D - NOVEMBRE 1943 - PRINTEMPS 1944, DES BOMBARDEMENTS AU DÉBARQUEMENT :
II l'agonie du régime
1 - La déliquescence des organismes para-étatiques
Pendant que certains pétainistes choisissent la lutte pour “ l'Europe nouvelle ”, d'autres se crispent dans le service d'un État qu'ils continuent de trouver français et légitime, ou sont tentés par une semi-dissidence, tempérée par l'indéfectible fidélité au Maréchal.
Parmi les premiers, il ne reste plus grand monde, hors de la Milice.
Il est significatif que le délégué départemental à l'information, arrivé de Nice à la mi-août 1943, ait été choisi parmi ses adhérents. Muté pour redonner vie à une organisation en crise, il se rend rapidement compte de la vanité de cette tâche, tant en raison des circonstances que du caractère fictif du réseau de quatre cent cinquante délégués locaux légué par son prédécesseur.
Sa dernière initiative est d'essayer d'utiliser au profit du régime la colère provoquée par les bombardements. Le seul effet de l'article qu'il donne au
Petit Var et du tract qu'il fait distribuer (
“ Est-ce cela la Libération ? ”) est de le désigner comme un adversaire acharné de la Résistance.
Il est grièvement blessé, à Toulon, le 29 novembre au
soir 1 Article “ Voilà les libérateurs ”, le 17 novembre. Tract reproduit in Le Var de 1914..., op. cit., document 73 A..
À l'autre bout du petit éventail pétainiste, la Légion - du moins ses dirigeants - se singularise par une semi-opposition qui traduit un choix inverse. De crise en crise, elle n'a cessé de s'affaiblir bien qu'elle revendique encore 10 509 membres en octobre 1943. C'est une exagération manifeste 2 ADV, 3 Z 4 13, Rens. gén., 8 novembre 1943 : chiffre fourni le 15 octobre qui est en fait celui du début de l'année (à comparer aux 33 000 de septembre 1942). Dans un cas comme dans l'autre, le gonflement nous paraît certain (mais nous manquent les effectifs toulonnais et ceux de quelques autres localités importantes pour pouvoir avancer une estimation).
. Elle n'a plus de militants. Les cérémonies aux couleurs, elles-mêmes, ne sont plus fréquentées que par des anciens combattants âgés âgés 3 ADV, 1 W 11, Pol. Fréjus, Saint-Tropez et Hyères, 24 novembre 1943.. Sa seule activité publique est de nature sociale ou charitable. À vrai dire, hors de Toulon, cette activité se réduit à l'aide aux prisonniers. À Toulon, elle s'occupe principalement de l'évacuation des enfants (vers la Drôme) et de la gestion de trois restaurants populaires. Avec les bombardements, elle participe aux secours et vient en aide aux sinistrés. Plus efficace que la Milice, bénéficiant d'appuis institutionnels plus étendus, elle peut mettre sur pied un service d'accueil et des équipes d'urgence. Cette action a peut-être induit un changement d'attitude de la population à son
égard 4 ADV, 1 W 21, Rens. gén., 6 avril 1944.. Mais son influence politique est désormais insignifiante.
Pour bien marquer ses distances, en liaison avec ce qui se passe à Vichy au même moment, le bureau départemental de la Légion choisit de frapper un grand coup. Il décide de publier son journal, Agir, en décembre 1943 (n° 12), sans passer par la censure, toujours exercée ici par le prudent et tatillon de
Lacretelle6Considéré comme un “ censeur impossible ” qui a “ la frayeur de laisser passer des articles dont le sens ou seulement la forme pourrait choquer tant soit peu le chef du gouvernement ou froisser la susceptibilité allemande ” (ADV, 3 Z 4 13, Rens. gén., 11 février 1944). Il quittera le Var en mars.. Les titres des articles de ce numéro critique sont éloquents. D'un côté, “ Nous ne sommes pas dans l'opposition ” - “ Non, la Légion ne change pas ”, mais, de l'autre, “ Un scandale officiel : les gardes-voies ” - “ Crise d'autorité ” - “ La Révolution Nationale et sa caricature ”... Cette initiative n'a pas l'impact espéré car l'opinion n'attend rien de la Légion sur ce plan. Ses prises de position lui sont indifférentes. Elle est trop liée au régime, et donc à la collaboration, pour être crédible. Mais c'est une mise en garde au gouvernement. La Légion affirme vouloir le dénoncer s'il trahit la Révolution Nationale ou s'il fait mal son devoir. Elle ne se veut plus complice “ des méchants et des lâches ”, ni des abus provoqués par les réquisitions ou du “ sabotage ” dans l'administration. Elle campe sur ses positions où la Révolution Nationale (qui n'a toujours pas commencé...) trône avec “ la France seule ”. Elle rejette donc les organisations “ qui subissent le joug de l'étranger ”, c'est-à-dire la Milice et la Résistance...
La Légion amorce donc publiquement un virage, esquissé de façon hésitante depuis des mois, sous-tendu par l'évolution de la droite traditionnelle qui a pris et continue de prendre ses distances avec le régime. Conscients de l'inéluctable victoire des Alliés, la plupart des chefs légionnaires restés fidèles à Vichy misent, à leur tour, sur les Américains et sur Giraud, face au péril “ bolchevique ”. Certains préparent un rapprochement avec une partie de la Résistance. Cette tentation n'échappe pas au PPF qui voit dans l'initiative prise en décembre la marque de l'influence persistante de François Valentin et comme une sorte de
sabordage7ADV,1 W 23, Rens. gén., 30 décembre 1943 (“ La Légion brûle ce qu'elle a adoré ”). L'analyse a le mérite de la lucidité. Elle met en évidence l'influence des anciens PSF. Elle est incomplète en oubliant les maurrassiens. Les dirigeants légionnaires départementaux, en fait toulonnais, prennent surtout leur inspiration dans le maître à penser de l'Action Française dont Barbero garde le portrait dédicacé dans son bureau. On constate alors un retour à Maurras dans les milieux influencés traditionnellement par le royalisme, en particulier la marine et le clergé. La vente du journal traduit ce regain de faveur au printemps
1944 8ADV, 3 Z 4 9, Rens. gén., 22 avril et 20 mai 1944. En janvier 1944, le journal compte 750 abonnés dans le Var dont 250 à Toulon et entre 1 756 et 2 050 acheteurs (1 W 24, idem, 8 février).. Les “ permanents ” légionnaires sortent de ce milieu restreint que l'on voit encore à l'inauguration de l'Institut légionnaire, le 12 janvier 1944. L’activité culturelle que celui-ci entend assurer est identique à celle que l'Action Française avait continué à pratiquer à Toulon jusqu'ici. Il prend en quelque sorte sa suite avec des conférences historiques faites par les mêmes officiers de marine érudits devant un public
identique 9Les conférenciers attitrés sont le commandant Ollivier, chef de l'AF du Var et Emmanuel Davin, historien prolifique, issu du même milieu professionnel et politique..
La logique du geste de décembre aurait été une rupture avec Vichy. La Légion ne peut, ni ne veut s'y résoudre. Ses chefs reviennent en arrière après leur coup d'éclat et la sanction qui suit (suspension momentanée du
journal 10Par arrêté du ministre de l'Intérieur du 15 janvier 1944. Il est rapporté le 12 février.). Ils acceptent de publier un rectificatif dans le journal de la Milice. Autorisés à reprendre la parution de leur bulletin, sous le titre “ Toujours agir pour la France ”, ils promettent de s'abstenir de toute prise de position fracassante. Sur instruction de Lachal, toute action politique est abandonnée. De retour de Vichy, Barbero donne pour consignes de “ rentrer dans sa
coquille ” 11ADV, 1 W 24, Rens. gén., 11 février 1944. Barbero avise le préfet des instructions reçues le 26 février (1 W 61).. Ce repli, qui s'accompagne de la disparition des émissions radio et d'une réduction du budget de moitié, permet de poursuivre la tentative de recentrage. L'objectif de ses stratèges est d'assurer la survie de l'organisation. Elle est aussi de parvenir à une alliance anticommuniste avec la Résistance gaulliste et les Anglo-Saxons. Ces légionnaires ont même l'illusion que cette Résistance pourrait prendre en charge la Révolution nationale ! C'est pour le moins une appréciation un peu tardive.
La Légion n'est pas unifiée. Les adhérents qui lui restent ont des positions variables, souvent extrémistes, au moins en paroles. Elle possède une active minorité collaborationniste, adhérente ou sympathisante de la Milice ou du PPF. Le président des Amis de la LVF, un avocat, est un propagandiste légionnaire officiel. À La Seyne, l'une des rares sections locales actives jusqu'au bout, le chef, un commandant, engage ses membres à suivre la recommandation du Maréchal en aidant “ de toutes leurs forces, de tout leur pouvoir la
Milice ” 12ADV, 1 W 60, La Seyne, Pol. d'État, 7 mars 1944, compte rendu de la réunion du 5..
