C - LES GREFFONS DE L'AFRIQUE DU NORD

 

L'éventail des réseaux s'élargit en 1943 avec les ramifications des organisations installées dans l'Afrique du Nord libérée, Armée d'Afrique ou Services secrets français. Ces organisations sont giraudistes, même si, depuis la Libération, il est de bon ton de le nier ou de minimiser cet engagement. Elles travaillent en collaboration avec les services anglais ou américains. Elles sont rejointes ensuite par d'autres qui émanent du BCRA, mais dont ni la composition, ni l'attitude vis-à-vis de la Résistance intérieure ne s'en distinguent vraiment. Ce sont les instruments privilégiés d'une Résistance extérieure qui craint l'autonomie des organisations de la métropole et qui cherche à leur imposer son autorité de diverses manières. Les réseaux en sont une. Organisations de spécialistes, en particulier de militaires, ils forment, la fusion aidant, un ensemble qui se différencie nettement des pôles “ civils ” de la Résistance, pour lesquels elles éprouvent la méfiance de ceux qui n'ont pas grande estime pour la “ politique ”. Le chef du SR Marine laisse apparaître les préjugés significatifs de ce milieu lorsqu'il compare le travail que fait son réseau, “ immédiatement profitable dans un cadre militaire ”, tandis que “ pour les civils, la préoccupation politique reste maîtresse. Ils travaillent pour après ”1.

 

1 - Le lien indispensable : les liaisons maritimes

Ramatuelle, le 8 mai 1943 : l'équipe qui remonte en pleine nuit de la plage où Le Marsouin vient de réussir la deuxième liaison par sous-marin forme un étonnant cocktail. Agents de l'OSS, de l'IS, du Contre-espionnage (SSM-TR) sont accompagnés de résistants locaux du FN, de l'équipe spéciale FTP de Delambre et des policiers de Toulon qui ont démantelé un an auparavant le Parti communiste renaissant. Quelles que soient les arrière-pensées et les stratégies, l'unité de la Résistance ne se fait pas seulement dans les réunions des comités de coordination, mais aussi, avec d'autres composantes, sur ce terrain inattendu. Réseaux anglo-saxons, réseaux militaires venus d'Alger, FTP, le mélange n'est pas fortuit. C'est la traduction des rapprochements qui se font en Algérie autour du général Giraud auquel le PCF apporte momentanément son soutien.

Les services du colonel Paillole sont les maîtres d'œuvre de la liaison par sous-marin. Bien des résistants qui ont subi leurs foudres avant l'Occupation ont du mal à les considérer comme des résistants à part entière. Réticence compréhensible, mais la Résistance est en perpétuelle construction. On ne peut en exclure tous ceux qui la rejoignent après avoir eu des positions différentes, voire hostiles. À sa façon, avec ses méthodes, sa politique et son passé, l'ancien CE de Vichy est pleinement dans la Résistance et ses hommes fourniront leur lot de martyrs.

C'est pour installer un nouveau réseau, TR jeune, parallèle à l'organisation laissée en partant au moment de l'Occupation, que l'on utilise le sous-marin Casabianca pour effectuer une première liaison2. Prévu initialement au Cros-de-Cagnes, le débarquement de la mission s'effectue, à l'aveuglette, près du cap Camarat, dans la presqu'île de Saint-Tropez. Ramatuelle va devenir de ce fait, pendant un an, l'une des zones privilégiées du contact entre Résistances intérieure et extérieure. Si ce premier atterrissage a pris Ramatuelle un peu au hasard - parce que le Cros-de-Cagnes était “ brûlé ” - la qualité de la résistance locale est pour beaucoup dans le maintien de ces liaisons dans ce secteur.

Dans la nuit du 6 au 7 février, débarquent donc deux agents de Paillole, Gilbert Guillaume et le lieutenant radio Caillot, ainsi que Fred Brown. Après avoir enterré le matériel, les trois hommes prennent contact, à Marseille, avec TR 115 du capitaine Guiraud George Henry. Guillaume et Caillot doivent repartir du même endroit, avec deux autres compagnons (dont le colonel Bonoteau, représentant l'ORA). Leur longue attente (entre le 4 et le 13 mars), bien que vaine, n'est pas négative. Elle leur permet de lier connaissance avec le fermier Achille Ottou. Ce dernier accepte d'héberger les équipes qui viendront désormais régulièrement tenter de s'embarquer à La Roche Escudelier ou à La Caissine. Par lui, le contact peut s'établir avec une résistance locale dominée par le FN et les FTP. Elle sera associée aux opérations et participera à leur protection.

Il y aura en tout quatre liaisons réussies entre mai et octobre 1943. Après un rendez-vous manqué fin avril, l'opération du 7-8 mai voit le départ de Brown et d'un industriel parisien pourvu de renseignements, Huet, ainsi que le débarquement de cinq agents, plus cinq postes émetteurs et des armes. Les hommes débarqués comprennent deux officiers venus diriger TR jeune Larva, le capitaine Avallard Jean-Marie et Raymond Durmeyer (que nous avions rencontré en 1941 dans l'affaire du Poitou), deux émissaires de l'IS (le radio imprudent arrêté peu après avec Hi-Hi et un agent qui passera au service du SD de Marseille) et un radio de l'OSS, Gabriel Francart, destiné à Marseille. Le commissaire Hacq a eu la haute main sur cette opération, non sans friction avec les Services spéciaux qui auraient voulu en avoir la maîtrise3.
Les Services spéciaux dirigent la liaison suivante qui doit se dérouler entre le 30 juin et le 3 juillet. Mais les candidats au départ sont si nombreux que les convoyeurs et protecteurs locaux en sont irrités. Jean Charlot, de Saint-Raphaël, qui assure le transport entre cette gare et Ramatuelle, se retrouve avec douze passagers au lieu des quatre ou cinq prévus. Ottou ne peut loger tout le monde et le sous-marin attendu n'est pas au rendez-vous4. Par contre, les trois liaisons suivantes se passent sans anicroche (31 août, 27 septembre, 27 octobre). Elles font du "tube", comme on l'appelle, le principal moyen de contact entre giraudistes d'Afrique du Nord et ceux de l'intérieur, alors que l'OSS, l'IS et les hommes de Delabre n'y participent plus5. Par là, s'embarquent plusieurs officiers supérieurs notoires dont le colonel Zeller, chef de l'ORA en zone Sud6. Les hommes et le courrier des Services spéciaux et du SR Marine transitent par lui. Mais, le 27 novembre au soir, une patrouille allemande intercepte le petit groupe qui se dirige vers le lieu de rendez-vous7. La plupart des participants, dont la fille du général Giraud, peuvent lui échapper, guidés ou récupérés, convoyés, cachés par les résistants locaux (dont les gendarmes et le commissaire de police de Saint-Tropez). Une partie des rescapés se retrouve à Toulon chez le pharmacien Léonelli. Cependant un homme de main du SSM-TR (Léon Alsfasser Granger), de retour de mission, a été tué et deux des candidats au départ ont été arrêtés, le capitaine Pothuau du SR Marine et Jacques Israël Pierre Mortier, de Sainte-Maxime, que le Front national local envoyait pour réclamer des parachutages d'armes8. Attaque fortuite ? Attaque préparée ? On ne sait. Les témoignages penchent plutôt vers la première hypothèse, celle que le capitaine Morhange, chef de TR ancien (Glaïeul), arrêté peu après à Marseille, parviendra à faire connaître à ses camarades restés en liberté.

