active par le biais du FN, à Toulon et à Fréjus. Mais ceux qu'il a pu contacter sont restés à l'AS ou sont passés à l'ORA (exemple du sous-lieutenant Baur, à Saint-Raphaël, cité in SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 378).

51. Salernes a eu son premier groupe en mars 43 (avec Ernest Sappa), mais le développement est plus tardif, surtout avec l'apport de la JC (1944).

52. Tém. F. Jourdan de Claviers par lequel Garrido et Marrucci ont su qu'il y avait moyen de se procurer des armes. Confirmation par les tém. F. Manzone, A. Sicard et par l'Historique de la Résistance et de l'affaire Ch. Louis à Montauroux (arch. ANACR, s.d., dactyl.).

53. Sa proposition de citation indique le 5 mai 1944. Ce maquis est formé avec des réfractaires cachés aux environs soit dans des fermes, comme celle de Titin Estalenq, à Fayence, le carrefour des FTP du secteur, soit rescapés de la répression menée contre la SAP. Manzone est en contact avec le commandant Roux (AS), de Mons, qui lui a indiqué les jeunes en question. Il est en liaison avec Malaussena, de Nice, qui lui a demandé de faire un maquis. Dans les témoignages établis longtemps après les événements, la datation des actions et des maquis de la région est peu fiable, en reportant les événements plusieurs mois auparavant. Cette confusion provient probablement de la présence d'un détachement du maquis des Maures dans le secteur dans l'été 43 et des liens noués avec ce maquis (tém. dactyl., s.d., arch. ANACR).

54. Nous avons tenté une analyse du phénomène maquis in Provence Historique, J.-M. GUILLON, “ Le maquis... ”, op. cit.

55. Saint-Raphaël, 20 mars (“  Français ! Vous qui allez... ” et “ Jeunes Français, ne partez pas.. ”, non signé), Grimaud, 2 avril (“ Jeunes de France. ”.. signé par les FTP).

56. Nous ne croyons pas à des créations de maquis avant le début de l'année 1943 pour des raisons évidentes : le choix de la lutte armée, la formation concomitante des FTP (qui commence durant l'été 1942 et surtout en ville) et l'application effective des réquisitions de main-d’œuvre pour l'Allemagne. Nous sommes donc très sceptique sur la (fréquente) mention de maquis en 1942 (par ex. A. AUTRAND, “ La Résistance et les maquis du Vaucluse ”, in RÉMY, op. cit., p. 72 : maquis du Vaucluse mi-42). Remarquons qu'un peu partout dans le Sud-Est février-mars 1943 correspondent aux premières créations (maquis du Dévoluy dans les Hautes-Alpes, premiers maquis FTP du Rhône).

57. On retrouve toujours les mêmes noms : par l'intermédiaire de son oncle Alcide Graziani, de Grimaud, il est hébergé par les époux Guillerme à Saint-Tropez et par la famille Landini à Saint-Raphaël. Il fait équipe avec Macario de Cogolin et les Battaglia de Sainte-Maxime.

58. Sur les débuts du maquis, tém. L. Diana 1979, Casu 1980, A. Battaglia et A. Macario. Certains témoins donnent sept maquisards au début.

59. Le 8 mars, à Sainte-Maxime (attesté en ADV, 1 W 88, Gend.).

60. ADV, 1 W 42 Gassin, Gend., 30 mars 1943. Butin : 148 œufs, une centaine de cartes textile, six cartes de grossesse, du papier blanc, un passe-partout, les fusils.

61. Tém. Fernand Philibert, notes manuscrites, s.d. Philibert, militant communiste de Barjols, interné en 1941, met à profit une permission en 1943 pour obtenir la filière vers le maquis. Il se rend à La Nartelle. ne trouve pas le convoyeur, mais un autre candidat (Roger Taïb, un interné évadé). Il retournera à son camp d'internement avant de s'en évader, peu après, et de participer au maquis du Limousin où il sera l’un des adjoints de Guingouin.