Dans les petites localités, les légionnaires actifs sont trop marqués politiquement pour que cette attitude nouvelle puisse rencontrer des échos positifs. Leurs prises de position ont été trop virulentes, leur sectarisme trop haineux, leur autoritarisme trop choquant. La Légion est parfois entraînée dans la guerre civile larvée qui s'y déroule. Plusieurs de ses chefs communaux reçoivent des lettres de menace et celui du Luc, le commandant Delloye, est exécuté en décembre ce qui vaudra à sa mémoire l'hommage de
Maurras 13ADV, 1 W 21, 6 mai 1944. Cette exécution sur laquelle nous reviendrons est en fait une “ bavure ”, l'œuvre d'un maquisard FTP indiscipliné et bientôt traître à ses camarades (Le Tatoué). Mais l'homme était peu aimé..
Certaines des autres quasi-institutions de Vichy connaissent une évolution plus radicale encore. C'est le cas des moins engagée à ses côtés et des moins homogènes. Ainsi des Compagnons de France dont les groupes sont depuis longtemps, avant même l'Occupation, des “ nids de
gaullistes ” 15Expression du responsable départemental de la LVF, rapport du 1er au 15 juillet (1 W 61)..
À la surprise générale, les Italiens avaient ordonné leur dissolution en août 1943. Elle devient effective le 7 janvier 1944, après quelques mois de sursis. Passés sous l'égide de la Commission départementale au travail des jeunes, leurs cinq centres d'apprentissage et de formation professionnelle restent en activité avec le même personnel d'encadrement dont une partie est acquise à la Résistance (AS) depuis les débuts de l'Occupation. Ils ont recruté sans beaucoup de peine parmi les jeunes qu'ils forment et leur repli vers l'intérieur du Var favorise les contacts avec les
maquis 16Deux centres restent à Toulon. Celui de La Rode (Toulon) est envoyé à La Verdière. Celui de La Pinède (Hyères), formé d'Alsaciens-Lorrains, est replié à Montrieux après s'être encore fait remarquer en chantant La Marche lorraine, le 18 janvier, dans la traversée d'Hyères. Le cinquième centre se trouve à Camps (Les Pourraques) près de Brignoles. L'engagement résistant est notable dans ces deux derniers et au centre Kléber à Toulon.
. Le Secours National qui accueille certains chefs Compagnons après la dissolution suit le même chemin. Plusieurs de ses dirigeants départementaux aident la Résistance (AS) et lui permettent, par exemple, de constituer des stocks de vivres pour la formation prévue d'un maquis au nord de Toulon, dans la région de Montrieux (commune de Méounes). À propos de la Légion, la police avait signalé, en octobre 1943, “ la désagrégation progressive de ce qui soutenait apparemment le régime ”. C'est à l'ensemble des institutions ou quasi-institutions que ce constat aurait pu être étendu.
2 - Un appareil d'État miné
L'État Français n'a plus que les apparences du pouvoir et personne ne s'y trompe, malgré ses efforts pour coller une étiquette “ française ” à de nombreuses initiatives prises par l'occupant. Parmi les serviteurs de cette collaboration d'État, les zones de fidélité active sont de plus en plus clairsemées.
Avec des effectifs réduits, la Marine nationale s'arc-boute sur les quelques prérogatives qui lui restent, maintient une fiction de pouvoir français dans les quelques lieux où elle est enfermée, cultive le souvenir. La commémoration du sabordage est discrète et
intime 17ADV, 3 Z 4 13, Rens. gén., 27 novembre 1943.
. Ne pouvant que surveiller les agissements de l'occupant, le haut commandement essaie de sauver les apparences en protestant éventuellement. Mais cette autorité s'affirme surtout contre d'autres acteurs français. Nous avons pu le voir à propos des réquisitions de main-d’œuvre ou des évacuations à Toulon dans la rivalité qui l'oppose au pouvoir civil. Cette lutte d'influence traditionnelle prend un tour d'autant plus aigu qu'elle recoupe le clivage entre pétainistes (les marins) et fidèles de Laval (le préfet). Mais le préfet maritime, le contre-amiral Danbe, n'est pas moins vigilant en ce qui concerne les ouvriers de l'arsenal. Il intervient auprès du bâtonnier de l'ordre des avocats pour faire interdire la thèse iconoclaste que Me Scarbonchi (membre du FN) ose soutenir dans sa défense de ceux que l'on poursuit pour détournement de matériel, à savoir qu'il n'y a plus vol de l'État puisque ce matériel appartient aux occupants depuis le 27 novembre 1942
18ADV, 5 novembre 1943.
... La hiérarchie des ingénieurs maritimes participe à cette défense inquiète de la fiction de souveraineté française sur l'arsenal. Elle s'attache aussi au respect de conditions d'armistice, même dépassées, et couvre de son autorité le travail exigé par les Allemands. Beaucoup le font à leur corps défendant, d'autres avec un certain zèle qui leur sera reproché à la Libération. Le bombardement du 24 novembre engendre “ une grave crise
morale ” 19AN, 72 AJ 199-200 arch. Roustan, rapport (anonyme) sur l'activité de l'arsenal (annexe à la lettre secrète et personnelle du 5 septembre 1944). Très intéressante description de l'attitude de la hiérarchie, attribuable, à notre avis, à l'ingénieur Braudel, l'un des grands résistants de ce milieu.
dans la mesure où l'on tolère les absences, mais, trois semaines après, une ferme discipline est rétablie (momentanément). Il n'est guère besoin d'ajouter que l'effervescence qu'ils sentent monter chez les ouvriers les inquiète au plus haut point. Les syndicalistes officiels sont contestés et débordés. La hiérarchie se demande sur qui s'appuyer. Elle est tentée par Vedovini et le PPF, mais leur influence est trop réduite. Il ne lui reste plus qu'à se murer dans le même isolement que les officiers, en attendant la défaite allemande souhaitée, en espérant, faute de mieux, la victoire américaine sans renoncer à l'allégeance au Maréchal.
La même permanence ne se trouve pas ailleurs. La Marine a un statut à part. Ses officiers supérieurs résidant dans le département sont épargnés par les arrestations qui touchent ceux des autres armes en mai
1944 20Dix arrestations de colonels ou généraux en retraite, le 3 mai 1944, selon des critères qui restent obscurs.
. Davantage en contact avec la société civile, les cadres des nombreuses troupes coloniales qui travaillent sur les chantiers de terrassement de la côte ou, ailleurs, dans les exploitations forestières participent de plus en plus activement à la Résistance. La menace du STO qui pèse jusqu'au printemps 1944 sur leurs hommes et sur
eux 21ADV, 1 W 24, Rens. gén., 22 avril 1944, plusieurs soldats et sous-officiers de Fréjus-Puget-sur-Argens (spécialistes et employés de bureau) ont reçu l'ordre de partir. Il y a plusieurs milliers de soldats malgaches ou indochinois dans le Var (5 000 d'après la même source, 29 février 1944)., celle de la répression qui voient en eux des adversaires potentiels, surtout s'ils habitent sur le littoral s'ajoutent aux facteurs plus généraux pour faire sortir ce milieu de la passivité. Ici comme ailleurs, la Résistance s'étend à partir des avancées faites antérieurement parmi leurs pairs.
La justice traîne les pieds avec de moins en moins de retenue. L'esprit de corps aidant, peu d'affaires transpirent de ce milieu clos. Que les magistrats varois manquent de zèle en général et que certains d'entre eux aient fait preuve d'une activité clandestine reconnue est attesté par des sources convergentes. Le substitut au procureur de la République de Toulon, Charles Dubost (membre de Libération et futur procureur adjoint à Nuremberg) fait prévenir les résistants qu'il sait menacés, comme Jean Bardanne, permet leur fuite, enterre certaines affaires ou tente de s'attaquer à la Milice quand il le
peut 22ADBdR, Cour de Justice d'Aix-en-Provence, dossier 26, le procureur Dubost intervient le 7 janvier 1944 après l'arrestation d'un jeune résistant par la Milice et sa remise aux Allemands en demandant que le fait soit signalé au garde des Sceaux et au chef du gouvernement et en suggérant l'ouverture d'une information, ce que déconseille le procureur général près de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.. Les dossiers du NAP recensent six “ résistants ” et dix “ amis mous ” contre seulement six “ ennemis ” et deux “ adversaires ” (que l'on peut présumer peu dangereux puisqu'un seul remplacement est proposé) parmi les 24 magistrats de Draguignan et
Toulon 23AN, 72 AJ 199-200, arch. Roustan, liste datée du 6 juin 1944.