Mais les TR sont infiltrés et démantelés entre le 11 décembre (arrestation de Morhange) et avril 1944 (arrestations d'Avallard) par le SD Dunker a laissé “ courir ” plusieurs mois, bien installé dans la place (TR jeune et réseaux OSS) par l'intermédiaire privilégié d'un individu, Max de Wilde, repéré à plusieurs reprises dans le Var (notamment, location d'une villa à Agay). L'affaire du cap Lardier et du réseau Azur se situe dans le prolongement de ces opérations, alors que les services français ont abandonné les liaisons par le “ tube ” depuis le 26 novembre.

La côte varoise reste une tête de pont. À partir d'avril 1944, de nouvelles opérations, par vedettes cette fois-ci, sont alors organisées par la mission de François Pelletier Ruben9. Accueilli, installé, aidé par la Résistance locale (ORA et FN), le lieutenant Pelletier et son radio continuent à faire de la région tropézienne une zone de passage importante.

La côte varoise sous l'Occupation, plus que dans la période antérieure, est devenue un secteur essentiel pour la Résistance extérieure. On ne peut l'expliquer seulement par sa position stratégique. Le facteur principal est l'existence sur place d'une résistance solidement organisée.

 

2 - Le SR Marine (SR Edouard)

Parmi les réseaux professionnels qui ont opéré dans le Var, le SR Marine tient une place particulière dans la mesure où il rassemble les éléments de la Marine les plus engagés dans une résistance sans équivoque depuis novembre 1942. Le chef de la Sûreté navale, le capitaine de corvette Blouet Edouard a commencé par fournir des renseignements au commissaire Petitjean avec lequel il chassait les espions allemands. Par lui (et donc par Londres), il essaie de toucher un officier de marine, membre des Services spéciaux d'Alger. Il va sans dire que ce n'est pas la bonne voie, mais la tentative est intéressante. Elle montre les illusions que tous partagent sur l'unité qui prévaut à l'extérieur.

La liaison est enfin trouvée avec Alger grâce à un officier, le lieutenant de vaisseau Flichy Fettori, arrivé par le “ tube ” du mois d'août 1943. Il est envoyé à Blouet pour lui demander de créer un réseau sur la côte. La liaison sous-marine suivante lui permet de faire partir l'un de ses adjoints à Alger et d'obtenir ainsi directives et matériel qui lui parviennent à la fin octobre. Le capitaine Pothuau, arrêté le 26 novembre, est l'un de ses émissaires.

Le réseau Edouard, alors créé à partir de Toulon, est le type même du réseau professionnel. Peu étoffé, il comprend 47 agents (dont quelques-uns occasionnels). Efficace, il est composé pour moitié (25) d'officiers et d'inspecteurs de la Sûreté navale, répartis entre Toulon, Nice, Marseille, Bordeaux, Saint-Nazaire, Lorient et Paris. Il a sa propre liaison radio, mais les renseignements - les microfilms, en particulier - passent aussi par Sète et la frontière espagnole.

Muté à Vichy à la tête de la Sûreté navale, Blouet désigne pour le remplacer à la direction du réseau un officier de son grade, hiérarchie oblige. Cet officier, assez passif et peu convaincu par ce qui lui est demandé, est bousculé par le successeur effectif de Blouet, le lieutenant de vaisseau Pierre Baudoin Teddy10. Alors que ses supérieurs se contentent de le couvrir, Baudoin resserre les liens que Blouet avait commencés à nouer avec d'autres réseaux. Les contacts sont étroits avec le réseau Jade de Léonelli. Il maintient ceux qu'il avait avec l'ingénieur Braudel (assez méfiant) et ses adjoints. Il contacte les représentants locaux de l'ORA. C'est finalement du côté de la Résistance civile qu'il rencontre ses appuis les plus enthousiastes. Le contact avec les MUR est officiellement recherché et établi (en avril 1944), après que Blouet en ait transmis l'ordre venant d'Alger. C'est le moment où le rapprochement s'impose entre giraudistes et gaullistes. Stimulé par l'approche de l'inévitable Libération, il se fait à Toulon à la satisfaction des deux parties. L'homme du rapprochement est l'inspecteur de la Sûreté navale Vigier. Il est la cheville ouvrière du SR Edouard sans lequel rien ne marche, au point que Baudoin doit le faire revenir alors qu'il s'est éloigné de Toulon quelque temps pour raisons de sécurité. Mais Vigier est aussi le chef d'un sous-réseau du SR des MUR. C'est par lui que Baudoin peut rencontrer les chefs des MUR (Arnal et Sarie) avec lesquels il va préparer la Libération du port, et donc dépasser quelque peu le rôle classique du réseau de renseignement.

Son intervention, la place qu'il tient à ce moment-là, dans l'ultime période, auprès des MUR, sont les signes toulonnais de la montée en force générale des professionnels du combat dans la Résistance, le montre plus encore le développement de l'ORA, principale composante de la mouvance giraudiste.

 

3 - Les militaires s'imposent : l'Organisation de Résistance de l'Armée (ORA)