62. ADV, 1 W 88, Gend., 4 et 5 mai 1943, 1 W 49, Sainte-Maxime, idem, 1 W 119, dossier Ch., ADBdR, M 6 III 41, capitaine de gendarmerie 5 mai, tém L. Diana, Casu et P. Giovannini 1982. Parmi les maquisards arrêtés, d'anciens internés comme P. Giovannini de la Seyne qui vient d'arriver le jour même, Victor Laugier de Saint-Tropez (que cette arrestation nouvelle conduira à la mort en déportation), des jeunes réfractaires de la région proche, de Marseille et Nice, un républicain espagnol évadé d'un GTE. Les armes saisies se composent de sept fusils de chasse de calibre 12, un de calibre 16, une carabine 6mm, cinq revolvers, un pistolet automatique, 500 cartouches de calibre 16 ou 12, 50 de revolver, 5 m. de cordon Bickford. On est avisé à Londres de cette arrestation (AN, F1a 3922, 22 juin 1943). L'officier de Fréjus et un gendarme ont reçu une récompense.

63. Sur cette genèse, tém. époux Martin 1985 du hameau de Repenti qui ont permis à Bertolino de renouer (la mine de Saint-Daumas est une mine de plomb), Polge de Carnoules qui a servi de liaison, Courros, l'un des premiers compagnons, envoyé par l'AS de Toulon, Faurite et confirmation ADV, procès-verbaux de la Cour de Justice de Toulon 2, déposition Paul Meille, originaire des Mayons, membre de l'AS de Toulon, qu’Orsini, l’un de ses responsables, avait envoué pour dissuader Bertolino de passer aux FTP.

64. Dr E. GARNIER, Prisonnier de la Gestapo, cellule 5, Les Beaumettes, Avignon, 1945, p. 23. L'auteur poursuit en notant la curiosité et la grande volonté de se cultiver qui anime P. Louis, ce qui est un trait courant chez ces autodidactes, engagés très jeunes dans le monde du travail.

65. Cette analyse s'inspire des travaux d'E. HOBSBAWM, notamment Les bandits, Paris, 1972.

66. Tém. E. Gaffino 1979. Ce communiste prosélyte, mais très large (trop aux yeux de certains de ses camarades), est très marqué par une tradition socialiste imprégnée de christianisme (“ Il y avait un sectarisme, un sectarisme même dangereux, parce que, dès que vous n'étiez pas membre du Parti, pour certains, vous étiez un homme qui trahissait ”).

67. ADV, 1 W 88, rapport du capitaine de gendarmerie, 26 septembre 1943.

68. Tém. L. Diana et C. Courros. Nous nous sommes référés au premier témoin dans notre article sur “ Le maquis... ” (op. cit., p. 65-67) et le second nous a dit : “ il avait un bagout, une élocution, il était persuasif, il savait toucher, convaincre, il charmait, mais il avait des tendances anarchisantes, il voulait avant tout la bagarre ”.

69. H. Faurite donne même le chiffre de 115.

70. L'action est dirigée par Bertolino et Diana, guidés par des cheminots de Carnoules, comme Polge ; 14 pétards sont placés sur cinq machines et le pont. Fait cité par France d'abord n°29 du 1er août (ce n'est pas le seul) et communiqué à Londres (AN, F 1a 3938, note du 15 juillet), mais nous ne savons pas à quel moment la BBC en a parlé. C'est en juillet que Faurite a pu faire cadeau de la première bombe Gammont (et de crayons retardateurs) à Bertolino - peut-être du matériel débarqué par sous-marin ?- mais elle était seule.

71. La seule prise d'argent notable est celle de la paye des mines de bauxite, le 7 août, au Cannet-des-Maures. Bien entendu, les actions mentionnées sont uniquement celles dont nous avons confirmations par la police ou la gendarmerie (en général en ADV, 1 W 81 ou 3 Z 4 33). Sur le paiement des commerçants, ADV, 1W 88, Gend., 17 septembre 1943.