. L'attitude de la justice émeut le commandement de la gendarmerie. Dans son rapport mensuel de décembre 1943, il invoque la perplexité de la population (qui est en fait la sienne) devant “ la faiblesse de la répression ”. Il laisse poindre son mécontentement parce que les maquisards arrêtés par ses hommes au mois de mai précédent ne sont toujours pas en instance de jugement. Il est vrai que le procureur de la République ne propose le renvoi devant la Section spéciale que pour trois résistants en fuite et essaye de l'éviter aux autres en minimisant leur “ culpabilité ”. Se refusant à retenir contre eux la détention d'armes, il fait remarquer que leur délit se limite simplement au fait d'avoir voulu échapper aux
Allemands 24ADV, 1 W 88, rapport du capitaine de gendarmerie, 24 décembre 1943, et correspondance du procureur de la République, 7 janvier 1944. Il s'agit des maquisards FTP pris dans les bois de Sainte-Maxime-Roquebrune..
Mais la gendarmerie elle-même qui, jusqu'à l'Occupation, a épousé les thèses du régime sans états d'âme particuliers est divisée entre ceux qui restent fidèles à une tradition toute militaire d'obéissance et ceux, nombreux, qui ont choisi d'aider la Résistance ou de fermer les yeux sur ses activités. Au printemps 1944, ses chefs appartiennent à ce dernier groupe, à l'exception du capitaine de Draguignan qui a assuré l'intérim du commandement départemental quelques mois (et qui est l'auteur du rapport cité ci-dessus). Cet officier a essayé d'activer la lutte contre le maquis, sans grand succès. Il était à la tête de l'unité de GMR qui a attaqué les FTP en septembre 1943 aux Mayons où son zèle a été jugé
intempestif 2526 septembre 1943. Opération effectuée par les GMR des Bouches-du-Rhône. Le GMR Estérel qui stationne à Ollioules n'a pas été utilisé, à notre connaissance, dans des opérations dans le Var, mais seulement à l'extérieur (ainsi est-il en Haute-Savoie de juin à septembre 1943).. Sermonné par le préfet qui vient lui-même de subir les foudres du SD en novembre, il se tourne alors vers sa hiérarchie pour savoir la conduite à tenir. On le couvre sous prétexte que le général de Gaulle sera très heureux d'être servi par des hommes qui ont
obéi 26ADBdR Cour de Justice d'Aix-en-Provence, dossier 37, lettre justificative du 10 décembre 1945, selon laquelle le général Naudin, alors présent, l'aurait couvert.. Sans doute, dans ce milieu, songe-t-on aussi à un éventuel futur front anticommuniste. Après l'arrestation par les Allemands de plusieurs résistants (dont le curé) et la saisie de matériel parachuté à Bargemon, ce capitaine, comme piqué au vif par leur réussite, recommande de
“ redoubler d'activité dans la recherche des individus signalés, des nouveaux résidents et d'identifier tous les individus qui travaillent dans les entreprises forestières. ”
Il reproche à ses hommes de ne pas avoir repéré l'un des jeunes gens arrêtés :
En revanche, à Toulon, le capitaine Dailly est en contact avec Combat depuis 1941. Sollicité pour une intervention après une “ agression ” du maquis contre un couple de cultivateurs italiens du Lavandou, il élude la demande en prenant prétexte du grand nombre de soldats italiens réfugiés dans les Maures et de leur armement. Il ajoute, à rebours de la position officielle, que l'action répressive appartient plutôt aux occupants.
L'attitude du chef de section ou de brigade est déterminante. À Fréjus où les gendarmes avaient neutralisé la moitié du maquis FTP en formation dans les Maures voisines en mai 1943, la section ne se fait plus remarquer, mais l'on sait que son chef, un capitaine, est alors considéré positivement par la Résistance. À Grimaud, au Luc, aux Arcs, à Comps, les gendarmes luttent contre elle. Ils reçoivent des lettres de menaces et sont parfois ridiculisés comme ceux de Grimaud, dépouillés de leur uniforme par les maquisards sur la route de La Garde-Freinet, le 23 décembre 1943. Ils ne sont jamais la cible d'attentats. Il n'y a qu'un seul exemple de gendarme blessé par la Résistance, celui de l'adjudant qui commande la brigade de Brignoles, encore est-ce au cours d'une tentative d'arrestation de deux FTP (qui ne le sont peut-être pas encore), présumés auteurs de vols, le 18 novembre 1943.
On ne peut pas dire tout à fait la même chose en sens inverse. L'affaire la plus dramatique se déroule sur la route de Seillons-Source d'Argens, le 23 février 1944 : partis à la poursuite de trois maquisards FTP qui viennent de “ récupérer ” du tabac chez le buraliste - complice - de Barjols, deux gendarmes de cette commune les rattrapent, en tuent un et blessent les deux autres alors qu'ils étaient en train de se reposer. Les “ héros ” obtiennent récompense et citation. Ce ne sont pas les seuls gendarmes à s'être vu féliciter dans le cadre de la lutte contre la Résistance. Celui qui arrête le maquisard dracénois Dominique Luciani (AS), à Ampus, le 21 novembre, reçoit 800 F et la Légion offre 1 500 F au gendarme de La Roquebrussanne qui découvre et signale aux Allemands un parachutage d'armes dispersé par le mistral, en février, sur le plateau d'Agnis. Le militant antifasciste italien Vermiglio de Taradeau est arrêté par le SD de Draguignan avec l'aide des gendarmes des Arcs et l'on est le 11 mai 1944.
Malgré tout, les gendarmes favorables à la Résistance sont bien les plus nombreux, même si les résistants actifs ne sont qu'une minorité parmi eux. Le tableau dressé par le NAP de Draguignan en 1943 en porte confirmation. Plusieurs brigades se signalent par l'aide apportée. Celle d'Aups comporte deux hommes engagés au point de ne pas échapper à la vigilance des informateurs locaux du SD de Draguignan. Ils vont écouter la BBC au restaurant résistant du village, avertissent les gens menacés, et, moyennant rétribution, assurent une certaine protection au chantier forestier du Pelenq. À Collobrières, les gendarmes apportent une aide précieuse aux maquisards. Le plus engagé, Amable Reynet, prépare avec eux le vol des tickets d'alimentation qu'il doit transporter. Cette activité lui vaudra d'être arrêté le 10 novembre 1943 avec ses collègues et de passer de longs mois en prison. On pourrait ajouter la complicité de beaucoup d'autres à tel ou tel groupe de résistance (l'aide est parfois sélective), l'arrestation de deux gendarmes de Saint-Maximin piégés par de faux maquisards, le refus de ceux du Muy de fournir au SD la liste des communistes du village. Ce sont autant d'éléments qui alourdissent la suspicion des Allemands à l'égard de la gendarmerie, suspicion de plus en plus justifiée au fur et à mesure que les mois passent et qui trouvera son couronnement entre juin et août 1944. Autrement dit, la gendarmerie, très immergée dans la société civile évolue au rythme de sa partie conformiste, mais “ patriote ”. L'un des gendarmes patriotes d'Aups n'avait-il pas verbalisé le maire d'Aiguines pour écoute de Londres en août 1941 ?
La police est parcourue par les mêmes clivages, connaît les mêmes reclassements, à cette différence près que l'on y a été plus tôt sensible à l'influence de la Résistance gaulliste ou anglophile. Depuis l'Occupation et malgré son virulent anticommunisme, la tendance au ralliement n'a fait que s'accélérer. D'autant qu'il s'agit d'un milieu où l'on s'inquiète assez tôt des conséquences possibles de la Libération. Le directeur de la Police d'État de Toulon-La Seyne n'est pas un résistant et ses agissements antérieurs à Nîmes lui vaudront de sérieux ennuis après-guerre. Mais il prend contact avec Amigas, le secrétaire départemental des MUR à l'automne 1943, après réception de lettres de menaces, afin qu'il intervienne en sa faveur auprès de la direction de son organisation. L'homme est considéré, non sans raison, comme un opportuniste. Du moins n'est-il plus un ennemi et la Résistance a tout intérêt à maintenir cette utile relation. Pour autant que l'on puisse en juger par les rapports ou notes sans complaisance qu'il fournit, le Service des Renseignements généraux suit la même évolution. Peut-être est-elle favorisée par le changement de chef de service, en septembre 1943. On constate donc que l'État Français ne jouit plus que d'un soutien limité dans la police. Son service toulonnais des réquisitions de la main-d’œuvre en a fourni l'illustration. La répression contre les “ menées antinationales ” continue à être voisine du zéro. L'occupation allemande ne change rien en ce domaine.