Vu de notre terrain de recherche, la filiation que l'on fait habituellement entre le CDM et l'ORA est artificielle. Le CDM, lié par certains de ses officiers à l'AS de Combat est démantelé à l'arrivée des Allemands. L'ORA n'est organisée que plusieurs mois après et par des hommes différents11.
Elle se constitue dans la XVe région militaire (qui correspond à R2) en février 1943, lorsque le colonel Zeller désigne le jeune capitaine Jacques Lécuyer Sapin pour la diriger. Instructeur à Saint-Cyr, en contact avec le réseau Carte comme d'autres officiers de l'école, repliée à Aix, il peut compter sur l'aide de ses saint-cyriens et sur celle des élèves de Saint-Maixent (qui se trouve aussi à Aix). Il monte avec eux une organisation très professionnelle, très cloisonnée et décentralisée12. Chaque département est pourvu de son état-major dont Lécuyer ne connaît que le responsable qu'il a désigné à partir d'une liste que Zeller lui a remis et ses adjoints immédiats. Chaque chef départemental établit son propre réseau.
Exception dans cet univers de jeunes officiers, le chef ORA du Var est le colonel Lelaquet Verny qui habite Hyères et qui ne s'est pas fait remarquer jusqu'ici dans la Résistance locale. À vrai dire, il n'est pas très à son fait dans l'action clandestine. Il est assisté pour ses liaisons par deux capitaines, Lombard François et Lions, lui aussi instructeur à Saint-Cyr, les deux seuls officiers que Lécuyer sache participer à l'ORA du Var, alors qu'il ignore que d'autres officiers de sa connaissance (comme le lieutenant-colonel Gouzy) en font également partie. Cette organisation n'est vraiment en place localement qu'à l'automne 194313.
Ce réseau d'officiers se considère comme l'antenne sur le sol français de l'Armée d'Afrique. La préoccupation dominante paraît être, pendant plusieurs mois, l'envoi d'officiers et sous-officiers en Afrique du Nord. Lelaquet intervient dans ce sens et l'on constate, à cette époque (été 1943), le départ de cadres des troupes coloniales vers l'Espagne. C'est ainsi qu'à la mi-août disparaissent de Carnoules quatre officiers dont le colonel Bedel, commandant l'unité coloniale qui y est stationnée, et deux sous-officiers14.
L'ORA s'impose à partir de l'automne comme un état-major, sorte d'AS bis sans troupes. Elle bénéficie pour se développer de l'esprit de corps et de la discipline qui unit les officiers de l'armée d'armistice et leurs hommes, non sans pression sur les déviants. Ceux-ci peuvent être des officiers qui participent à la Milice (ce qui est peu fréquent), comme le capitaine Larroudé, envoyé à Hyères pour remonter une section en perdition et qui, convaincu de son erreur (notamment par l'instituteur Ducret), devient l'un des bras droits de Lelaquet15, mais ce sont aussi ceux qui participent à une autre organisation de résistance, c'est-à-dire à l'AS. Une forte minorité des officiers ORA est composée de transfuges de cette organisation, comme, par exemple, le capitaine André à Hyères, officier de liaison de Lelaquet. Un démarchage assez systématique est fait parmi les officiers versés dans les administrations ou maintenus dans les troupes coloniales. Assez peu, parmi ceux qui participent à la Résistance, résistent à la pression, à l'instar du capitaine Salvatori, chef AS à Toulon (puis départemental), échaudé par le manque de prudence qu'il a constaté à l'état-major ORA, à Hyères. Beaucoup d'autres estiment, comme le lieutenant Picolet, membre de l'AS de Brignoles, qu'il est normal de participer à un mouvement issu de l'armée à partir du moment où il existe16. Cette attitude générale et les défections qu'elle entraîne dans l'AS émeuvent les chefs MUR, au plan national, comme au plan local. Sarie et Picoche interviennent auprès de Lelaquet pour que les officiers qui participent à l'AS ne soient pas menacés de ne pas être réintégrés dans l'armée en cas de refus de rejoindre l'ORA17. La suspicion est d'autant plus grande que le gaullisme n'est pas la caractéristique première d'une organisation liée par certains côtés au régime de Vichy et dont certaines recrues manifestent encore un attachement patent à la personne du Maréchal Pétain (ce dont elles n'ont pas le monopole, comme on l'a vu)18.
En fait, l'ORA impose ses cadres et sa présence au fil des mois. Des secteurs entiers de l'AS passent sous sa direction (Brignoles, Aix, Sisteron). La fusion régionale réalisée avec le MNRPG, en février 1944, à Toulon, lui apporte quelques recrues supplémentaires, surtout dans les Alpes-Maritimes (le mouvement est inexistant dans le Var)19. Dans les Basses-Alpes, la fusion AS-ORA, préparée fin décembre 1943, aboutit à la mise en place d'un état-major AS commun20. Si, au niveau régional, une certaine normalisation est perceptible, dans le Var, comme dans les Bouches-du-Rhône, la situation a plutôt tendance à s'aigrir, ce qui n'empêche pas le recul de l'AS.
Celui-ci se fait de façon différente ou inégalement selon les lieux. L'influence de l'ORA est nulle à Toulon où la Marine reste attachée à son autonomie et n'offre aucune prise au recrutement. L'envoi d'un officier chargé par le général Revers de préparer le passage des marins-pompiers dans les maquis de l'ORA n'aboutit à rien21. À Hyères, l'avance de l'AS est telle qu'elle limite la poussée de l'ORA à quelques défections individuelles. Par contre, le reste du département est plus largement pénétré.
Dans le secteur nord-ouest (région de Brignoles), les dix groupes de l'AS passent, par le biais de leurs chefs, sous son égide. L'artisan de l'affaire est Joseph Ducret Dumont, instituteur, officier de réserve et responsable local du Secours national à Méounes. Responsable AS du secteur, il participe déjà à la filière d'évasion des militaires vers l'Espagne22. Encouragé par la présence de quelques officiers, comme le lieutenant Piccolet, le transfert est accepté par tous les chefs locaux, socialistes en général, pour des raisons identiques à celles de leurs camarades aixois qui suivent le même cheminement. Comme l'écrit Jacques Lécuyer, ils ont appartenu jusque-là
“ à un mouvement qui les (a) déçus par des promesses non tenues, surtout en matière d'armement. ”23
L'ORA apparaît comme une organisation plus sérieuse. Elle peut obtenir des armes. Elle est complémentaire de la SAP à laquelle tous ces groupes participent au point que, dans le secteur, il y a confusion complète entre les deux organisations. On peut d'ailleurs se demander si le chef départemental SAP, un officier d'active venu de l'AS, le commandant Berthe, n'a pas favorisé le transfert. Cet héritage AS et cette synergie SAP aidant, il s'agit là du seul secteur où l'ORA contrôle la majeure part des groupes “ militaires ”. Il s'étend de la vallée du Gapeau (Solliès-Pont), au sud, à la vallée du Verdon, au nord, et de Cabasse, à l'Est, aux Bouches-du-Rhône (Pourrières) à l'Ouest. D'abord considéré comme un secteur unique placé sous l'autorité de Ducret, la partie qui se trouve au nord de la RN 7 est détachée par la suite et confiée au lieutenant-colonel Gouzy Barthélémy. Chef du secteur de Saint-Raphaël au départ, réputé maréchaliste, cet officier de l'Infanterie coloniale remplace à Saint-Maximin un adjudant en retraite qui n'a pu faire grand chose jusque-là. Présenté par le chef AS de Brue-Auriac, l'instituteur socialiste Chabaud, il reçoit l'appui des petites élites de ces villages “ rouges ” où la Résistance ne saurait qu'être une. Victorin Henry, inamovible maire SFIO de Rougiers et l'un des plus actifs syndicalistes agricoles du Var, héberge l'un de ses officiers. Il est chef du groupe du village, tout comme le sont Jules Arnaud, le maire SFIO de Pourcieux, Ernest Jean, l'ancien maire communiste de La Verdière, les instituteurs communistes ou socialistes de Vinon, Bras ou de Varages. C'est dans ce dernier village, au restaurant La Cigale de la famille “ rouge ” Coulomp, que Gouzy établit son PC en mai 1944, avec l'appoint de plusieurs officiers ou sous-officiers de carrière (Piccolet, François Abiven, Raymond Coustoulin, etc.) et de moyens radios parachutés24.
Dans l'arrondissement de Draguignan, il n’y a pas véritablement concurrence avec l'AS dans la mesure où celle-ci, dirigée alors par deux officiers d'active, Fontès et Blanc, bénéficie de l'appui de l'ORA. Elle est intégrée à son organigramme. Le capitaine Fontès fait partie de l'encadrement des Eaux et Forêts. Cette administration sert de couverture à une partie des cadres de l'ORA Le capitaine Lions y a fait entrer le lieutenant Picolet, lui aussi passé par l'école de Saint-Cyr, et le lieutenant Silvani25. Celui-ci, à Fréjus-Saint-Raphaël, est devenu l'élément militaire le plus actif et prend une certaine ascendance sur l'AS. Les quelques sabotages de voie ferrée revendiqués par celle-ci dans le secteur, en 1944, sont vraisemblablement faits à l'initiative de l'équipe Silvani26. Les uns et les autres inspectent, aident, éventuellement intègrent les chantiers forestiers qui, sans le savoir précisément (ce qui n'a guère d'importance à ce niveau), sont comptabilisés dans les éléments ORA. C'est ainsi que le chantier d'Ungemacht-Benedite au Pelenq, dans le Haut-Var, est considéré comme en faisant partie en février 1944 (par l'intermédiaire du chef AS de l'arrondissement Fontès), et réceptionne un parachutage le 11 mai, avant d'être directement pris en main par l'ORA.
L'ORA reste un petit réseau, mais son importance ne peut se mesurer à ses seuls effectifs. Elle compte dans le Var peu d'adhérents directs27, mais ce sont presque uniquement des cadres prêts à prendre les troupes en main. Aussi l'activité de Lelaquet est-elle une activité d'état-major, chargé de mettre au point le projet militaire d'ensemble des opérations à venir, préparant le Plan vert, découpant en tronçons les voies de communication où des “ bouchons ” doivent être installés au moment du débarquement, intégrant des éléments de résistance qui ne dépendent pas de l'ORA dans ses effectifs en cherchant à associer une zone de maquis, un terrain de parachutage et des dépôts d'armes. D'où les contacts noués avec des groupes très divers, ainsi dans le secteur de l'Est-Varois où le lieutenant Silvani est en relation, au printemps 1944, avec un maquis à dominante FTP (celui de Brovès) et une équipe de parachutage SAP par laquelle transite une partie de l'armement ORA des Alpes-Maritimes28.
La montée en puissance de l'ORA, malgré ses effectifs réduits (par rapport à ceux de l'AS), ne résulte pas du hasard, mais de la rencontre de deux phénomènes. D'abord, du côté d'Alger et de l'état-major national ORA, la volonté d'échapper à la tutelle des “ politiques ” et de donner aux militaires la direction de la Résistance dans le domaine qui est naturellement le leur (ce qui n'exclut pas des visées politiques dont les acteurs n'ont pas forcément conscience). Mais les spécialistes de la guerre, les officiers, exercent une fascination certaine sur la Résistance civile, tant chez les communistes (mais leurs possibilités de recrutement dans ce milieu sont limitées), que, surtout, dans les MUR où, dès le début, on a essayé d'attirer, souvent en vain, des recrues de ce type. En se “ militarisant ” dans ses échelons supérieurs, l'AS a ouvert la voie à la prise en main par les militaires de la Résistance armée. C'est l'ORA qui tire les marrons du feu, comme on le verra avec la constitution des FFI29. N'est-il pas significatif en effet de constater que l'on met sur un pied d'égalité la dernière-née et la plus petite des organisations clandestines et les deux gros ensembles que forment les Résistances gaulliste et communiste ?