72. Incendie très important autour du 17 juillet, effectivement provoqué par les soldats italiens. Les maquisards ont eu très chaud...

73. Jusqu'à ce que celui-ci, malade, soit obligé de réintégrer le camp principal, en octobre. À Figanières, il est aidé par le groupe de Claviers, dirigé par François Manzone que l'on retrouvera en 1944 à la tête d'un maquis de la deuxième génération.

74. ADV, 1 W 88, lettre de dénonciation du 8 août et rapport des Rens. gén., 9 août (une cinquantaine de jeunes se ravitaillant à Varages et Esparron, utilisant le train pour leurs liaisons, installés en deux groupes, fermes Valensole et du Puits-de-Campagne), rapport du préfet, 13 août 1943. Tém. Diana qui a cartographié les détachements du maquis et leurs déplacements (documents publiés in J. GARCIN, op. cit., p. 177-179) et tém. G. Robert 1981 : des éléments du groupe de Saint-Martin sont repartis sur Les Mayons. Les déplacements se font en train.

75. Un exemple parmi d'autres (tém. L. Cavallini et J. Pizan) : à Cabasse, où les maquisards sont venus prendre les tickets de ravitaillement le 30 juin, les armes italiennes sont cachées par le groupe de Résistance (théoriquement AS) avec l'aide du maire sous la scène de la salle des fêtes, puis elles sont portées par le chef de groupe Cavallini et le chauffeur d'un “ gazo ” défaillant, de nuit, jusqu'aux environs du Luc pour être acheminées en charrette jusqu'à la ferme Eneg sur la route des Mayons (Marceau Eneg, l'un des fils, dénoncé par Le Tatoué mourra en déportation)

76. Tém. Gaffino qui va à Draguignan pour cela, tandis que son ami Mercanti, de Nice, va aux Arcs et tém. Faurite qui lui-même se livre à ce recrutement à Carnoules, devant la gare où il se trouve avec Polge : “ j'expliquais aux soldats italiens qui étaient désorientés par la défaite que leur devoir et leur seul salut était de rejoindre la Résistance française. Comme je ne parlais pas l'italien, la tenancière du café de la gare traduisit mes paroles ”  (tém. dactyl.).

77. L'un d'eux, Alphonse Del Vicario qui a été mené au maquis par l'AS de Brignoles a essayé d'établir la liste des soldats italiens qui y ont participé. Il est parvenu à une liste partielle de 35 noms ; 14 seront tués au maquis ou mourront en déportation. C. Courros évalue le nombre de ceux qui sont restés à une quarantaine.

78. ADV, 1 W 88, diverses pièces, surtout rapport du préfet et celui du capitaine de gendarmerie du 29 septembre, 1 W 44, Les Mayons, 29 septembre, 1 W 127, dossier G., ADBdR, Cour de Justice Aix-en-Provence, dossier 37 : le campement des maquisards est attaqué le 26 au soir (des huttes, une tente). Leur nombre est évalué à 50 maquisards et 80 Italiens. L'intendant de police de Marseille interdit de tirer, malgré le capitaine de gendarmerie de Draguignan. Seuls prisonniers faits : deux soldats italiens. Lors du repli dans la nuit, un duel au porte-voix a opposé Bertolino et Gaffino et l'intendant de police. Parmi les maquisards, se trouvent à ce moment-là un colonel italien assez âgé (tém. E. Gaffino, L. Diana et G. Robert).

79. Tém. E. Gaffino, C. Courros, L. Diana et ADV, 1 W 68, Gend., 8 octobre 1943 : les Allemands vont investir la Chartreuse. Ceux de ses habitants qui ont aidé le maquis (le gardien de chèvres, célèbre pour sa voix d'or, David Infernet) peuvent fuir. On remarquera que jusque-là les maquisards se sont refusés à exécuter leurs prisonniers et se sont efforcés de les convaincre. Ils n'ont encore aucune exécution de collaborateurs à leur actif.