Les dossiers du NAP fournissent des éléments d'autant plus intéressants qu'ils rendent certaines comparaisons possibles entre 1943 et 1944. Dès le premier semestre de 1943, la Police d'État de Toulon-La Seyne compte 81 “ amis ” (dont 39 “ actifs ”) et 35 “ ennemis ” (dont 31 “ actifs ”). Qui plus est tel policier classé comme “ incertain ” est d'ores et déjà engagé dans le renseignement à l'insu du responsable NAP. Pour un total de 148 personnes, la balance penche nettement en faveur de la Résistance. La suite le confirmera et l'amplifiera relativement. Dans le Groupe urbain de Toulon, la proportion est moins forte : 20 “ ennemis ” pour 12 “ amis ” sur 141 éléments. Mais, un an après, la majorité a rejoint le camp des “ amis ”.
La preuve de cette attitude où le patriotisme et la prudence se combinent est donnée aussi par le peu de cas de collaboration effective retenus à la Libération ou même soulevés par la Résistance à l'encontre de ses membres. Un seul commissaire, celui de Draguignan, et deux inspecteurs de Toulon se retrouveront en Cour de Justice. Les sanctions internes ne toucheront qu'un petit nombre de personnes. Parmi elles, se trouve le commissaire hyèrois, resté un pétainiste convaincu, que les lettres de menaces envoyées par le Front national en octobre 1943 n'ont pas fait fléchir, comme le montre l'organisation de patrouilles et rafles avec les Allemands, au printemps 1944. Mais dans quelle mesure peut-il compter sur ses hommes ? La majorité de ses 50 gardiens a moins de six mois de métier et, malgré la sélection opérée pour éliminer ceux qui cherchaient avant tout à échapper au STO, ce recrutement hâtif suggère un dévouement modéré à l'égard du régime.
Les Allemands ne sont pas dupes. La police est suspecte. Elle se sent d'ailleurs menacée. Les policiers ont peur d'être remplacés par la “ Gestapo ” et par la Milice. Ils craignent d'être internés. Le bruit en circule à l'époque où l'on apprend les arrestations des commissaires Becker et Hacq. À plusieurs reprises, des policiers sont pris en otage. Dès les débuts de l'Occupation, le commissaire de Fréjus est gardé trois jours après un sabotage sur la voie ferrée et les menaces qui pèsent encore sur cet Alsacien d'origine amènent par la suite sa mutation rapide.
L'appareil d'État est peu à peu conquis de l'intérieur, en particulier par la Résistance gaulliste. Le NAP peut compter au début juin 1944 sur 10 chefs de service de la préfecture sur 19 (trois “ résistants ” et sept “ amis mous ”). Aux Ponts et Chaussées, des cadres importants sont acquis à la Résistance, en particulier à Draguignan. Les Allemands comme le préfet se plaignent à plusieurs reprises de l'état d'esprit qui règne dans cette administration. Le préfet déplore l' “ espèce de résistance passive constante ” qu'il y rencontre, mais ne peut arriver à mettre au pas son directeur, Vidal (qui sera son remplaçant par intérim à la Libération...). Les autres services ou les grandes mairies du département connaissent la même pénétration résistante à tous les niveaux, car les chefs sont autant, sinon plus, engagés que leurs subalternes, à l'exception des PTT.
Au sein même du cabinet du préfet, le réseau Ajax a recruté le secrétaire, Maurice Richier, et le chef de bureau, Roger Mouret, qui seront obligés de se cacher en avril-mai 1944. Si le chef de cabinet est un adversaire de la Résistance, le secrétaire général, Richardot, est plutôt considéré comme un sympathisant gaulliste et, à tout le moins, un adversaire de la Milice et des
Allemands 44ADV, 1 W 105, fiches NAP, s. d. : son esprit gaulliste est noté et l'on précise “ s'est opposé en maintes circonstances aux exigences allemandes ”. Voir notre contribution, "Entre IIIe République et Libération, dilemmes et responsabilités" in Les préfets dans l'Histoire du Var, actes du colloque du 7 avril 2000, Toulon, Préfecture du Var, p. 93-106
. Les sous-préfets qui se succèdent à Toulon font preuve de prudence. Maljean, titulaire de la fonction jusqu'au 21 février 1944 s'abstient de tout acte compromettant. Il recherche la conciliation avec les ouvriers de La Seyne en lutte depuis novembre 1943 et ne pousse pas à la répression. On remarque son absence lors de la séance de propagande pour la Waffen-SS, organisée par la Milice le 23 novembre. Son successeur, Haulpetit-Faurichon, que le préfet a fait venir de Dinan, garde une attitude
digne 45ADV, 1 W 105, fiches NAP, s. d. : Maljean n'est pas considéré comme un collaborateur par la Résistance. Elle sait qu'il attend de Vichy “ sa nomination au poste de préfet ” et ne lui en tient pas rigueur. Il sera à Marseille un préfet honorable. Haulpetit-Faurichon a été membre du cabinet Blum..
Reste le préfet. Il n'est pas considéré comme sectaire, mais il accepte, avec l'accord du préfet régional, la présidence d'honneur des Amis de la LVF. Avec moins de zèle que dans les Côtes-du-Nord, il assume les choix politiques du gouvernement qui cherche à assurer une présence “ française ” dans les domaines où l'Occupant intervient. Face au maquis, il pousse la gendarmerie à la répression. C'est ainsi qu'on le voit recommander une action immédiate contre celui de Signes, le 27 décembre. Il est assisté par un nouveau chef de cabinet, arrivé de l'Ain en février 1944, qui, mi par conviction, mi par fonction (il assure la liaison avec la Kommandantur 800), est plus en pointe que lui. Les annotations ou points d'exclamation que l'un ou l'autre trace parfois en marge des informations des Renseignements généraux donnent la mesure de leurs réactions. L'annonce de la mise en résidence surveillée de Pétain et Laval ou celle de l'arrestation de vingt préfets, une semaine après, choquent trop leurs sentiments pour êtres pris au sérieux. Elles n'en sont pas moins partiellement vraies. Dans la fournée des préfets arrêtés, se trouve le prédécesseur de Feschotte dans le Var (et son successeur dans les Côtes-du-Nord), André Lahilonne.
Un préfet assez isolé, des hauts fonctionnaires en partie "dissidents", une administration de plus en plus hostile ou hésitante sont autant de signes du contre-pouvoir que la Résistance a réussi à constituer à l'intérieur d'une administration qui assure la continuité de l'État et qui, par là même, donne au régime un peu plus de consistance qu'il n'en a en réalité.
3 - Pouvoir local et contre-pouvoirs
Les pouvoirs locaux installés par Vichy ont de plus en plus de mal à fonctionner normalement. Les contraintes de l'Occupation ne sont pas les seules sources (considérables) de difficultés. Le développement de la Résistance et l'hostilité populaire éclaircissent les rangs des candidats administrateurs.
Feschotte a hérité du dossier des nominations au Conseil départemental. Il respecte, dans l'ensemble, le choix de son prédécesseur (sauf en ce qui concerne l'éventuelle nomination d'anciens membres de la SFIO) et maintient ses propositions dans 17 cantons. Mais la situation est “ anormalement compliquée ” dans les neuf autres où la Légion et la Milice s'opposent sur les candidats pressentis. Finalement, la liste publiée au Journal Officiel, le 14 septembre, comporte encore quatre vides. Sur les 26 membres désignés, 10 seulement ont eu la sanction du suffrage universel avant-guerre. Mais il est présidé par Raphaël Sorba, maire de Saint-Cyr-sur-Mer, homme d'affaires, plein d'entregent, élu en 1935 contre les “ Blancs ” du village. Républicain socialiste, c'est un adversaire de la Légion, l'un des rares républicains “ lavalistes ” du département, assez proche du RNP.
Cette création ne donne pas plus de crédibilité au régime. Elle intervient au moins trop tard. Le Conseil départemental se réunit pour la première fois le 19 octobre 1943 dans une indifférence d'autant plus générale que le seul incident de la session, le refus d'un membre, le maire de Cabasse, de voter la motion de confiance au Maréchal et au chef du gouvernement, est passé sous silence par la presse. Mis sur pied en pleine crise alimentaire, au moment de l'occupation allemande, alors que la Résistance s'organise en contre-pouvoir avec la création du Comité départemental de la Libération, le Conseil départemental participe de cette stratégie illusoire qui consiste à faire croire que Vichy se “ démocratise ” et a encore prise sur l'événement. Or, lors de la deuxième (et ultime) session, en mai 1944, Sorba doit en appeler, dans son discours d'ouverture, au loyalisme des fonctionnaires départementaux, tandis que le conseil qu'il préside n'a pas réussi à combler ses vides et comporte six maires démissionnaires de leur mandat local et trois autres qui se trouvent à la tête de conseils municipaux réduits par les défections.