Cette mise en place volontaire d'un troisième pôle de résistance résulte d'un choix qui est à la fois politique et technique. Dans certains milieux de la Résistance intérieure, ne s'inquiète-t-on pas de la poussée communiste et de la faiblesse à cet égard des MUR ? À Londres ou Alger (et, sur ce plan, les giraudistes et les gaullistes des services militaires raisonnent de même), ne nourrit-on pas les mêmes craintes (et peut-être plus encore, dans la mesure ou les MUR, toutes tendances confondues, sont, de toute façon, considérés comme trop politiques) ? Pour des raisons en partie militaires (l'heure des combats approche), en partie politiques (éviter que les “ politiques ” de la Résistance n'aient l'instrument militaire entre leurs mains), l'appoint reçu de l'extérieur par les organisations de “ professionnels ” est sur ce plan extrêmement éclairant.

 

4 - Parachutés et parachutages

Pour l'essentiel, les moyens qui parviennent en 1944 à la Résistance intérieure ne profitent directement ni à l'AS des MUR, ni aux FTP. Il est vrai que les bases sont extrêmement mêlées. Il n'en reste pas moins que ces moyens sont contrôlés par la nébuleuse qui forme le troisième pôle de résistance, dans lequel l'ORA et la SAP tiennent une place prépondérante.

Qu'il s'agisse des liaisons par sous-marins ou des liaisons aériennes, en 1943 ou en 1944, l'interlocuteur privilégié d'Alger n'est pas la Résistance “ civile ”. Ses équipes font, sauf exception, comme si elle n'existait pas30. Elles ne sont même pas informées de l'existence de structures comme les CDL ou d'états-majors autres que ceux de tel ou tel réseau, de la SAP ou de l'ORA.

 

a - Les missions parachutées

    Une dizaine de missions sont parachutées ou débarquées pour servir en Provence. Elles sont composées, en général, de deux hommes, un officier et un radio. Huit sont directement contrôlées par l'ORA Installées et supervisées par le capitaine Arniaud Isnard, chef du service radio ORA R2, elles sont réparties dans toutes la région. Envoyée par le BCRA, la mission interalliée du capitaine Chanay Michel ou Manuel sur laquelle nous reviendrons, est différente dans sa finalité, mais possède les mêmes interlocuteurs privilégiés et partage les mêmes analyses31.

Trois de ces missions intéressent directement le Var :

- La mission Dominique - Ferdinand qui aurait eu peu de résultats. Arniaud en attribue la responsabilité à “ l'état embryonnaire ” de la Résistance locale. Ce jugement, un peu rapide, ne peut être repris, même en considérant qu'il y a confusion entre l'ORA et toute la Résistance. Cette équipe, dirigée par le capitaine Durand Dominique, est chargée à l'origine d'assurer la liaison radio du DMR Burdet Circonférence, mais, celui-ci l'ayant laissée à la disposition de l'ORA, elle sert en fait au secteur nord-ouest du Var, ce qui, en effet, représente un cadre territorial d'autant plus limité que l'activité est surtout orientée vers l'organisation des groupes et la préparation des opérations de la Libération. Abritées à Châteauvert et à Barjols, les émissions servent au moins à obtenir le parachutage du Pelenq32. Sans doute, le radio est-il utilisé aussi pour faire passer une partie des messages de la région ORA.
- Au mois de mai, ce même secteur est renforcé par l'opérateur radio Bertrand. Parachuté dans le Vaucluse, il émet à partir de Varages et de Barjols33. On ne sait quelles sont précisément ses attributions.
- Mais la mission la plus importante est celle de François-Paul, parachutée le 8 mars à La Motte d'Aigues (Vaucluse). Dirigée par François Pelletier Ruben, elle est chargée d'établir une liaison maritime entre la presqu'île de Saint-Tropez et la Corse. Pelletier est installé dans le Var grâce au capitaine Lions, l'un des adjoints du chef départemental ORA, qui lui assure les liaisons nécessaires pour pouvoir travailler. Il obtient par là un faux certificat de travail donné par un vétérinaire hyèrois, de faux papiers d'identité fournis par Pierrugues (AS, réseaux) de Saint-Raphaël, des boÎtes aux lettres à Saint-Raphaël (un assureur, correspondant local de L'Eclaireur de Nice) et à Toulon (un sous-officier de l'armée de l'air, place de la Liberté), des convoyeurs (des militaires camouflés par les Eaux et Forêts), un hébergement et une équipe de quatre hommes à Cogolin34. Pendant ce temps, son radio, Paoli Paul, est pris en charge par la Résistance dracénoise. Il est hébergé et protégé par des éléments de l'AS et d'un groupe de jeunes garçons, à base lycéenne, qui s'est constitué à l'automne 1943, le Groupement d'avant-garde républicaine (GAVR). Paoli a été réceptionné par Julien Cazelles et Ludovic Altieri qui se consacrent désormais davantage au renseignement qu'aux MUR35. C'est par leur intermédiaire que Pelletier fait connaissance avec la Résistance tropézienne (le maire René Girard et l'architecte Marc Rainaud, membres du Front national, mais politiquement proches des MUR). Il s'y s'installe avec son radio, et, par Jean Despas, l'homme clé de toute de l'activité clandestine de la région, il ne tarde pas à s'intégrer à cette résistance locale, peu orthodoxe (vue d'Alger). Durant cette période, Pelletier repère le littoral avec ses hommes, choisit et démine un emplacement (Le Virol). Il parvient à organiser deux liaisons, les 28 avril et 21 mai 1944. Elles permettent le débarquement d'une équipe météo (Armand-Jean) et d'un membre de la Mission interalliée, le docteur Rosencher Raoul36, ainsi que l'embarquement, entre autres, du chef SAP R2, Camille Rayon Archiduc ou Pierre Michel.

