Politiquement, la césure essentielle se situe avec le retour de Laval au gouvernement. Militairement et psychologiquement, elle coïncide avec les débuts des Occupations. Car le Var en connaît deux. Elles ne pèsent pas de la même façon. Celle des Italiens est sensiblement différente de celle que les Allemands vont imposer. La population n'a pas les mêmes relations avec les uns et avec les autres. L'existence d'une forte communauté immigrée italienne n'est pas sans conséquences et s'ajoute au poids de tant d'histoires communes et complexes entre les deux peuples. Les effets ne sont pas univoques. Sous cet angle, l'occupation allemande est plus simple, d'autant qu'elle intervient à une époque où les jeux sont faits et qu'elle marque la fin de la guerre entre parenthèses.
L'irruption des envahisseurs ne suffit pas à définir l'atmosphère. Elle crée des contraintes supplémentaires, les moindres n'étant pas les réquisitions de main-d'œuvre et leur menace permanente. Elle s'additionne à l'évolution jugée décevante de la guerre et à la décomposition d'un régime qui n'en finit pas d'agoniser et qui ne réussit même pas à mourir dignement. Ce sont autant de facteurs qu'il s'agit de cerner en préalable à l'étude de la Résistance organisée. Ils conditionnent son développement sans marquer sa propre chronologie autant qu'on pourrait le supposer. Par contre, d'eux dépend l'évolution d'une opinion qui, à sa façon, entre en résistance ou y persiste.
Cette période est celle d'une très longue et très éprouvante attente pour la majorité de la population. C'est celle de l'enfoncement dans cette guerre que l'on avait cru éviter jusque-là. Il n'y a pas de reculs, de retours en arrière, d'hésitations, seulement des bouffées d'optimisme ou de pessimisme en fonction des événements. Trois moments de fièvre jalonnent les temps d'occupation, entrecoupés par des phases de dépression. Ils s'ouvrent lorsqu'on croit le débarquement imminent.
Novembre 1942 est un temps fort de ce point de vue-là et pas uniquement à cause de l'Occupation. Il faut attendre l'été suivant pour connaître pareille tension et pareille espérance. Mais la dépression morale qui suit n'est pas accompagnée cette fois-ci de démobilisation. Au contraire. Les bombardements ne remettent pas en cause les choix essentiels. L'ancrage aux côtés des Alliés est solide, malgré les espoirs de retournement caressés par Vichy et par les occupants. Par contre, l'exaspération et la lassitude favorisent des reclassements. La Résistance a sa part de responsabilité dans ces retouches qui ne sont pas non plus sans effet sur les rapports de force qui la traversent.
Bien peu croyaient que tant de temps s'écoulerait sous le joug de l'Occupant lorsqu'ils sont arrivés. Que d'illusions en novembre 1942, et pas seulement chez les résistants !
Chapitre II - DANS L'ATTENTE DES ALLIÉS DÉCEMBRE 1942 - PRINTEMPS 1943