Depuis l'automne 1943, les crises municipales se sont multipliées et approfondies au gré des problèmes de ravitaillement et de réquisitions de main-d’œuvre. Isolés, peu ou pas aidés par leurs colistiers, les maires et présidents de délégation spéciale sont rejetés par la population, surtout s'ils lui ont été imposés. La démission du maire d'Ollioules réjouit les habitants qui supportaient mal son autoritarisme et, plus tard, celle du maire d'Hyères ne rencontre qu'indifférence, bien qu'elle ait été exigée par les Allemands.
Certains, les rares vichystes de conviction, se raidissent et en appellent à plus de répression, à l'instar de celui de Sainte-Maxime qui, après un attentat, se plaint d'être “ en tête d'une commune où l'on se roule en tout temps avec délices dans l'anarchie ” et demande le renforcement d'urgence de la police. La plupart baissent les bras. Les défections progressent à partir d'octobre 1943, démissions d'adjoints et de conseillers municipaux d'abord, puis, avec l'accablante responsabilité du choix des requis, celles des maires et des présidents, toujours suivis par l'ensemble de leur conseil ou de leur délégation. Les petits villages (Aiguines, Pontevès, Entrecasteaux) sont presque aussi touchés que les gros bourgs (Les Arcs, Salernes, Aups, Le Luc, Flayosc, etc.). Si, par chance, il est possible de trouver des remplaçants, ils démissionnent à leur tour peu après, quand ils ne sont pas revenus sur leur acceptation première. Au Luc, le maire, démissionnaire depuis le 31 août, revient sur sa décision, démissionne à nouveau le 5 janvier, avec son conseil municipal, et la délégation spéciale qui le remplace, le 3 mars, abandonne trois jours après. À Pourrières, la délégation spéciale annonce quatre fois sa démission entre octobre 1943 et le 31 mai 1944.
L'administration préfectorale ne peut que faire pression en refusant les défections et en insistant pour que chacun reste à son poste. Elle essaie de faire durer ce qui n'est pas toujours possible. Il faut recourir à des expédients. Le préfet demande à Vichy s'il peut envisager la réquisition du maire. C'est ce que lui a suggéré celui d'une importante commune littorale, soucieux d'être ainsi dédouané quand il est encore temps. La loi du 7 avril 1944 vient à point pour répondre à cette situation qui n'est pas particulière à la région. Elle permet la nomination d'un administrateur et complète toute la panoplie des possibilités offertes par les lois précédentes, et notamment la dernière, celle du 7 octobre 1943, qui donnait déjà la possibilité de nommer un ou plusieurs délégués pris hors du conseil municipal dans les communes de moins de deux mille habitants. Dans les petits villages comme Tourtour et La Motte, la réquisition du secrétaire de mairie ou celle d'un retraité de l'État permet de résoudre le problème. À Barjols où la droite se déchire depuis un an, la nouvelle loi permet de mettre en place un ancien maire, devenu donc délégué extraordinaire pour trois mois. Il en va de même à Aups, un peu après.
Les crises se produisent sous la pression de la Résistance locale (plus ou moins structurée). À Barjols comme à Aups, les administrateurs désignés ne peuvent remplir leur rôle qu'avec son assentiment. À Saint-Tropez, le maire nommé le 26 octobre 1943 pour enfin remplacer le Dr Lavérée démissionnaire depuis plusieurs mois est celui que la Résistance locale a choisi et que le commissaire de police, résistant lui-même, a proposé. Il s'agit d'un industriel, peu marqué politiquement, mais membre du Front national, René Girard. Les maires qui ne rencontrent pas beaucoup de difficultés sont en général ceux qui appartiennent eux-mêmes à la Résistance ou qui sont, provisoirement, admis par elle. De façon de plus en plus ouverte, ce contre-pouvoir émerge sous des formes diverses, parfois inattendues dans le contexte de l'Occupation. Il s'exprime à Méounes par une manifestation de démocratie directe qui voit la population (du moins celle qui participe à la vie communale) intervenir dans la nomination de sa délégation spéciale. Sous sa pression, le président pressenti pour remplacer la municipalité est contraint de renoncer et une assemblée générale (à l'instigation probable des anciens élus et de la Résistance) désigne elle-même la future délégation, le 1er avril 1944. Cette nomination est appuyée par une pétition d'une cinquantaine de noms.
L'évidente puissance soit de la Résistance, soit de l'opposition représentée par les anciens élus (et qui se confond souvent avec celle-ci) entraîne parfois certaines révisions chez les partisans refroidis du régime. Le maire du Beausset va jusqu'à proposer, le 16 décembre, la réintégration dans l'équipe municipale de l'ancien maire déchu en 1941 et dont il reconnaît alors que l'éviction a été injuste. Ce comportement est à rapprocher d'autres attitudes critiques qui constatent, mais un peu tard, la sévérité des internements administratifs au début du régime, les excès de l'épuration, l'imprudence de certaines réformes dont seuls les profiteurs auraient bénéficié. À ce moment-là, on prend acte, de divers côtés, des sentiments d'hostilité de l'opinion, comme on ne l'a jamais fait auparavant. Depuis 1942, on savait que, dans son ensemble, elle restait fidèle à ses convictions d'avant-guerre. On sait maintenant qu'elle ne s'en tient pas là.
“ Dans le Var particulièrement, on ne pardonnera jamais, semble-t-il, au Maréchal Pétain d'avoir été le chef d'un gouvernement (sic, mais c'est significatif) où la réaction s'est aussi nettement manifestée. ”
Rendu responsable (avec les occupants) des misères et des malheurs endurés, le “ gouvernement ” de Vichy, toutes tendances confondues, toutes personnalités mêlées, est devenu un repoussoir qui rassemble sur lui toutes les haines accumulées.
4 - Un gouvernement méprisé et haï
Le sursaut de novembre 1943 aurait pu être populaire en d'autres temps. Conscient de ces réactions essentiellement négatives, l'entourage du Maréchal tente une dernière manœuvre. Une délégation des maires du Sud-Est (Var, Vaucluse, Bouches-du-Rhône) est témoin du coup de théâtre. Elle est venue porter une motion sur le ravitaillement. Après avoir entendu Laval justifier sa politique par la menace “ bolchevique ” et la flatter (ou la révulser...) en faisant référence aux traditions radicales ou socialistes locales, elle est reçue le lendemain par le Maréchal qui fait plusieurs remarques hostiles aux Allemands, rappelle qu'il ne peut se rendre dans le village voisin de Villeneuve-Loubet dont il est le maire et lance, en prenant congé : “ N'oubliez pas que je suis un prisonnier ”. À défaut de ramener des assurances précises sur leurs doléances, ils repartent munis du texte de l'acte constitutionnel sur la succession du chef de l'État. L'opinion suit l'affaire de près, mais le Maréchal déçoit, une fois encore, en ne démissionnant pas après son absence à la radio, le 13 au soir. On se dit qu'il n'est “ plus rien ” depuis longtemps.
Illégitime, le régime l'est d'autant plus que chaque épisode de la comédie qui se joue à Vichy ne cesse de montrer combien il dépend des occupants. La réaction est parfois de pitié. Elle est plus souvent encore de mépris. Beaucoup mettent le Maréchal dans le même sac que Laval dont on pense qu'il tergiverse encore en affectant “ de tenir la dragée haute aux Allemands ”. La crise de Vichy est vue comme la “ suite logique des maladresses ” de son gouvernement. En somme, le Maréchal l'a bien cherché. Son apparition sur les écrans de cinéma pour l'allocution de Noël est sifflée, perturbée par des toux, ignorée par ceux qui, ostensiblement, continuent de discuter. Jamais une telle hostilité à son égard ne s'est manifestée de façon si évidente. Même s'il continue à jouir d'un certain respect, au moins par rapport à Laval, on est très loin de l'adulation de 1940 ou de l'indulgence de 1942, voire du début 1943. Sur les presque 90 000 lettres lues par le contrôle postal en décembre de cette année-ci et le mois d'après, 151 seulement - soit 0,17 % - font allusion à sa personne et encore faut-il remarquer que, pour un quart d'entre elles, il s'agit de le critiquer ...
La propagande essaie de regagner du terrain les mois suivants. La presse locale fait grand cas de la promesse qu'il a fait au préfet :
“ Quand les événements le permettront, ma première visite sera pour Toulon. ”
Un certain regain de popularité est sensible après son voyage à Paris, le 26 avril, qui ne semble pas effacé par son allocution collaborationniste du 28. Il est vrai que le bruit de sa démission court de nouveau. Mais l'étoile de de Gaulle occulte désormais la sienne. N'est-ce pas avec ce nom-là que la Résistance débaptise la place du Maréchal, à Draguignan, dans la nuit du 8 décembre ?