Malgré les efforts jaloux de ce dernier pour préserver l'autonomie de son organisation, la SAP est une autre pièce essentielle du troisième pôle de Résistance. Elle est aussi au centre de bien des controverses.

b - La Section Atterrissage et Parachutage (SAP)

Cette émanation du BCRA est l'illustration de la volonté de contrôle qui prévaut dans la Résistance extérieure vis-à-vis des mouvements de l'intérieur, et des MUR tout particulièrement. Par souci de garder en main l'approvisionnement en armes, elle surimpose cette création artificielle aux organisations qui ont commencé à prospecter les terrains de parachutage avant même l'Occupation. Avec la formation des MUR et de l'AS, ce travail a été continué sous la direction du commandant Berthe Dick, chargé d'en assurer la coordination départementale.

Malgré les repérages faits, notamment dans les régions de Brignoles et Fayence, il n'y a aucun parachutage pendant l'occupation italienne. Les résistants qui ont consacré beaucoup de temps à ce travail sont désappointés. L'espoir se ranime dans l'été avec l'organisation du COPA, appelé bientôt SAP, qui promet aux MUR d'attribuer 50 % des armes parachutées aux maquis. Le Secrétariat général des MUR met donc son organisation à sa disposition et demande à ses responsables de faire connaître à ce service les terrains prospectés37. Proposé par les MUR, Raymond Berthe devient le départemental SAP, sous la responsabilité de Camille Rayon et de son adjoint Mariani qui parcourt la région en enregistrant les terrains repérés par les groupes locaux de l'AS.
À l'automne 1943, les groupes dont les terrains sont en cours d'homologation forment des équipes de réception. Dans le secteur de Brignoles, cette mise en place se fait sous la direction des chefs MUR, Marius Brunet Vins et Jean Ferrari Elan, que Berthe a désigné comme son adjoint et remplaçant éventuel.  À Fayence et dans les environs, le lieutenant Pigault Guibert, chef de l'AS, fait un travail identique, avec l'aide de Madame Michel-Jaffart et de son fils adoptif, d'origine allemande, René Schneider38. Ces deux zones regroupent la plupart des 24 terrains homologués dans le Var par la SAP et concentreront tous les parachutages de cette organisation.
Le secteur le plus important est constitué par le quart nord-est du Var, en  lisière du Plan de Canjuers (huit terrains homologués). Il reçoit le premier parachutage SAP dans la nuit du 30 décembre 1943 et enregistre au total 11 succès et près de 27 tentatives vaines jusqu'au 6 juin 194439. Les terrains du secteur sont servis par les équipes de Fayence, Montauroux, Callian, Seillans, Bargemon et Mons. Dans ces villages unanimistes, les équipes sont aussi composites que dans le secteur de Brignoles. Les communistes, intégrés d'abord dans l'AS, y jouent un rôle important, en particulier à Montauroux sous la direction de Justin Blanc, mécanicien de l'aviation, recruté par Berthe qui a été l'un de ses officiers. À Bargemon, l'équipe locale est aussi diverse politiquement, bien que dirigée par l'abbé Aloysi, chef AS, gaulliste notoire, que le SD vient arrêter le 24 avril 1944. Cette région est particulièrement précieuse aux yeux de Rayon dont le PC se trouve non loin, à Antibes. Mme Michel-Jaffard abrite l'un des émetteurs de la SAP, servi par Charles Thomas Nestor, depuis octobre 1943. L'intervention du SD, vraisemblablement fin avril 1944, l'oblige à déménager et à gagner Apt où Rayon a porté le PC régional40. Pigault, recherché, est alors obligé de quitter la région. Lorsque, peu après, Rayon s'apprête à partir pour Alger, il félicite René Schneider et Blanc pour le travail accompli et les encourage à continuer avec le même sérieux41. À ce moment-là, une équipe se tient pratiquement en permanence au Malay, près de Prisonnier, le terrain principal.

Le secteur de Brignoles reçoit des parachutages en moins grand nombre et un peu plus tard. Les opérations débutent par une série d'attentes vaines et de déboires en février- mars. Dans la nuit du 9 février, un parachutage est éparpillé par le mistral à plusieurs kilomètres du lieu de réception prévu (près de La Roquebrussanne). Repéré par les gendarmes (français), il est remis aux Allemands. Au total, il y a six échecs, avant d'obtenir enfin le succès au début avril. Les opérations suivantes se dérouleront avec plus de réussite (quatre succès et un échec), mais non sans quelques émotions et une grosse déception, lorsque, le 26 mai, le parachutage tombe sur la ville même de Brignoles - y compris sur le cantonnement allemand ! - le pilote ayant été trompé par les lueurs de la cité. À ces parachutages, s'ajoutent ceux que le secteur obtient, à la même époque, par Ritz-Crocus ou l'ORA (au moins deux) et celui que le SOE avait organisé en 1943.

Il n'y a pas de parachutages SAP (ou autres), hors de ces deux régions et mis à part la limite bas-alpine du Var, dans les environs de Saint-Julien-le-Montagnier-Vinon, qui est servie par des équipes du département voisin. Plusieurs terrains sont pourtant homologués ailleurs (Les Arcs, Vidauban, Villecroze, Salernes, Lorgues, Aups). Les équipes sont formées, mais les quelques parachutages annoncés (au moins quatre) n'aboutissent pas.