80. Cette attaque est-elle suffisante pour expliquer le transfert ? Les Italiens n'ont manifesté aucun zèle, mais l'emplacement est connu. Cela confirmerait notre hypothèse de la pression exercée par les circonstances. Ce détachement est dirigé par Joseph Bodo Luciani qui avait été arrêté par les gendarmes au maquis de Ganagobie (Basses-Alpes) le 16 septembre et s'est évadé de Marseille. Vers la fin de l'année, il est muté et remplacé par un ouvrier de La Londe, Pierre Rivault Bibbia. Celui-ci sera tué dans les Basses-Alpes en juillet et Bodo sera fusillé à Nice le 15 août 1944 (renseignements communiqués par J. Garcin).

81. Tém. Beau 1981, dactyl. (communiqué par J. Garcin) : le détachement doit aller (sous la pluie) d'abord à Saint-Martin-de-Pallières, à la ferme où le camp Robert stationnait en août ; apprenant l'attaque qu'il y avait eu, Beau a décidé de changer d'emplacement, d'où Mazaugues, puis les environs de Rougiers.

82. Les circonstances de ces arrestations ne sont pas éclaircies. Elles sont probablement effectuées par la Feldgendarmerie ou la Geheim Feldpolizei. Les prisonniers ne sont donc pas passés par la prison de Toulon (ce qui aurait permis de préciser éventuellement la date et le motif), mais ont été directement envoyés aux Baumettes. On ne connaît ni la date, ni le lieu de celle de Louis (selon les uns aux Arcs, selon d'autres dans le car de Gonfaron), seules certitudes, les coups qu'il a reçus et qu'il arrive aux Beaumettes le 4 décembre. Les trois hommes seront envoyés à Compiègne ensemble, puis en déportation. Voir le billet de P. Louis, jeté du wagon qui le mène en Allemagne, envoyé à Mme Gaffino, reproduit in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 144.

83. J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 140, tém. sur l'affaire Le détachement, qui est parfois appelé Marat, est signalé depuis plusieurs semaines. la population est “ irréductiblement muette ” (ADV, Cour de Justice de Toulon 6, dossier Bo., Rens. gén., 15 décembre 1943), mais diverses plaintes pour vols (qui ne sont peut-être pas le fait des maquisards), deux lettres anonymes et les déclarations du maire amène le préfet à ordonner à la gendarmerie de réagir immédiatement (le 27 décembre). La réaction sera allemande. Parmi les rescapés, Paul Rossi, blessé, qui sera soigné à Saint-Tropez, avant de reprendre sa place au maquis.

84. Après l'exécution du Luc, déjà considéré comme “ anarchiste ”, il a été décidé de faire sanctionner Le Tatoué par le groupe de Signes, mais ses états de service, les sentiments d'amitié font retarder l'échéance. Rescapé du massacre, il est arrêté peu après et “ se met à table ” (mais certains maquisards considèrent qu'il trahissait déjà avant). Valérie est arrêté le 14 avec Pierre Sibut, Jean Escudier (ouvrier de l'arsenal, au maquis depuis juillet) le 15, tout comme René Battaglia est arrêté le 15 janvier (et ne dira rien, malgré la torture), Bouchard le 18.

85. Le mort est un soldat italien, Marangi. Le détachement rejoint alors la compagnie à Saint-Maximin.

86. Paul Bertin, communiste et chef AS-ORA de Saint-Maximin qui apporte une aide importante aux maquisards évalue leur nombre à 130 environ (Rapport sur son activité durant la Résistance, s.d., dactyl., adressé à H. Michel, fin 1945, que J. Girault nous a fait parvenir).

87. Le tué est Antoine Camugli Bibi, de La Ciotat, qui avait participé au groupe d'action à Marseille en 1942 et au maquis de Grambois.

88. C'est probablement pour cette opération que l'agent de liaison “ Riri ” Faraut Odette, de Nice, a porté des grenades à Marseille, convoyées jusqu'à la gare Saint-Charles par le cheminot Emile Polge, de Carnoules (tém. Polge). Voilà encore un exemple des complicités que chaque opération exige.