Malgré les efforts d'Henriot dont les causeries à la radio sont très suivies, la population ne voit pas en quoi la politique de Vichy diffère de celle des Allemands. Le gouvernement indiffère de plus en plus, même si les péripéties de ses querelles intestines et de ses alliances parviennent à attirer l'attention un moment (en novembre, par exemple). On s'attend régulièrement à sa chute et au remplacement de Laval par un gauleiter, Von Renthefink en janvier, Doriot ou Déat par la suite. À l’occasion, le chef du gouvernement continue de surprendre, mais pas dans le sens souhaité. On s'étonne de son accord avec la Milice alors qu'on croyait qu'il la “ roulait ” et l'utilisait. On lui prête toujours la volonté de négocier avec les Américains. Mais croit-on vraiment qu'il le puisse ? Les actes que l'on commente avec le plus de passion ne sont pas ceux de Vichy, mais ceux du Comité d'Alger, car on le considère, chaque jour davantage, comme un deuxième gouvernement.
Les préoccupations réelles de la population sont ailleurs. Elles se portent sur tout ce qui touche à sa survie quotidienne : les bombardements, les évacuations, les réquisitions et, bien entendu, le ravitaillement. On sait Vichy bien nourri, alors qu'ici la situation reste angoissante. C'est l'obsession permanente dont témoignent les 13 112 allusions relevées à ce sujet par le contrôle postal de novembre et les 7 971 du mois suivant, malgré le bombardement de Toulon.
Dans cette ville, la situation s'est (relativement) améliorée et, finalement, l'hiver 1943-44, se passe moins difficilement que les précédents. Les légumes sont plus abondants et les distributions de viande plus régulières. C'est évidemment l'une des conséquences de la diminution de population. Mais, en contrepartie, les petites villes et les villages souffrent davantage. En novembre, pendant quelques jours, une dizaine de localités ne peuvent faire le pain. La farine manque même à La Seyne où cette pénurie sert de détonateur au mécontentement ouvrier. À partir de la mi-novembre, la farine manque périodiquement, ici ou là. Dans les communes, même agricoles, surchargés de réfugiés, se nourrir est devenu, comme en ville, un exploit quotidien. La population est sous-alimentée partout. Absence totale de matières grasses, longues périodes sans viande, très grave pénurie de lait dont les besoins ne sont couverts qu'à 50 %, stocks de farine sans cesse à la limite de la rupture, les rapports répètent de mois en mois les mêmes motifs d'inquiétude.
La propagande utilise encore un peu plus ces problèmes comme exutoire au mécontentement d'ensemble et, depuis l'automne, Le Petit Var a élargi cet espace de liberté (surveillée). Bien que la population manifeste quelque surprise, elle n'est pas dupe des motivations pour lesquelles les autorités laissent la presse faire campagne. Deux têtes de turc lui sont proposées. D'abord, bien entendu, le Ravitaillement général qui n'y peut mais. Il est haï de tous et ses rebuffades sont inefficaces. Avec lui, est dénoncé l'octroi, celui de Toulon en particulier que l'on maintient en dépit d'une hostilité générale.
Avec le printemps 1944, la pénurie s'aggrave encore, au point que l'on se demande à nouveau si le gouvernement n'a pas mis le département à l'index. Tout manque, le savon, l'électricité, et, plus que jamais les moyens de transport. On en vient à redouter la disette en cas d'événements militaires. Le marché noir offre pourtant de tout avec une apparente abondance. Sa répression s'est relâchée tout autant que la surveillance des prix, car c'est, avec la presque libre critique journalistique, un autre exutoire “ offert ” à la population. Il est toléré et sert à mettre un peu d'huile dans les rouages grippés du Ravitaillement général. Comment faire autrement que d'y recourir puisque seule une partie, parfois faible, des tickets d'alimentation est honorée ? Dernière mesure pour essayer d'ajuster les stocks de farine aux besoins : l'inscription dans les boulangeries qui devient obligatoire à partir du 15 mai. C'est un nouveau grief contre le gouvernement et les occupants.
La population oscille toujours entre l'apathie, le repli sur la débrouillardise individuelle et une nervosité qui éclate en brusques bouffées de colère contre les autorités, comme on le voit dans les manifestations de ménagères déchaînées. Une “ angoisse imprécise à mesure que la date mystérieuse et l'heure H des très graves événements annoncés approchent ” accroît la tension. On dit Pétain parti, Laval retenu à Châteldon par les Allemands, Henriot, Darnand ou Déat déjà aux leviers de commande, en train de préparer la mobilisation des hommes et des femmes. “ Le désarroi grandit ”. Le premier juin, en gare de Toulon, la troisième classe du train Paris-Cannes est prise d'assaut. Les femmes et les personnes âgées sont repoussées et laissées sur les quais. Au même moment, la Légion avise le préfet que le Var doit être le théâtre d'événements d'une extrême gravité. Elle en avertit aussi ses fidèles par circulaire et leur enjoint la neutralité.
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Le gouvernement a perdu ses derniers adeptes au fil des mois d'occupation. Il n'a plus ni base sociale, ni base politique. La Révolution nationale n'est plus que l'alibi français de ceux qui participent à la construction de “ l'Europe nouvelle ” et des quelques nostalgiques de “ la France seule ”. Le républicanisme à la façon Laval n'a pas eu plus de succès que les dernières velléités parlementaires du Maréchal. Seul, celui-ci garde des admirateurs ou des fidèles indulgents. Le vichysme court derrière les Allemands pendant que le pétainiste orthodoxe agonise dans les crises légionnaires ou municipales. Contrairement à quelques espoirs, les facteurs qui concourent au succès de la Résistance condamnent par là toute possibilité de survie aux vestiges de l'État Français. S'il fonctionne encore, s'il a encore quelque apparence, c'est par peur de l'occupant, par la certitude que la Libération ne saurait tarder et surtout parce qu'il garde la forte structure administrative héritée de la République. Elle maintient un semblant de cohésion dans un pays de plus en plus parcellisé où l'illégalité est devenue la règle. Malgré la raréfaction de ses relais, l'administration fonctionne encore, limite, de ce fait, le développement de la guerre civile ou de la pagaïe, absorbe les contradictions qui parcourent le pays, assure d'autant mieux la continuité que la Résistance en contrôle des secteurs de plus en plus larges.
Alors que les uns cherchent dans le sauve-qui-peut ou dans le chacun pour soi les moyens d'atténuer les problèmes de l'heure, alors que d'autres se replient en attendant que ça passe, les résistants préparent la Libération sans imaginer l'ampleur que le mouvement qu'ils dirigent aura finalement. Il sera à la mesure des frustrations, morales et politiques, mais aussi matérielles, accumulées depuis quatre ans. Dépassant la Résistance (toutes tendances confondues), il se reconnaît cependant en elle, plus par ce qu'elle représente que par ce qu'elle est. Récoltant les fruits des sacrifices consentis, elle est parfois décontenancée, non par le succès, mais par la quantité et la “ qualité ” des sympathies que les apports de la dernière et écrasante vague lui révèlent, par leurs réactions et leurs motivations, par le décalage entre ses analyses et l'émotion populaire, entre la théorie et la pratique révolutionnaire. Autant d'expériences que d'autres mouvements populaires ont connues avant elle, mais que, depuis le temps, on avait oublié.
. Article “ Voilà les libérateurs ”, le 17 novembre. Tract reproduit in Le Var de 1914..., op. cit., document 73 A.
. ADV, 3 Z 4 13, Rens. gén., 8 novembre 1943 : chiffre fourni le 15 octobre qui est en fait celui du début de l'année (à comparer aux 33 000 de septembre 1942). Dans un cas comme dans l'autre, le gonflement nous paraît certain (mais nous manquent les effectifs toulonnais et ceux de quelques autres localités importantes pour pouvoir avancer une estimation).
. ADV, 1 W 11, Pol. Fréjus, Saint-Tropez et Hyères, 24 novembre 1943.
. ADV, 1 W 21, Rens. gén., 6 avril 1944.
. Qui deviendra chef départemental adjoint en mars 1944, malgré ses refus répétés et sa relative jeunesse. On pourra comparer l'évolution varoise et celle d'une autre Légion en crise à l'automne 1943, celle de la Loire in M. LUIRARD, “ La Légion des Combattants de la Loire de 1942 à la Libération ”, p. 375 et suiv. in Mélanges offert à André Latreille, Lyon, 1972.
. Considéré comme un “ censeur impossible ” qui a “ la frayeur de laisser passer des articles dont le sens ou seulement la forme pourrait choquer tant soit peu le chef du gouvernement ou froisser la susceptibilité allemande ” (ADV, 3 Z 4 13, Rens. gén., 11 février 1944). Il quittera le Var en mars.