Au total, la Résistance varoise a réceptionné, au 6 juin 1944, dix-sept parachutages SAP, soit environ 220 containers et 120 paquets qui contiennent surtout des armes et des munitions ou des explosifs, mais aussi des chaussures, des médicaments ou des vivres. Ce n'est pas négligeable. Il est impossible de savoir ce qu'il est advenu précisément de ce matériel. Une partie, importante, a été cachée sur place. Le reste a été ventilé, vers les Alpes-Maritimes en particulier. Le DMR Burdet lui-même ne peut obtenir de Rayon un bilan précis de ce que la SAP a réceptionné en R2 alors qu'il veut le faire distribuer42. C'est l'un des problèmes qui se trouveront au cœur des polémiques du printemps 1944.
Les relations entre la SAP et les MUR (qui ont contribué à faire naître cette organisation et ont fondé beaucoup d'espoirs dessus) se tendent rapidement, à partir du moment où il devient évident qu'elle leur échappe. Là encore, ce sont des querelles d'états-majors qui passent par-dessus la tête d'une base largement commune et qui ne distingue pas entre les uns et les autres. Il arrive pourtant que les heurts descendent à ce niveau. À Aups, lorsque le chef du groupe SAP (et AS) veut prendre le maquis AS sous sa coupe, l'affaire provoque non seulement la dissolution que nous avons déjà évoquée, mais aussi de vives réactions de la part de l'arrondissement MUR qui voit dans cette initiative la manœuvre d'une organisation concurrente. Il ordonne à ses chefs de canton de ne collaborer qu'aux parachutages AS (il n'y en aura aucun) et de laisser à “ la S.A.P. le soin d'organiser les siens comme elle l'entendra ”43. De fait, l'existence de la SAP est un élément d'affaiblissement pour les MUR qui perdent le contrôle de certains de leurs hommes et se trouvent face à ce qui apparaît plus comme un mouvement concurrent qu'une organisation complémentaire. Juvénal et les responsables varois n'ont pas de mots assez durs à son égard pour son refus de leur fournir des armes44.
L'affaire se complique d'une polémique supplémentaire qui oppose MUR et communistes. Exclus des parachutages, les FTP réclament d'autant plus leur part d'armes qu'ils critiquent l'attentisme des autres organisations, ou plutôt l'attentisme de l'AS. En effet, celle-ci (et donc les MUR) est la cible exclusive de leurs attaques. Ils confondent tout ce qui n'est pas eux dans le même ensemble appelé d'autant plus volontiers l'AS que les bases, il est vrai, sont identiques et qu'ils peuvent ainsi dénoncer leurs adversaires politiques privilégiés, les socialistes45. Sur le terrain, les relations sont parfois tendues après que les FTP aient fait main basse sur plusieurs dépôts d'armes, vers février-mars 1944, scandaleusement inemployés à leurs yeux (dépôt SOE de Brue-Auriac, dépôts SAP de Bargemon et Montauroux) par des équipes qui sont tout à la fois SAP, MUR, AS et/ou ORA L'emplacement des dépôts leur a été fourni par des communistes intégrés dans les équipes de réception, probablement isolés de l'organisation clandestine du Parti et qu'il a été assez difficile de convaincre46. Au début du printemps, des accords vraisemblablement locaux interviennent au moins à Montauroux47 pour fournir des armes aux FTP et à Brignoles pour que les communistes constituent une équipe de réception. Mais les conflits ne sont pas réglés pour autant. À Brignoles, Ferrari a un différend sérieux avec le chef de cette équipe, le fils du député Gaou48. D'autre part, il fait déplacer un dépôt lorsqu'il apprend que l'un des communistes de son groupe a fourni des armes aux FTP de Tourves.

L'existence même de la structure supplémentaire que constitue la SAP ne fait qu'envenimer un peu plus les relations tendues entre pôles de résistance concurrents. Elle crée un imbroglio que les conditions mêmes de la clandestinité (méconnaissance réciproque, difficultés de liaisons, danger) accentuent. Germe de rivalités et de polémiques (pas toujours fondées), la SAP n'a pas joué en R2 le rôle que les autres organisations auraient pu en attendre. Mais avait-elle été faite pour ça ?

La direction de la SAP fait preuve d'un patriotisme d'organisation exacerbé. On le ressent nettement à travers la lettre, déjà citée, que Rayon envoie à Schneider, le 15 mai. Non seulement il montre à l'égard de ses hommes une attention quasi paternelle (qui l'honore), mais encore il prend soin d'affirmer que

 “ notre chère section (la SAP) est de loin, croyez-moi, la plus propre et celle qui fait le plus de travail militaire immédiat à la barbe des boches... Il n'y a jamais eu de jalousie ou de malentendus dans la S.A.P. Nous ne faisons pas de politique ”.

Il termine en demandant de toute urgence le nom et la qualité du résistant “ qui a osé dire que la S.A.P. était dissoute. ”49

Cette susceptibilité à fleur de peau s'exprime vis-à-vis de tout ce qui est extérieur à la SAP. L'entente ne règne pas plus entre Rayon et Lécuyer qu'entre Rayon et Juvénal. Mais, de fait, sur le terrain, les deux actions vont dans le même sens. Elles s'épaulent. L'orientation “ anti-politique ” est la même. Elles font partie des organisations “ sérieuses ”, reliés à l'outre-mer. Il y a synergie et appartenance au même conglomérat dirigé de l'extérieur.

 

*

*     *

 

Au fil des mois, s'est édifié, empiriquement, un nouveau pôle de résistance. Il s'est surimposé aux MUR qui croient au départ pouvoir l'intégrer. Il s'est construit à partir des éléments qu'ils ont rassemblés, souvent déçus par l'inaction ou attirés par les responsabilités que les nouvelles organisations peuvent leur offrir. Réseaux de renseignements d'abord, réseaux davantage tournés vers la préparation militaire de la Libération ensuite sont étroitement dépendants de la Résistance extérieure, en particulier des états-majors militaires alliés ou français. Intégrés dans leur stratégie militaire, ils possèdent des moyens importants qui ne sont pas pour rien dans la rapidité avec laquelle ils élargissent leur assise. La place que les militaires de métier occupent désormais s'est développée d'autant plus que l'approche de la Libération leur offre un champ d'action et de responsabilités étendu. Ces nouveaux réseaux sont souvent dirigés par des hommes issus de milieux socio-politiques différents de ceux qui contrôlent les autres organisations de résistance (gaullistes à dominante socialiste et communistes).

 Pôle à vocation militaire, dirigé surtout par des militaires, agglomérant plus ou moins l'ensemble des diverses antennes de la Résistance extérieure et des Alliés, il révèle sa force au printemps 1944 et s'interpose entre les MUR et les communistes, comme un troisième candidat au partage du pouvoir résistant.



 

1. ADV, 1 W 108, tém. Blouet, 21 juin 1948 (Melle Patrimonio).

2. Nombreux récits, outre cmdt LHERMINIER, op. cit., P. NORD, Mes camarades sont morts, Paris, 1970, t. 2, p. 275, G. GUILLAUME, Mes missions face à l'Abwehr, Paris, 1973, t..2, p. 170 et suiv., P. PAILLOLE, op. cit., p. 460, M. GARDER, op. cit., p. 384 et suiv., avec des divergences sur les dates du débarquement (Paillole : 5 février, Garder et les autres auteurs le 7).

3. Tém. M. Hacq 1943 et 1985.

4. M. Maurin et M. Hacq (1943 et 1985), tém. cit. Description in V. MASSON, La Résistance ... op. cit., p. 102.

5. Tém. J. Despas, 2 avril 1948 (Fonds Masson). Intervention partiellement vaine en ce qui concerne la Résistance locale.