89. P. Giovannini, arrêté en mai 1943, et, à sa suite, Antoine Coga, un Ciotadin du maquis de Grambois, arrêté le 4 septembre, à Draguignan, au cours d'un transport, s'évaderont le 13 décembre et rejoindront la compagnie.

90. J.-M. GUILLON, “ Le maquis... ”, op. cit., p. 63.

91Décrites surtout par J. GARCIN, op. cit., p. 171 et suiv., en particulier attaque tragique du 6 avril qui entraîne le repli quelques jours dans le Haut-Var (Ginasservis).

92. Voir tableau comparatif en annexe.

93. À titre d'illustration, J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 142, chant composé par un maquisard : “ Sur la grand' route ” qui commence par “ Il est dans les forêts varoises une compagnie de Francs-Tireurs luttant contre l'armée bourgeoise... ”. La suite se situe dans la tradition plus classique de 1792.

94. Tém. E. Gaffino et M. Celebonovitch (qui a fait prévenir par sa fille, Nicole), confirmé en ADV, 1 W 94, Gassin, et H. NOGUÈRES, op. cit., t. 3, p. 296, tém. Gilbert-Dreyfus qui fait commencer cette activité en 1943 et évoque aussi une menace italienne, détournée grâce au commissaire de police.

95. Arch. privées, rapport du COIR à la zone, 24 mai 1944 (“ j'ai dû beaucoup insister pour lui (au CMR) faire constituer au moins un DT partisan ” ) et, sur la formation du camp, tém. P. Raybaud et R. Charvet.

96. Chez Fernand Cauvin, qui avait soigné Beau. Ce détachement est dirigé par Paul Mengaud Raoul Ignard. Dans la nuit du 30 avril, il a essayé de faire sauter le transformateur de Saint-Maximin et sabote trois pylônes électriques, la nuit suivante, à Esparron. Ces actions participent de la commémoration du 1er mai (tém. P. Mengaud 1984).

97. Arch. privées, rapport du 24 mai déjà cité.

98. Arch. privées, rapport du CER du 26 mai au 10 juin 1944.

99. Arch. privées, rapport du 24 mai 1944.

100. Arch. privées, rapport 26 mai-10 juin 1944.

101. Arch. ANACR : état s.d. (peu après la Libération), notes manuscrites anonymes (s.d., certainement de la main de Piéplu) selon lesquelles le détachement est créé au début 1944 et tém. Jassaud 1986.

102. Un exemple limite à Flayosc où J. Oliva a 22 ans. Il est aidé par des militants plus âgés comme Emile German, en particulier, et l'organisation clandestine a voulu trancher avec les militants d'avant-guerre, trop traditionnellement républicains (d'où leur hostilité au pacte germano-soviétique). Mais Bardin, Luciano, Louis Michel, etc. ont à peine plus de 30 ans.

103. Arch. privées, rapport du 24 mai 1944.

104. S. COURTOIS, op. cit., p. 336-340 dans lesquelles il met en parallèle la politique militaire du PCF qui conduit au développement des FTP quand la lutte armée rencontre des échos favorables chez les ouvriers et les jeunes et l'insistance sur l'action de masse à partir du printemps 1943, dans le cadre d'une préparation de la levée en masse.

105. Circulaire du CC, 9 novembre 1943, Résistance en France - Le parti communiste dans la lutte - L'organisation des FTP, citée par M. BAUDOIN, Témoins..., op. cit., t. 1, p. 6-7 de la circulaire (qui recommande le passage de 10, puis 20 % des militants aux FTP pour en faire une organisation de masse, car la solution n'est pas dans le Parti, mais dans les masses). Seule différence avec le schéma proposé, ce passage ne peut être fait par le FN vu son peu de représentativité et c'est le Parti, grâce à la JC, qui l'assure.

106. M. AGULHON et F. BARRAT, op. cit., p. 33.

107. S. COURTOIS, op. cit., p. 399.