. ADV,1 W 23, Rens. gén., 30 décembre 1943 (“ La Légion brûle ce qu'elle a adoré ”).
. ADV, 3 Z 4 9, Rens. gén., 22 avril et 20 mai 1944. En janvier 1944, le journal compte 750 abonnés dans le Var dont 250 à Toulon et entre 1 756 et 2 050 acheteurs (1 W 24, idem, 8 février).
. Les conférenciers attitrés sont le commandant Ollivier, chef de l'AF du Var et Emmanuel Davin, historien prolifique, issu du même milieu professionnel et politique.
. Par arrêté du ministre de l'Intérieur du 15 janvier 1944. Il est rapporté le 12 février.
. ADV, 1 W 24, Rens. gén., 11 février 1944. Barbero avise le préfet des instructions reçues le 26 février (1 W 61).
. ADV, 1 W 60, La Seyne, Pol. d'État, 7 mars 1944, compte rendu de la réunion du 5.
. ADV, 1 W 21, 6 mai 1944. Cette exécution sur laquelle nous reviendrons est en fait une “ bavure ”, l'œuvre d'un maquisard FTP indiscipliné et bientôt traître à ses camarades (Le Tatoué). Mais l'homme était peu aimé.
. ADV, 17 juin 1944. Sur le travail d'approche, idem 3 juin (Barbero en particulier ce dont on trouvera confirmation par la suite, la peur du communisme étant, d'après la police, la motivation principale).
. Expression du responsable départemental de la LVF, rapport du 1er au 15 juillet (1 W 61).
. Deux centres restent à Toulon. Celui de La Rode (Toulon) est envoyé à La Verdière. Celui de La Pinède (Hyères), formé d'Alsaciens-Lorrains, est replié à Montrieux après s'être encore fait remarquer en chantant La Marche lorraine, le 18 janvier, dans la traversée d'Hyères. Le cinquième centre se trouve à Camps (Les Pourraques) près de Brignoles. L'engagement résistant est notable dans ces deux derniers et au centre Kléber à Toulon.
. ADV, 3 Z 4 13, Rens. gén., 27 novembre 1943.
. ADV, 5 novembre 1943.
. AN, 72 AJ 199-200 arch. Roustan, rapport (anonyme) sur l'activité de l'arsenal (annexe à la lettre secrète et personnelle du 5 septembre 1944). Très intéressante description de l'attitude de la hiérarchie, attribuable, à notre avis, à l'ingénieur Braudel, l'un des grands résistants de ce milieu.
. Dix arrestations de colonels ou généraux en retraite, le 3 mai 1944, selon des critères qui restent obscurs.
. ADV, 1 W 24, Rens. gén., 22 avril 1944, plusieurs soldats et sous-officiers de Fréjus-Puget-sur-Argens (spécialistes et employés de bureau) ont reçu l'ordre de partir. Il y a plusieurs milliers de soldats malgaches ou indochinois dans le Var (5 000 d'après la même source, 29 février 1944).
. ADBdR, Cour de Justice d'Aix-en-Provence, dossier 26, le procureur Dubost intervient le 7 janvier 1944 après l'arrestation d'un jeune résistant par la Milice et sa remise aux Allemands en demandant que le fait soit signalé au garde des Sceaux et au chef du gouvernement et en suggérant l'ouverture d'une information, ce que déconseille le procureur général près de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.
. AN, 72 AJ 199-200, arch. Roustan, liste datée du 6 juin 1944.
. ADV, 1 W 88, rapport du capitaine de gendarmerie, 24 décembre 1943, et correspondance du procureur de la République, 7 janvier 1944. Il s'agit des maquisards FTP pris dans les bois de Sainte-Maxime-Roquebrune.
. 26 septembre 1943. Opération effectuée par les GMR des Bouches-du-Rhône. Le GMR Estérel qui stationne à Ollioules n'a pas été utilisé, à notre connaissance, dans des opérations dans le Var, mais seulement à l'extérieur (ainsi est-il en Haute-Savoie de juin à septembre 1943).
. ADBdR Cour de Justice d'Aix-en-Provence, dossier 37, lettre justificative du 10 décembre 1945, selon laquelle le général Naudin, alors présent, l'aurait couvert.
. ADBdR Cour de Justice d'Aix-en-Provence, dossier 37, circulaire du 28 avril 1944 aux commandants de brigade.
. ADV, 1 W 44, Le Lavandou, note du 13 octobre 1943. Dailly est muté au printemps 1944.
. ADV, 1 W 108, dossier NAP Police.
. Ceux-ci peuvent s'échapper. L'un d'eux est Lucien Beau, futur commandant Callas, l’un des chefs de la libération de Marseille et trésorier national de l'ANACR jusqu'à son décès en 1986.
. Ce gendarme se vante en plus d'avoir dispersé les maquisards en leur tirant dessus ce qui se révèlera faux. Ce parachutage a eu lieu dans la nuit du 10 au 11 février 1944 et se compose de douze cylindres (ADV, 1 W 71, dossier Le. et Cour de Justice de Draguignan, procès- verbaux 1).
. Tableau résumé en annexe.
. ADV, Cour de justice de Draguignan, dossier Th., rapports des 10 janvier et 3 février 1944. Le restaurant en question, rendez-vous des résistants des environs, est tenu par la famille Authieu. Tém. R. Taillefer sur le Pelenq. Ces deux gendarmes (Bouet et Duchatel) rejoindront le maquis en juin et Duchatel sera fusillé par la Milice le 12.
. Arch. Amigas, rapport Amigas au secrétariat général du comité directeur des MUR, 14 novembre 1943 et lettre de menace signée Le Comité chargé des exécutions (des MUR).
. Voir graphique en annexe. Celui-ci s'arrête en décembre 1943, car il ne servait à rien de prolonger cet “ encéphalogramme plat ”. En 1944, on ne relève plus que huit propositions d'internement (six en janvier, une en mars, une en avril) et quatre de déchéance de nationalité (en février).
. Voir tableau en annexe.
. Nous pensons en particulier au commissaire Hacq, considéré par le NAP comme un arriviste, “ membre de différents partis selon le moment et ses intérêts ” ce qui est peut-être vrai, mais ne l'empêchera pas d'être un résistant au moins courageux.
. La commission d'épuration de la police du Var prononcera huit révocations (dont six inspecteurs), deux suspensions, une mise à la retraite d'office et quelques déplacements.
. ADV, 1 W 13, Pol. Hyères, 29 septembre 1943 (sur le recrutement) et 13 octobre sur les lettres reçues par le commissaire et au moins deux gardiens.
. ADV, 1 W 24, Rens. gén., 11 janvier et 1 W 21, idem, 22 janvier 1944.
. ADBdR, M6 III38, préfet, rapport mensuel, 1er novembre 1943. Autre cas d'arrestation momentanée du commissaire et d'un brigadier à Brignoles un peu après.
. ADBdR, M6 III 42, préfet, rapport, 24 janvier 1944. Un peu plus tard, le service est perquisitionné par le SD et le directeur retenu une journée pour interrogatoire (idem, 17 mai).
. Voir tableau en annexe.
. ADV, 1 W 105, fiches NAP, s. d. : son esprit gaulliste est noté et l'on précise “ s'est opposé en maintes circonstances aux exigences allemandes ”. Voir notre contribution, "Entre IIIe République et Libération, dilemmes et responsabilités" in Les préfets dans l'Histoire du Var, actes du colloque du 7 avril 2000, Toulon, Préfecture du Var, p. 93-106
. ADV, 1 W 105, fiches NAP, s. d. : Maljean n'est pas considéré comme un collaborateur par la Résistance. Elle sait qu'il attend de Vichy “ sa nomination au poste de préfet ” et ne lui en tient pas rigueur. Il sera à Marseille un préfet honorable. Haulpetit-Faurichon a été membre du cabinet Blum.
. ADV, 1 W 105 et Cour de Justice de Toulon 6, dossier Bo., correspondance des 21 et 27 décembre 1943. Cette action contre le maquis sera menée six jours après par les Allemands, le 2 janvier 1944.
. ADV, 1 W 22, 13 et 20 mai 1944 (gros points d'exclamation ou, par exemple, le 13, “ que de balivernes ! ” face à l'affirmation de la mise “ en résidence surveillée ” du Maréchal et à la supposition du début du débarquement pour la semaine suivante).
. ADBdR, M6 III 41, préfet, 2 août 1943.