6. Récit in P. NORD, op. cit., t. 3, p. 193-203, par le général Zeller, souvenirs de son voyage de France en Algérie en septembre 1943 (description précise du transfert de Marseille à Saint-Raphaël et, de là, à La Foux, puis chez Ottou et embarquement sur L'Aréthuse), dactyl., in SHA, 13 P 17. S'embarquent par là également le général Chouteau, le colonel Granier, chef de l'AS de Lyon, le capitaine de Neuchèze, évadé de Compiègne et qui emporte roulé sur son corps le drapeau de son régiment, le capitaine Vellaud, “ patron ” de TR jeune, tandis que débarquent les agents qui vont opérer dans la région et le capitaine de Saint-Hilaire qui va créer le réseau Marco à Paris.

7. Là encore, nombreux récits de cette affaire (mais le rôle des “ locaux ” est occulté) avec des différences de date. L'opération, prévue le 26, est retardée de 24 heures et l'accrochage a lieu le 27 : H. NOGUÈRES, op. cit., t. 4, p. 218, P. PAILLOLE, op. cit., p. 518-520 (Alsfasser vient d'exécuter l'intendant de police de Toulouse et récit de Monique Giraud), M. GARDER, op. cit., p. 455, P. NORD, op. cit., t. 3, p. 124.

8 . J. Israël, né à Nancy en 1905, mourra à la prison des Baumettes, après une évasion manquée... le 23 juin 1944. Ordre de mission reproduit in J.-M. GUILLON, Le Var... op. cit., document 136. Pothuau sera déporté.

9. À noter que l'Abwehr organise, elle aussi, mais en sens inverse, de telles liaisons par vedettes avec la Corse, à partir de Sainte-Maxime.

10. Sur ce SR, tém. Blouet déjà cité. et plusieurs tém. de Baudoin, dont un publié in RÉMY, La Résistance en Provence, Genève, 1974, t. 2, “ La Marine dans la Résistance à Toulon ”, p. 171-193, et surtout La participation de la Marine française à la Résistance, 27 septembre 1980, dactyl. (Fonds Masson).

11. À noter que le nom de l'organisation est variable. Les circulaires d'avril 1944 des MUR la désignent encore sous le sigle OMA (Organisation militaire d'action). Elle est désignée aussi sous celui des GAM (Groupes d'action militaire) jusqu'à la Libération. Pour le colonel Paillole, l'ORA sort des GAD (Groupes d'autodéfense), groupes cherchant à repérer les ennemis infiltrés, formés avant la Libération et dont il a été l'un des instigateurs.

12. J. Lécuyer a donné plusieurs tém., dont Etude sur la Résistance, 1969, dactyl., SHA, 13 P 53, Basses-Alpes) et SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 22 et suiv. Tém. oral 1984.

13. Lelaquet devait être intronisé comme chef départemental, à Vichy, à la mi-septembre 1943, mais le voyage s'interrompt à Aix-en-Provence avec l'arrestation de l'officier de liaison qui l'accompagne (15 septembre). Même chose dans les Basses-Alpes où le commandant Chaumont ne commence vraiment le travail d'organisation que fin septembre 1943 (SHA, 13 P 53, journal de marche).

14. ADV, 3 Z 4 13, disparition signalée le 18 août 1943. Sans doute font-il partie du convoi que l'adjudant-chef Santini dirige vers l'Espagne (quatre officiers, onze sous-officiers et hommes de troupe). La plaque tournante de ces départs est peut-être le propriétaire du Post-Bar, à Toulon, Pourchier, qui remet 50 000 F à Santini pour le voyage, le 22 août. Pourchier fait partie de l'amicale du 21e RIC. Il est chef de groupe AS, tout comme Eugène Delangre qui aurait effectué cinq liaisons vers l'Espagne et a sans doute conduit le colonel Bourgund, ancien commandant du 21e RIC, en décembre 1943 (Arch. privées).

15. ADV, 1 W 120, dossier Co., sur sa participation à la Milice et SHA, 13 P 54 enquête de la gendarmerie de la Roquebrussanne, 26 mars 1958 (tém. Ducret).

16. Tém. Salvatori 1983 qui a été mis en relation par Marseille avec Lelaquet. Le contact n'a pas été bon. Tém. Picolet (obtenu grâce à l'amabilité du général Lions) manuscrit 24 janvier 1985.

17. Tém. L. Picoche, La Résistance dans le canton..., op. cit., et tém. M. Juvénal (1947) déjà cité qui confirme les menaces sur la carrière future des officiers. Tém. concordant dans les Basses-Alpes (J. VIAL, op. cit., p. 153). Cet “ impérialisme ” sur tout ce qui est militaire n'a pas disparu puisque l'historiographe de l'ORA, A. de DAINVILLE, op. cit., p. 293, fait de Salvatori et du commandant Tisserand, chef de l'AS à Hyères les adjoints de Lelaquet.

18. On remarquera que le contact avec l'échelon national ORA se fait à Vichy par l'intermédiaire d'un responsable important de la Légion des Combattants (SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 277).

19. La fusion est décidée à Toulon, car Lécuyer y a loué un appartement. Le Mouvement national de Résistance des prisonniers de guerre est dirigé régionalement par Pierre Merli d'Antibes. Assiste aussi à la réunion Foatta, chef départemental des Alpes-Maritimes (H. NOGUÈRES, op. cit., t. 3, p. 530, A. de DAINVILLE, op. cit., p. 278, SAPIN et quelques autres, op. cit., p.36).

20. Effective en janvier 1944 ; le chef départemental ORA est devenu chef AS départemental, non sans soulever quelques ressentiments chez les civils (SHA, 13 P 53, Journal de marche du commandant Chaumont).

21. A. de DAINVILLE, op. cit., pp. 286-287 : l'envoyé du général Revers est Saint-Guilly. C'est à ce moment-là que le SR Marine a pris contact avec Lelaquet.

22. SHA, 13 P 54, Var, attestation du lieutenant Vanni : filière concernant les hommes des 24e et 25e BCA d'Hyères, montée par le commandant Moillard (sans doute septembre 1943, et non 1942, comme indiqué dans ce document).

23. SAPIN, op. cit., p. 33 et, dans le même ouvrage, tém. du chef ORA d'Aix qui reconnaît qu'il y a eu une greffe par suite de l' “ attirance vers ce qui semblait davantage tourné vers l'action et qui, de ce fait, était mieux pourvu en moyens venant de l'extérieur ” (p. 288).

24. Cyprien Coulomp est socialiste et libre-penseur, membre actif du cercle des Montagnards (tém. Maria Coulomp 1981). Abiven et Coustoulin seront tués en Alsace en 1944. L'organisation du secteur est décrite par le colonel GOUZY, op. cit. De facture très militaire, surtout intéressant pour la période de la Libération, cet historique est à utiliser avec précaution. Il annexe à l'ORA des groupes différents. Il a probablement servi de source à A. de DAINVILLE, op. cit., p. 293, qui confond ce secteur et l'ensemble du département (division en cinq sous-secteurs avec guérillas de quinze hommes, ce qui est l'organisation donnée par Gouzy pour son seul secteur après la Libération).

25. Tém. A. Lions 1984 et Picollet 1985.

26. SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 378, tém. du sous-lieutenant Baur qui prépare des coupures à faire sur la voie ferrée, à Saint-Raphaël.

27. Il est impossible de connaître l'état des effectifs. Ils sont évalués pour la R2 a environ 350 hommes avant juillet 1944 (AN, CHG, ORA, organigramme de l'ORA zone Sud).

28. SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 123 et 310 (tém. du sous-lieutenant de Boisfleuri Pyra).

29. Évolution déjà signalée par J. GIRARD, op. cit., p. 102 (préjugé favorable à l'ORA reposant sur sa technicité et que la création des FFI va accentuer).

30. M. RUBY, op. cit., t. 2, p. 663 cite la protestation du CD des MUR du 19 février 1944 à ce sujet.

31. S.H.A. 13 P 54, note du capitaine Arniaud, 13 décembre 1944 (reproduit par M. BAUDOIN in Témoins de la Résistance, Aix, 1977, t. 2, p. 325) qui énumère presque toutes ces missions. Elles sont, en général, parachutées dans la Drôme ou le Vaucluse. La première (François-Maurin) arrive en octobre 1943. Toutes les autres en février ou mars 1944. Le chef régional de l'ORA qui utilise plusieurs de ces postes pour ses transmissions (sans avoir directement contact avec eux) n'a “ jamais su exactement avec qui ” il était relié. Un de ses adjoints précise que tous ces postes étaient en liaison avec Alger, sauf un avec Londres (SAPIN et quelques autres, op. cit., p. 22 et 385). Parmi ces missions, celle de Seignon du Possel Noël qui trahira ses camarades. La mission interalliée est parachutée fin mars.  

32. Cette mission a été parachutée dans la Drôme. Elle est installée dans le Var par le capitaine Lions qui a été le professeur de Durand. Le radio est caché par le maire de Châteauvert, village dispersé, près de Brignoles, ou par Garcin de Barjols. Burdet se plaint d'avoir laissé cette équipe à l'ORA et d'être ainsi devenu dépendant d'elle pour ses transmissions ( tém. cit.).

33. Mission parachutée le 11 mai 1944 à Mirabeau. Il réside au PC de Gouzy à Varages. L'opérateur en question (Le Fustec) n'a pas répondu à notre demande de renseignement.

34. Tém. A. Lions 1984 : Pelletier lui a été confié par Lelaquet et Lecuyer. Il l'a conduit à Saint-Raphaël où il est pris en charge par l'adjoint de Silvani, le sergent Barral (tué à la Libération) et mené à la maison forestière du Plan-de-la-Tour, puis à Cogolin chez le sergent Jean Patachini qui a recruté l'équipe et l'héberge un moment (Patachini, rapport d'activité, 14 décembre 1944, transmis par A. Pelletier). Gaston Caramagnol est sa boîte aux lettres à Saint-Raphaël et Galvin à Toulon (boîte aux lettres de Durand aussi). L'un des hommes de l'équipe de Cogolin était PPF.

35. J. Cazelles et L. Altieri, tém. cit. Sur le GAVR, V. MASSON, op. cit., p. 38-39. Ce groupe, créé en septembre 1943, comprend surtout de jeunes lycéens gaullistes, mais il s'est formé indépendamment des MUR.

36. H. ROSENCHER, Le sel, la cendre et la flamme, Paris, 1985.

37. Arch. Amigas, circulaire du SG des MUR (Cie des lampes Mazda à tous comités de répartition), 9 août 1943. Le commandant Berthe a été mis en rapport avec la direction départementale MUR par le groupe Libération de La Seyne (G. Amigas, tém. cit.).

38. J. Ferrari et M. Brunet, tém. cit. et sur Fayence, ADV, 1 W 94, Rapport sur la Résistance à Fayence, s.d., dactyl. Liste des terrains et des opérations in V. MASSON, op. cit, p. 96 et suiv. L'étude précise de la SAP est rendue difficile par l'absence de témoignage en ce qui concerne Berthe, prématurément disparu, et par le mutisme dans lequel se tient Camille Rayon.

39. Premier terrain servi : Anier (localisation précise non retrouvée, est-ce un terrain du SOE ? en tout cas les équipes locales sont les mêmes). Remarquons que la chronologie SAP est identique pour toute la région R2 (formation des groupes en septembre-octobre, premiers parachutages 3 décembre dans les Basses-Alpes et début janvier 1944 dans la très importante région d'Apt).

40. Affaire peut-être liée à l'arrestation d'Aloysi à Bargemon qui a été pris avec deux réfractaires. Une grande quantité d'explosifs aurait été trouvée. Pourtant l'abbé s'attendait à l'arrestation et avait fait évacuer les armes cachées dans l'église par les Stalenq de Seillans. Sur Thomas, tém. de celui-ci, du 25 mars 1945, très émouvant puisqu'il disparaît peu après en mission, mais aussi très intéressante description du travail de l'opérateur radio in F. JEAN, J'y étais, Apt, 1987, p. 162. À peu près au même moment, le radio de la mission interalliée, le lieutenant Lancesseur Victor, aurait émis lui aussi dans la région (confusion entre les deux possible).

41. Arch. privées, lettre du 15 mai 1944. Rayon va s'embarquer le 19 à Saint-Tropez, avec Hercule et Henri (l'embarquement aura lieu dans la nuit du 20).

42. Tém. Burdet, op. cit. : il n'a pu avoir des chiffres précis sur le tonnage reçu (25 à 100 tonnes), bien qu'il soit resté un mois à Antibes avec Rayon (mars-avril). L'adjoint SAP lui télégraphie encore le 13 juin 1944 qu'il est “ impossible d'avoir un compte exact des armes reçues, car trop dangereux ” . Jusqu'à l'intervention de Burdet, seuls deux parachutages avaient été distribués à des groupes spéciaux dans toute la R2.

43. Arch. Amigas, lettre de Garrus à Amigas, 25 février 1944.

44. M. Juvénal, tém. cit. et même position dans la Synthèse sur l'action des MUR, rédigée par Picoche, Sarie et Arnal, dactyl., sd (vers 1980), Masson.

45. On remarquera que les négociations “ nationales ” engagées entre les communistes et l'ORA échouent précisément à cause de la confusion (volontaire ?) entre ORA et AS dans laquelle on la croit intégrée (S. COURTOIS, op. cit., p. 411).

46. Tém. Manzone 1980, Jourdan 1981.

47. Arch.ANACR, Historique de la Résistance et de l'affaire Ch. Louis, à Montauroux, sd, dactyl. (accord conclu entre Blanc et le responsable SAP pour armer les groupes FTP). Peut-être l'accord couvre-t-il tout le secteur de Fayence ?

48. Tém. J. Ferrari, s. d. (Fonds Masson) : en avril 1944, il reproche au fils Gaou de ne pas être monté, par deux fois, avec son équipe réceptionner un parachutage. Celui-ci se justifie en avançant la possibilité d'une trahison dans l'entourage de Ferrari. L'hypothèse est fausse et l'argument qui la fonde (avoir vu parler un membre de la famille Ferrari avec un Allemand) pour le moins faible. Mais on voit là combien, entre socialistes et communistes, les relations sont empreintes de suspicion.

49. Arch. privées, lettre du 15 mai 1944.