. Le Petit Var du 21 octobre 1943 relate un vote à l'unanimité. Tém. de l'intéressé, J. Pizan, élu en 1935, républicain socialiste, proche de la SFIO. Son geste a provoqué des applaudissements dans les rangs du public présent (des fonctionnaires de la préfecture, d'après lui). Tém. corroboré par le dossier constitué à la Libération pour le relever immédiatement de la déchéance prévue par l'ordonnance du 21 avril 1944 (ADV, 1 W 103). À noter que le préfet est venu le trouver après la séance pour discuter avec lui et lui dire qu'il avait été un ami de Blum. Pizan n'assistera plus à aucune réunion du Conseil, mais fait partie de la délégation de maires envoyée à Vichy.
. Entre temps, le Conseil s'est réuni en session extraordinaire le 18 janvier pour venir en aide aux sinistrés de Toulon. La deuxième session débute le 24 mai. Les maires démissionnaires sont ceux de Correns, Ramatuelle, Salernes, Aups, Fréjus et Les Arcs ; les trois autres ceux de La Valette, Sanary et Montauroux.
. ADV, 1 W 23, Rens. gén., 18 octobre (sur Ollioules) et 1 W 43, Pol. locale, 17 avril 1944 (sur Hyères).
. ADV, Cour de Justice de Draguignan, procès-verbaux 1, lettre au préfet, 11 mars 1944.
. Voir graphique en annexe. Un exemple de démission in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., document 115, celle du conseil municipal de Fréjus, le 15 avril 1944, par quatorze voix contre deux.
. ADV, 1 W 44, Le Luc et 47, Pourrières. Autre illustration du problème à Besse où le maire fait l'unanimité pour son inertie, mais que l'on maintient faute de remplaçant (1 W 36, Rens. gén., 21 janvier et 22 février 1944).
. ADBdR, M6 III 42, Préfet, 12 avril 1944.
. Autre solution proposée : l'utilisation de la loi du 16 novembre 1940 qui, dans son article 2, permet de nommer un délégué spécial si un maire refuse ou doit être remplacé ou celle du 11 juillet 1938 sur l'organisation du pays en temps de guerre qui autorise à requérir le secrétaire de mairie (ADV, 1 W 35, note de Vichy du 8 janvier 1944).
. ADV, 1 W 50 sur Tourtour où le maire est mort (remplacement par un retraité de police le 22 mai 1944), 1 W 43 sur La Motte où la délégation spéciale a démissionné en octobre 1943 (réquisition du secrétaire de mairie le 14 mars 1944), 1 W 36 sur Barjols et 1 W 35 sur Aups.
. ADV, 1 W 50, Saint-Tropez, procédure de nomination et notamment propositions du commissaire Mortier.
. ADV, 3 Z 20 2, lettre du pressenti au sous-préfet le 16 avril. Le sous-préfet accepte le choix de la population. Village de cinq cents habitants environ, Méounes a vu s'opposer la Légion locale et l'ancienne municipalité Charlois (radicale-socialiste). La Légion qui lui reproche son hostilité et ses sentiments “ antinationaux ” a finalement réussi à obtenir sa dissolution dans l'été 1943, malgré l'avis du sous-préfet (dossier en 1 W 45).
. ADV, 3 Z 20 2, ce maire (nommé en 1941), ancien PSF, avait offert sa démission après l'arrestation du colonel de La Roque. Ayant accepté de se maintenir, toujours maréchaliste, il a pris ses distances avec le régime. Sa proposition vise le maire par intérim, ancien adjoint du maire communiste déchu en 1940.
. ADV, 1 W 21, Rens. gén., 17 octobre et 5 décembre 1943.
. Tém. J. Pizan qui faisait partie de la délégation varoise. Le séjour des maires du Sud-Est a eu lieu les 13 et 14 novembre 1943 (et non le 6 et le 7, comme prévu initialement). Motion sur le ravitaillement et photo de la présentation au maréchal Pétain in J.-M. GUILLON, Le Var..., op. cit., documents 119 et 120. D'après le témoin, Laval les a apostrophés de la façon suivant : “ Vous, les radicaux du Vaucluse, Vous, les socialistes du Var... ” qu'ils étaient loin d'être tous...Pétain a répondu aux maires de la Crau (Bouches-du-Rhône) qui se plaignaient de la récolte de fourrages que, s'ils en avaient davantage, les Allemands le leur prendraient. À Pizan qui évoque la bauxite parmi les ressources de son village, il répond : “ Les Allemands en sont friands ”. Le texte remis aux maires est celui de l'allocution prévue à la radio et qu'il n'a pas pu faire.
. ADV, 1 W 21, Rens. gén., 20 et 26 novembre 1943 : on le considère comme effectivement prisonnier des Allemands et servant de couverture à Laval. Que le bruit de sa démission coure alors avec insistance peut être considéré comme l'expression d'un souhait implicite.
. ADV, 1 W 21 20 novembre 1943.
. ADV, 1 W 21 4 décembre 1943.
. ADV, 1 W 22, Rens. gén., 9 janvier 1944.
. ADV, 1 W 28, rapport de décembre 1943 - janvier 1944 (89 961 lettres exactement). Confirmation dans un rapport portant sur la seule commune d'Ollioules : sur 741 allusions diverses relevées, une seule porte sur le Maréchal et elle est critique ! (1 W 46, Ollioules, 31 janvier 1944).
. Le Petit Var, 22 avril 1944.
. Ce bruit circule en avril-mai. L'allocution du 28 évoque “ la défense du continent par l'Allemagne ” et “ les efforts unis de l'Europe ” pour mettre “ notre civilisation... définitivement à l'abri du danger que fait peser sur elle le bolchevisme ”. Elle réjouit fort les ultras (ADV, 3 Z 4 9, Rens. gén., 29 avril et 1 W 22, idem, 6 mai 1944).
. ADV, 1 W 22, 2 janvier 1944 : “ La politique du gouvernement n'avait plus d'influence sur l'opinion publique qui finissait par s'en désintéresser ”.
. ADV, 1 W 22 2, 16 et 22 janvier 1944 et 3 Z 4 9, 12 mars 1944.
. ADV, 1 W 22 2, 9 janvier et 8 avril 1944.
. ADV, 1 W 22 2, 4 et 11 mars 1944.
. ADV, 1 W 13, Pol. Hyères, 24 novembre 1943.
. ADV, 1 W 28, 3 janvier 1944, allusions qui se décomposent en favorables, passées de 645 à 130 entre novembre et décembre, et critiques, 12 467 puis 7 841.
. Nous reviendrons sur La Seyne dans l'étude des mouvements sociaux. Sur le reste du Var, 1 W 23, Rens. gén., 9 novembre et 1 W 21, 13 novembre 1943. Le Haut-Var est particulièrement touché, mais aussi, par la suite, certaines communes du Var moyen (Gonfaron, pénurie trois jours durant fin novembre) et du littoral comme Sainte-Maxime (plusieurs jours à la fin novembre et à la fin décembre), Bormes (plus tard, en février).
. ADV, 1 W 82, Gend., rapport mensuel de janvier 1944 et 1 W 33, Aups, interception téléphonique du maire au Ravitaillement général, 21 janvier : les nombreux réfugiés n'ont que le pain, car il n'y a rien d'autre à distribuer depuis trois semaines.
. ADV, 1 W 28, 27 octobre 1943 : le contrôle postal note la surprise de la population devant la campagne que mène Le Petit Var et son explication de cette libéralité de la censure par le désir des autorités d'utiliser cette soupape de sécurité. En marge, un gros “ oui ” du cabinet du préfet confirme ce jugement.
. Incidents les plus sérieux en avril 1944 quand il en vient à supprimer les communiqués au Petit Var (1 W 24, Rens. gén., 28 avril 1944).
. ADV, 1 W 22, Rens. gén., 15 avril 1944.
. ADV, 1 W 24, idem, 28 avril 1944. Situation dramatique des moyens de lavage, d'autant plus qu'à Toulon, les Allemands ont requis une blanchisserie qui permettait aux pauvres de faire laver leurs affaires avec des tickets de détersifs, et ainsi garder le peu de savon pour leur toilette (30 % environ de la population est touchée).
. ADV, 1 W 13, Pol. Hyères, 25 janvier et 25 mars, 1 W 22, Rens. gén., 8 avril et 1 W 24, idem, 26 avril 1944 (la population s'est “ nettement habituée ” à ne profiter que rarement des produits du Ravitaillement général).
. ADV, 1 W 22, 13 mai 1944.
. ADV, 1 W 22, 27 mai 1944.
. ADV, 1 W 25, Rens. gén., 2 juin 1944.
. ADV, 1 W 60, lettre de l'UD au préfet, 1er juin 1944. La rumeur d'un débarquement en Provence circule alors. Les résistants ne sont pas les derniers à le croire et à le répandre. Son insistance fait soupçonner des fuites dans certains milieux résistants. Nous reviendrons sur cette grave question de la préparation de l'insurrection.